Les enseignants vacataires du Sénégal sont dans une situation très difficile. Ils sont nombreux à vivre dans la précarité. Malgré le travail colossal qu’ils abattent dans les universités du pays, ils ne sont pas rémunérés à la hauteur de leur tâche. A travers le Rassemblement des enseignants vacataires des universités du Sénégal (Revus), un cadre d’échanges qui regroupe les enseignants vacataires des 8 universités publiques du Sénégal, ils ont tenu une conférence de presse pour informer l’opinion nationale et internationale de la situation qu’ils vivent. «Le rôle des vacataires est d’être aux côtés des enseignants titulaires pour animer des séances de travaux pratiques. Mais, il s’est avéré qu’à un moment donné, ces vacataires constituent la cheville ouvrière des universités. Ils participent à toutes les démarches pédagogiques et de recherches. Ils dispensent des cours magistraux, des travaux pratiques, des travaux dirigés, ils font la surveillance des examens, ils corrigent des copies, font l’encadrement des étudiants qui préparent leur licence et leur mémoire», a rappelé Dr Mamadou Diatta.

Pourtant, ils n’ont aucun statut dans les textes universitaires, alors qu’ils représentent plus de 70% du corps enseignant dans les universités, et même 99% dans certaines universités du pays. A son avis, «l’université a une main-d’œuvre facile qu’elle est en train d’exploiter». Car «les enseignants vacataires participent aussi aux publications internationales qui sont comptabilisées par l’université», a-t-il fait savoir. Mais, malgré tous ces efforts, «ils n’y gagnent rien parce qu’ils n’ont aucun plan de carrière. Ils ne partent pas au Cames. En aucun cas ils ne peuvent comptabiliser ces publications lorsqu’il y a recrutement», a-t-il dénoncé. A l’en croire, la situation peut durer plusieurs années. «Il n’y a aucune organisation sur ces recrutements. Ils cumulent beaucoup d’années, et même on va jusqu’à exclure certains du cadre de recrutement qui est fixé à 45 ans», a-t-il ajouté, montrant que c’est une condition injuste fixée par les universités. De l’avis de ces vacataires, une injustice terrible se joue au niveau des universités. Une situation qui a fini d’installer ces pères et mères de famille dans une précarité sans précédent. «Ces vacataires sont des gens qui ont des responsabilités, qui ont soutenu des thèses avec brio et qui voulaient entamer des carrières universitaires brillantes devant témoins, devant tout le quartier, et après, ont du mal à joindre les deux bouts parce qu’on ne les paie pas à temps et pas suffisamment, au vu et au su de tout le monde», a dit, avec beaucoup d’amertume, Dr Pape Momar Fall, qui trouve que c’est un problème de sensibilité. «On peut voir quelqu’un mourir et sans être sensible à sa mort», a-t-il remarqué.

«Aux universités de Kaolack, Bambey et Ziguinchor, il n’y a que le premier semestre de l’année 2023-24 qui a été payé, parfois même partiellement. Dans certaines universités, ils font de l’arbitrage au niveau des vacataires. Il y a certains qu’on paie et d’autres à qui on demande d’attendre», a-t-il révélé.
Pourtant quand on regarde la comptabilité officielle, les salaires ne tardent pas. Suffisant pour ces enseignants du supérieur de dire qu’il y a une comptabilité efficace pour ceux qui sont reconnus officiellement si l’on sait qu’on fait toujours attendre les vacataires. «Même ceux qui travaillent à l’annexe, comme les plombiers, sont payés plus rapidement que les vacataires», a dit l’enseignant.

Cette situation coûte cher à ces individus. «Il y a des familles qui peinent à se déplacer, des enseignants qui prennent les mêmes moyens de transport que leurs étudiants, des gens qui ne mangent pas à leur faim, parce qu’ils sont payés tardivement. Il y a des gens qui sont endettés, parce qu’ils pensent qu’à telle période on devrait leur virer leurs vacations, et après on les fait courir. Il y a des gens qu’on a fait sortir de leur milieu de vie. Il y a des gens qui ne représentent plus rien du tout au sein de leur famille», a souligné Mactar Diop, le chargé de revendications, qui appelle les autorités à trouver une solution à cette situation.
Par Justin GOMIS – justin@lequotidien.sn