Le leader du Front pour la République (Fpr) ne sent pas l’engagement du président de la République auprès des malades du Covid-19. Djibril Diop attend un geste de Macky Sall dans ce sens. Par ailleurs, cet allié de Madické Niang lors de la dernière Présidentielle relève «beaucoup de manquements» dans la distribution de l’aide alimentaire aux ménages touchés par les effets du Covid-19.

Comment voyez-vous l’aide alimentaire avec son lot de critiques sur l’octroi des marchés ?
L’aide alimentaire a suscité beaucoup de polémiques, notamment au niveau du transport des denrées. Ça ne rassure guère. On avait espéré que la transparence serait au cœur du processus de distribution de cette aide alimentaire dans ce contexte de crise sanitaire. On attendait une gestion transparente et concertée. D’ailleurs, je pense que la mise en place du Force-Covid-19 devait précéder l’achat de l’aide alimentaire. Si les autorités continuent de gérer les choses de cette manière, cela va continuer à installer le doute et entretenir toujours la polémique. Je pense qu’il y a un manque d’organisation et d’encadrement dans la prise de décision et dans la gestion du Covid-19. Nous ne sommes pas en guerre, mais dans une crise sanitaire qui fait appel à des moyens colossaux pour faire face. Le Sénégal dispose d’un système sanitaire faible. Mais au fond, la polémique née de la distribution des produits alimentaires est favorisée par l’implication de la famille du Président dans la gestion des affaires publiques. Hier c’était avec Karim Wade, aujourd’hui c’est avec Mansour Faye. Aujourd’hui, le Peuple sénégalais, par le truchement de ses représentants à l’Assemblée national, a donné au chef de l’Etat tous les moyens nécessaires de combattre cette pandémie : C’est la loi d’habilitation qui lui autorise de gouverner par ordonnance. Mais il faudra qu’il sache qu’on lui a confié ces pouvoirs exceptionnels et qu’il devra faire un bilan et rendre compte. S’agissant de cette distribution des kits alimentaires, il faut se rendre à l’évidence qu’il y a un problème de mise en place de données statistiques fiables qui se pose. C’est à l’Etat que cette responsabilité incombe de situer le niveau de pauvreté et de dégager les critères de ceux qui devraient être les bénéficiaires légitimes de cette aide.

Avez-vous espoir qu’il y aura des rectificatifs suite à la nomination du Général François Ndiaye à la tête du Comité de suivi du Force-Covid-19 ?
Je ne pense pas que la nomination du Général François Ndiaye, que je salue au passage, puisse rectifier le tir parce qu’on a raté le bateau. Les autorités ont mis la charrue avant les bœufs. Je ne pense pas que cela puisse contribuer à restaurer la confiance des Sénégalais après ce qui s’est déjà passé. Le Général Ndiaye a fait ses preuves, mais je ne pense pas qu’il puisse remettre de l’ordre. C’est un Comité de suivi et les autorités ont organisé les choses à leur convenance. Si elles voulaient la transparence, elles auraient associé tout le monde. Je n’ai pas espoir que la transparence sera au rendez-vous. Lorsqu’elles disent qu’elles commenceront par les bénéficiaires des bourses familiales dans la distribution des vivres alimentaires, je pense que cela relève d’une stratégie politique. Parmi les bénéficiaires des bourses familiales, il y en a qui n’en ont pas le droit. Cela a été souvent dénoncé par le passé. La vérité c’est que ce sont leurs militants qui seront privilégiés dans cette distribution. Les religieux jouent un rôle important dans la marche du pays. Et puis, dans ces concertations inclusives, le Président devrait d’abord rencontrer en premier les khalifes généraux avant les partis politiques. A Touba, par exemple, qui connaît des cas positifs, les religieux devaient être impliqués dans la sensibilisation. Ce sont des leaders d’opinion et, sous ce rapport, leurs messages ont plus d’impact sur les populations de Touba.

Comment se passe la distribution de l’aide alimentaire dans votre commune, Golf ?
Au niveau de la commune de Golf, il n’y a même pas de recensement, contrairement à d’autres comme Sahm Notaire. Alors que pour une distribution correcte, il faut une base de données. Je pense qu’on va vers une distribution politique et des commissions politiques. Cela va contribuer à amplifier davantage la polémique. Le rôle des maires et des autorités locales de façon générale, c’est d’être au-devant de la scène, de distribuer des masques et des gels antiseptiques à la population pour l’aider à prévenir le Covid-19. Malheureusement, on ne les sent que quand il s’agit de descendre sur le terrain pour faire de la politique. On ne sent pas les cinq maires de Guédiawaye, ni le maire de la ville (Ndlr : Aliou Sall). C’est pourquoi je ne peux m’empêcher de remercier Barthélemy Dias pour l’énorme somme qu’il a dépensée pour assister sa commune Mermoz-Sacré Cœur. C’est sur ces gestes louables que les maires sont attendus.

Que pensez-vous de l’enveloppe de 12,5 milliards destinée à la diaspora et de sa distribution qui fait grand bruit chez les pays d’accueil ?
Il y a un audio d’une Sénégalaise basée à Renne qui circule et qui fait état de 12,5 milliards de nos francs destinés à la diaspora. Une information y est véhiculée, demandant aux gens de se retrouver quelque part pour s’inscrire. En ce qui concerne cette aide destinée à la diaspora, je pense qu’on ne devrait pas mettre cet argent à la disposition des consuls si on veut une gestion transparente. Mais on devrait penser mettre des commissions dans lesquelles il y aurait les représentants de la société civile, les représentants des partis politiques et même les religieux.

Quelle est votre position par rapport à la gestion du Covid-19 avec les cas issus de la transmission communautaire qui se multiplient et inquiètent ?
Je note des manquements dans la communication des autorités sur le Covid-19. Beaucoup de personnes ne prennent pas encore cette maladie au sérieux. Bien que les médias jouent leur partition, je pense qu’il faudrait plus de communication pour participer à l’éveil des consciences. Maintenant, on ne parle plus de Covid-19, les gens sont préoccupés par l’aide alimentaire. Pourtant, la santé doit primer sur tout.

Quelles propositions feriez-vous au président de la République dans la lutte contre le coronavirus ?
Le président de la République doit d’abord rendre visite aux malades du Covid-19. Il doit se rendre dans les hôpitaux pour les réconforter. On n’a pas vu le Président Macky Sall faire comme les autres Présidents, de la Chine et de la France. On doit lui mettre tout l’équipement nécessaire, à l’image des médecins, pour éviter tout risque de contamination, pour qu’il soit dans les dispositions de se rendre au chevet des internés. On attend ce geste du commandant en chef qu’il est.

Cette pandémie devrait-elle plus rapprocher tous les segments de la société sénégalaise ?
On devrait s’unir contre le Covid-19, mais je ne sens pas cette union. Cette crise sanitaire devrait aider les pays africains à prendre conscience que l’heure de prendre en charge leur destinée a sonné. Nous sommes trop dépendants de l’Occident sur plusieurs choses. Aujourd’hui, la crise sanitaire est allée jusqu’à dépasser les pays européens. Les autorités devraient être capables de faire des analyses. On ne peut pas dire aux gens de rester chez eux sans mesures d’accompagnement. On doit faire attention en agitant l’idée d’un confinement général. Rien qu’en instaurant les mesures d’urgence avec un couvre-feu de 20h à 6h du matin, la population en souffre. Une grande partie de cette population s’active dans le secteur informel. Si on descend l’heure du couvre-feu à 18h, cela va créer davantage de problèmes à nos concitoyens. La population devrait être préparée à ce genre de situations parce que gouverner c’est prévoir. Les gouvernants devraient analyser les crises auxquelles le pays devrait faire face après cette crise sanitaire. Nous sommes certains qu’il y aura une crise économique. On devrait donc réfléchir dès maintenant à des plans de sortie de crise et de relance de l’économie.

Qu’en est-il de votre compagnonnage avec Madické Niang, candidat à la dernière Prési­dentielle et qui s’est retiré de la politique ?
J’avais soutenu Madické Niang dans le cadre d’une coalition lors de la Présidentielle du 24 février 2019.
Mon soutien a été motivé par le fait que Madické Niang était le candidat le plus crédible et qui pouvait rassurer les Sénégalais. Madické Niang avait une vision éclairée, c’est un homme d’Etat. Notre coalition a jeté son dévolu sur lui. Il a laissé la politique en se pliant à la volonté du khalife général des Mourides en tant que talibé. C’est ce qui l’a empêché d’ailleurs de créer son parti. Le fait de ne pas faire la politique ne l’empêche pas de s’activer sur le terrain social. Il a dégagé une enveloppe de 12 millions de nos francs de vivres alimentaires qu’il a distribués à Touba dans le cadre du Covid-19. Ce qui me lie à Madické Niang est plus fort que la politique. Les relations humaines prennent le pas sur la politique. En tant que secrétaire général du Front pour la République (Fpr), mon ambition est de diriger le Sénégal pour traduire une vision qui puisse sortir le Sénégal de l’ornière, en prenant en charge les aspirations du Peuple sénégalais.