Dans la ville de Mbour et aussi à Saint-Louis, les populations sont de plus en plus plumées par des activités de la société Qnet. Une pratique stoppée par la Police nationale qui a permis à des citoyens naïfs, floués par des offres d’emploi ou commerciales fictives, de sortir de cette situation. Par Alioune Badara CISS – 

A Mbour, la peur gagne les populations. Une série d’interpellations massives a secoué ces derniers temps, la capitale de la Petite-Côte. Samedi 19 juillet 2025, la police a mis en lumière les activités controversées de la société Qnet. Au total, 28 personnes dont 26 Séné­galais, un Comorien et un Gambien, ont été arrêtées par le poste de police de Mbour, soupçonnées d’être impliquées dans un réseau s’apparentant à un système pyramidal. Parmi les détenus, treize femmes et quinze hommes.

Les autorités locales ont également procédé à l’arrestation de cinq individus supplémentaires au Commissariat central de Mbour pour des faits présumés d’escroquerie liés à Qnet, suite à la plainte d’une victime. Ces événements récents confirment l’intérêt persistant de Qnet pour Mbour, une ville à la démographie et au dynamisme économique propices, mais où la vulnérabilité des jeunes et les controverses passées de l’entreprise posent question.

Les récentes interpellations mettent à nu les pratiques de recrutement de Qnet. La majorité des personnes interpellées ont déclaré avoir été conviées à une formation organisée par la société à Mbour. Certaines d’entre elles ont même avoué avoir versé de l’argent pour l’acquisition de produits, s’inscrivant dans ce que les enquêteurs décrivent comme un système pyramidal. Selon les premiers éléments de l’enquête, cette structure ciblerait principalement les jeunes sans emploi, leur faisant miroiter de fausses opportunités professionnelles. Ces allégations ont entraîné une recrudescence de plaintes de parents auprès des autorités locales.

Pourquoi Mbour ?
Deux responsables présumés de ce réseau, se présentant comme des agents Qnet, ont été déférés devant le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Mbour. Parallèlement, une autre affaire d’escroquerie présumée a éclaté le 19 juillet. Une victime a déposé plainte contre un responsable de «Qnet Oscar». Après lui avoir proposé d’intégrer la société de marketing de réseau, la victime a été incitée à se rendre au siège de l’entreprise, situé au premier niveau de l’immeuble abritant l’établissement Fbi sur la Route nationale n°1. Là, un responsable lui aurait promis une commission hebdomadaire et un produit, le «biodisque», censé lutter contre l’hypertension artérielle, maladie dont souffre sa mère. La victime a versé un acompte de 25 000 F sur un total de 450 000 F, avant d’être harcelée pour le paiement du reliquat. Cinq personnes, toutes des agents en marketing de réseau, ont été interpellées et placées en garde à vue suite à cette affaire. L’enquête est en cours.

Malgré les controverses récurrentes et les accusations d’escroquerie qui ont déjà entaché sa réputation au Sénégal, Qnet semble résolue à renforcer sa présence à Mbour. Selon des personnes interpellées sur la question, plusieurs facteurs pourraient expliquer cet intérêt. «Avec une population estimée à 284 189 habitants en 2023, Mbour est la troisième ville la plus peuplée du Sénégal. Cette forte concentration démographique offre un bassin important de consommateurs et de potentiels distributeurs pour une entreprise de vente directe», déclare un enseignant.

En plus de cet aspect, le dynamisme économique local y est pour quelque chose, renseigne Serge Bocandé. «Mbour est un pôle économique majeur, avec une économie diversifiée incluant la pêche, le tourisme, avec Saly Portudal, l’agriculture, le commerce et l’industrie. Ce dynamisme est un atout pour toute entreprise cherchant à étendre sa portée», précise notre interlocuteur.

A l’en croire, les jeunes sont ciblés. «Les zones à forte croissance démographique, où les opportunités d’emploi formel sont limitées, comme Mbour, sont malheureusement souvent ciblées par des entreprises de vente multiniveau ou des systèmes présumés pyramidaux, qui promettent des gains rapides aux jeunes en quête d’opportunités. Sans compter les efforts de communication et de nettoyage d’image. C’est pourquoi, face aux accusations, Qnet a multiplié les campagnes de sensibilisation et les événements visant à rassurer le public et les autorités sur la légalité de ses activités. Une campagne anti-arnaque de Qnet a d’ailleurs eu lieu à Mbour en avril 2025», rappelle M. Bocandé.

Située sur la Petite-Côte, à environ 80 km de Dakar, Mbour est un carrefour commercial et touristique important, facilitant potentiellement la logistique et l’expansion des activités. «Les autorités surveillent de près les activités de Qnet au Sénégal», a déclaré une source proche de l’enquête, soulignant que «si la société cible Mbour, c’est probablement une combinaison de l’attrait pour le marché potentiel et la nécessité de gérer les problèmes de réputation sur place». Les interpellations récentes confirment la vigilance des Forces de l’ordre face aux pratiques de cette entreprise, et l’enquête se poursuit pour déterminer l’étendue du réseau et les responsabilités de chacun.

A Saint-Louis, la police a aussi démantelé un autre réseau de fraude. «Le Com­missariat central a interpellé 11 individus au quartier Hlm de Ngallèle pour association de malfaiteurs, escroquerie, tentative d’extorsion de fonds, séjour irrégulier. Les personnes arrêtées sont originaires du Sénégal, de la Guinée et du Togo. Parmi elles : agents marketing, maçons, étudiant et soudeur», détaille la police. Elle poursuit le déroulé des investigations : «Tout est parti d’une dénonciation : un enseignant-chercheur a signalé la séquestration d’une jeune fille malienne recrutée via Facebook par une dame lui promettant un emploi fictif à 100 mille F Cfa/semaine. En réalité, il s’agissait d’un recrutement déguisé par Qnet, entreprise au cœur de nombreuses arnaques similaires. Refusant d’y adhérer, la jeune femme aurait été empêchée de repartir. Les 11 mis en cause ont nié les faits, mais ont été placés en garde à vue. Une enquête est en cours.»
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