L’adjoint au maire de Thiès-Est pense que les allégations d’un deal supposé entre Macky Sall et Idrissa Seck ne sont qu’un «slogan pour faire sensation». Aly Tounkara estime par ailleurs que le silence de son leader est un «choix stratégique». Selon lui, Rewmi développe la stratégie du «leadership éclaté».

Votre parti fait l’objet depuis quelque temps d’attaques de part et d’autre, et parfois même entre Yankhoba Seydi et Déthié Fall. Quelle lecture en faites-vous ?
La lecture que j’en fais est que dans toute association, il y a forcément des divergences d’opinions, de points de vue et non de personnes. Et je pense que dans une association, il faut respecter le point de vue de chacun. Mais je ne pense pas que cela soit quelque chose d’exceptionnel par rapport au parti Rewmi ni quelque de chose de grave en soi. C’est juste que ce sont des personnes qui ont toutes foi en Idrissa Seck. Mais la contradiction en soi est pour moi une règle normale au sein d’une association, en particulier d’un parti politique.
Cette agitation qui gangrène présentement votre parti ne trouverait-elle pas son origine dans le silence troublant de votre leader Idrissa Seck ?
Je ne pense pas. La raison est simple. Aujourd’hui, le président Idrissa Seck a donné toutes les orientations au Secrétariat national. Nous avons un parti assez bien structuré. Et l’animation politique aussi se fait autant que faire se peut à la base. Donc, aucun responsable ne peut justifier son acte par rapport au silence de Idrissa qui n’est pas pour moi un silence en tant que tel, mais une interprétation des Sénégalais ou bien des médias.
Un silence que d’aucuns n’hésitent pas à assimiler à un «deal» entre le Prési­dent Macky Sall et l’ancien Premier ministre…
Il ne peut pas y avoir de deal. Ce mot est un slogan utilisé par la presse en général pour faire sensation.
Et vous accusez la presse ?
Non, je n’accuse pas la presse puisque les journalistes ont le droit d’interpréter son silence comme cela leur convient. Mais ce n’est pas parce qu’ils l’ont interprété comme ça que c’est le cas. Nous sommes des démocrates et nous tenons à ce que chacun fasse son travail correctement. Les gens peuvent se tromper de bonne foi. Mais ce qu’il faut retenir fondamentalement sur ce silence, c’est qu’il ne peut pas y avoir de deal entre le président de notre parti Idrissa Seck et le président de la République Macky Sall. Ils sont tous les deux des citoyens ayant chacun sa propre vision pour le Sénégal.
Si la thèse du «deal» est fausse, pourquoi le président de Rewmi s’emmurerait-il dans son silence troublant ?
Dans la vie, il y a des choix stratégiques. Aujourd’hui, nous sommes dans le cercle politique. Après s’être énormément investi pour des élections qui ont été excessivement pénibles pour tout le monde, je pense que rien que pour des raisons humaines, il peut être compréhensible qu’une personne puisse prendre un peu de distance, sur le plan social, pour s’occuper de sa personne et de sa famille. Mais au-delà, sur le plan politique, mais pourquoi les Sénégalais veulent impérativement que le président Idrissa Seck parle ? S’il parle, il doit parler de quoi ? A-t-il aujourd’hui un sujet qu’il n’a pas abordé lors de la période post-campagne et pendant la campagne électorale ? Nous étions la seule coalition, Idy2019, à présenter un programme structuré et cohérent sur l’ensemble des préoccupations des Sénégalais et des secteurs stratégiques, voire vitaux. Donc pour moi, il a tout dit dans ce programme. Mais peut-être vous parlez de son silence vis-à-vis de l’actualité qui n’est pas pour moi un silence parce que nous avons des députés, en particulier le vice-président Déthié Fall, qui est la courroie de transmission du président Idrissa Seck et du parti au niveau de l’Assemblée nationale. Et il le fait de façon excellente. Actuellement, nous sommes dans un leadership éclaté. Autant le vice-président peut porter sa parole et sa vision, autant le secrétaire général, Lamine Ba, et les autres peuvent le faire. Il faut que cela soit clair. Le président Idrissa Seck est en avance sur son temps parce que tous les partis politiques qui ont connu des problèmes ont toujours concentré le leadership de façon exclusive sur leur patron. Aujourd’hui, le président Idrissa Seck ne peut pas faire ces erreurs après plus de 30 ans de carrière politique. Il laisse chacun libre de s’exprimer tout en restant dans sa vision, dans ses orientations et dans le respect du règlement intérieur du parti.
Le secrétaire national à la Vie politique et directeur des Structures de Rewmi, Yan­khoba Diattara, pense que votre parti souffre d’un manque de cadres ayant de l’expertise et qui acceptent de mouiller le maillot. Partagez-vous ce point de vue ?
Nous avons effectivement énormément de cadres compétents presque dans tous les domaines. C’est cela qui fait que nous avons des secrétaires nationaux au niveau de tous les secteurs stratégiques. Que ça soit l’éducation, la femme et l’enfance, l’agriculture, la sécurité, l’hydraulique, tout ce qui est eau et environnement com­me cela m’a été confié, etc. Donc sur le constat de la qualité des ressources humaines, oui le parti Rewmi dispose effectivement d’un grenier de ressources humaines extrêmement important.
Mais qui ne mouillent pas le maillot…
Là, je suis parfaitement en phase avec le secrétaire national à la Vie politique du parti, Yankhoba Diattara. Parce qu’il ne s’agit pas de se dire «je suis un cadre». La question est : qu’est-ce qu’on peut apporter au-delà de la compétence ? Au-delà d’apporter son expertise pour aider le président à accéder à la Magistrature suprême de ce pays, il faut aller vers la base comme je le fais au niveau de ma commune Thiès-Est. L’expertise et le terrain sont complémentaires sinon comme il l’a dit, certains restent des cadres sur les supports numériques, à savoir WhatsApp, Facebook, etc. C’est bien, mais ça ne suffit pas. Nous avons besoin de porter notre candidat à la tête de ce pays en 2024. Cela veut dire que les cadres ont l’obligation d’aller vers les Sénégalais et leur expliquer davantage le programme que nous avions bâti en 2019 et que nous allons remettre à jour probablement pour 2024.
Que pensez-vous du dialogue national et dialogue politique ?
Notre parti est très clair là-dessus. Nous ne sommes pas partie prenante pour le dialogue national. A mon avis, la finalité du dialogue national, c’est d’arriver à stabiliser la situation sociale du pays. Or le Sénégal n’est pas dans une crise majeure, même s’il y a des difficultés dans certains secteurs. Les choses sont claires, chacun doit savoir ce qu’il doit faire, chaque département sectoriel doit assumer les conditions de sa stabilité aussi bien dans le secteur public que privé. A la limite, ce dialogue national est une sorte d’Assises nationales bis. Pour nous, il y a une impertinence, aussi bien dans la forme que dans le fond parce qu’il y a déjà les conclusions des Assises nationales pour une meilleure régulation sociale au niveau du Sénégal. Je pense qu’il y avait d’autres canaux pour régler les crises sociales embryonnaires dans certains secteurs tels que la santé et l’éducation. Par rapport au dialogue politique, dès lors que nous considérons que le fichier électoral qui permet de choisir le président de la République, les députés, les maires, est biaisé, il est hors de question pour le parti Rewmi de faire la politique de la chaise vide sur cette question. Il s’agit de faire face, de façon technique, pour apporter des arguments à son amélioration, voire sa refonte totale ou partielle. Nous avons démontré avec le secrétaire national aux Elections, Ass Babacar Guèye, un certain nombre d’irrégularités qui ont entaché, je ne dirai pas seulement les élections, mais tout le processus électoral en 2019 avec la publication du livre blanc de la coalition Idy2019. C’est cela que nous voulons éviter en 2024. Donc de façon définitive, le jeu démocratique doit se baser sur des principes les plus transparents afin de préserver les acquis démocratiques de notre cher Sénégal.