Entretien Avec… – Ibrahima Barry, réélu au Conseil départemental de Vélingara : «Ces Locales sont une alerte pour le Président»

Ibrahima Barry, candidat de la coalition Benno bokk yaakaar pour le département de Vélingara qui a remporté le scrutin avec un score de 58%, réaffirme l’ancrage de son parti dans la coalition présidentielle, et appelle l’Etat à plus de considération pour le département qui a plus d’électeurs que Kolda et Médina Yoro Foula réunis. Il explique la percée de Yewwi askan wi par le mauvais casting de la coalition présidentielle.Propos recueillis par Abdoulaye KAMARA (Correspondant) – Vous êtes déclaré provisoirement, vainqueur des élections locales dans le département de Vélingara. Expliquez les raisons d’une si large victoire.
Permettez-moi d’abord de revenir sur les résultats. Sur les 54 558 votants, la Coalition Benno bokk yaakaar a obtenu 32 123 voix, ce qui donne un taux de plus de 58%. Je pense que c’est un bon résultat. Ce qui est réjouissant dans cela, c’est que même dans les communes perdues par Bby, nous avons remporté les départementales. Cela a été une reconnaissance du bilan, du travail immense que nous avons effectué à la tête du Conseil départemental. Nous avons largement gagné devant les 3 autres listes.
Vous êtes tout de même candidat d’une coalition au pouvoir, ce n’est pas évident de convaincre les électeurs…
Oui…je pense que ces résultats montrent que le président de la République Macky Sall est largement majoritaire à Vélingara. C’est un département assez important en termes d’électeurs. Nous sommes à 103 000 électeurs, un département vaste en termes de populations avec 372 000 habitants et 534 villages. Nous constituons 43% de la population de Kolda.
Nous avons fait une tournée dans les 14 communes du département, nous avons vu que l’Etat a fait beaucoup de réalisations qui expliquent en partie la réélection de certains maires. On peut parler de la Der/fj, du Puma, de la construction des pistes et de beaucoup d’autres projets. Et les maires ont pu bénéficier d’une augmentation conséquente de leurs budgets.
Nous profitons de cette occasion pour faire un plaidoyer pour que le président de la République accorde plus d’attention aux priorités du département, qui sont urgentes : le désenclavement, en goudronnant certains axes qui sont des routes transfrontaliers, des routes stratégiques qui sont empruntées par des camions guinéens, etc. Nous avons beaucoup d’abris provisoires et des zones densément peuplées, qui n’ont pas de poste de santé.
Maintenant que vous êtes réélu au Conseil départemental, déclinez vos axes prioritaires d’intervention pour ce mandat-ci.
Il faut dire que notre premier mandat a été un mandat de combat politique, d’opposition avec les maires. Aujourd’hui, nous remercions le chef de l’Etat qui a réuni sa famille politique. Nous avons fait la paix avec tous les maires et nous comptons collaborer étroitement avec eux, en travaillant sur l’intercommunalité, en réalisant des projets intercommunaux. Nous allons également travailler dans le domaine de l’éducation, parce qu’il faut résorber le déficit en salles de classe, en construisant dans des lieux où elles sont entièrement en abris provisoires, favoriser l’utilisation de l’outil informatique dans les lycées et collèges. Mais également, en partenariat avec les maires et l’Etat, construire un hôpital départemental et beaucoup de postes de santé, et aussi travailler sur l’environnement. Nous voulons un Fouladou vert à travers le reboisement, la lutte contre les feux de brousse et installer des forêts communautaires. Nous pensons également à l’emploi des jeunes et des femmes, en installant annuellement, 2 ou 3 fermes villageoises, comme nous l’avons fait dans le village de Payoungou. Dans le domaine de l’élevage, nous voulons introduire de nouvelles races bovines et caprines pour renforcer le potentiel génétique.
En plus, il faut signaler que le budget participatif que nous sommes les premiers à expérimenter, sera renforcé progressivement jusqu’à ce que, à la fin du mandat, la totalité du budget en termes d’investissement soit exécutée sur le format participatif, qu’il soit une appropriation des populations. Cela favorise la redevabilité, la reddition des comptes.
La percée de la coalition Yewwi askan wi dans les grands centres urbains du Sénégal vous inspire-t-elle une analyse ?
Nous devons tirer les leçons de ces élections locales puisqu’elles préfigurent ce qui arrivera aux Législatives et à la Présidentielle de 2024. Mais le chef de l’Etat est bien outillé, bien renseigné pour pouvoir prendre des décisions.
Mais je pense également qu’il y a eu un problème au niveau du choix des hommes. En matière d’élections locales, il ne s’agit pas seulement d’avoir le profil, d’avoir les moyens, mais il faut être proche des populations. Ce sont les enseignements qu’il faut tirer de ces résultats. C’est surtout valable à Dakar où on a vu des personnes bien positionnées au niveau de l’appareil d’Etat, se faire battre par des personnes qui ne sont pas très connues du grand public. Quand on veut être un élu local, il faut être proche des populations que l’on voudrait diriger. Je pense qu’il y a un fossé entre les hommes qui ont été investis et leurs populations. Il y a des choses à revoir dans le choix des hommes. Les élections locales, c’est une alerte pour le Président. Il faudra renforcer les hommes qui sont dans des zones très favorables au président de la République et penser à un nouveau casting dans les zones que nous avons perdues. En tant que entraîneur, le chef de l’Etat devra pouvoir choisir les meilleurs joueurs pour des victoires futures.
akamara@lequotidien.sn