Mahamady Danfakha, deuxième adjoint au maire de la commune de Saraya, acteur de développement, engagé au sein de sa communauté, responsable politique du Pds, revient dans cette entrevue sur le meurtre de Yamadou Sagna, les difficultés dans lesquelles vivent les populations de Saraya. Il interpelle les autorités étatiques sur le redécoupage administratif du département.

«Nous digérons mal le meurtre du jeune Yamadou, qui était l’unique fils valide de sa famille. C’est une situation qu’on fustige et que nous déplorons jusqu’à la dernière minute. Il a été froidement descendu par les hommes de la brigade de Douane de Saraya. L’Etat doit tirer tous les enseignements par rapport à cette situation et veiller à la sanction des responsables de cette bavure. Il y a eu beaucoup de cas de tueries à Kédougou occasionnées par des hommes de tenue. Il faut que cela cesse. Car nous ne sommes pas des animaux. Non seulement, nous sommes des Sénégalais à part entière, nous sommes aussi des personnes civilisées. Le soulèvement spontané et populaire des populations à la suite du meurtre de Yamadou Sagna au village de Bohody dans le Sirimana est assez révélateur. Les populations subissaient beaucoup d’exactions de la part de ceux qui devaient veiller au maintien et à la restauration de l’ordre.
C’est pourquoi, devant la furie de cette marée humaine, le poste de la douane et la brigade de gendarmerie n’ont pas pu être épargnés. Et il faut oser le dire : le jeune Yamadou a été tué à cause de l’or. Le département de Saraya est une attraction parce qu’il y a beaucoup d’or dans cette partie de la région. Même dans les maisons on trouve de l’or. Il suffit juste de creuser un peu. La recherche de l’or est une pratique culturelle à Saraya. C’est pourquoi, nous avons exprimé au ministre de l’Intérieur notre volonté de ne jamais revivre pareille situation dans la région de Kédougou. Par ailleurs, il faut dire que nous vivons un paradoxe. Car avec toutes les richesses dont dispose le département, les populations vivent dans le dénuement total caractérisé par un manque criard d’infrastructures sociales de base, le chômage chronique des jeunes, l’insécurité et la promiscuité, l’enclavement. C’est pourquoi, l’Etat doit veiller à restaurer l’équilibre social dans cette zone pour que les populations se retrouvent dans l’exploitation des richesses de leur sous-sol ou tout au moins pouvoir bénéficier des retombées économiques. Même l’administration travaille dans des conditions très difficiles pour ne pas dire précaires.
La situation doit être revue. Saraya est dans une situation d’urgence comme le reste de la région. La situation que nous vivons est un sentiment de délaissement. Le fonds social minier dont on parle n’existe que de nom à nos yeux. En réalité, on ne sait même pas de quoi il s’agit encore moins qu’est-ce qu’il permet de faire. Parce qu’il est difficile de montrer ce qu’il a permis de faire pour améliorer les conditions d’existence des populations de Saraya. A ce nouveau, l’Etat doit veiller à ce que cet argent soit géré au niveau déconcentré par les collectivités locales pour leur permettre de répondre favorablement à la demande et aux préoccupations de leurs populations. Sinon, c’est un fonds fantôme.
L’Etat du Sénégal a consenti beaucoup d’efforts dans l’installation des couloirs d’orpaillage pour réglementer le secteur. Toutefois, il faut noter que cette situation a créé plus de problèmes qu’elle n’en a réglés. Il y a beaucoup de frustrations et beaucoup de désordre au niveau des sites d’orpaillage. Il faut dire qu’il est urgent d’intervenir pour calmer les esprits et procéder à un rééquilibrage. Surtout dans des sites comme Kharakhéna ou les populations sont assises sur une «poudrière». D’après les informations qui nous ont été rapportées par les autorités administratives, le département de Saraya ne dispose quez de 15 couloirs officiels d’orpaillage. Or, certains parmi ces derniers n’existent pas physiquement sur le terrain. D’autres n’existent même pas en réalité. En plus de cela, chaque jour que Dieu fait, des privés viennent pour déguerpir les populations de leurs couloirs soi-disant qu’ils disposent d’un permis qui leur attribue le lieu.
Pour la plupart, ce sont des personnes qui viennent avec des papiers en bonne due forme, c’est dire donc nous mêmes on ne comprend pas. Parce qu’on a l’impression qu’il y a deux poids deux mesures. D’une part, l’Etat crée des couloirs pour les orpailleurs et d’autre part il octroie les mêmes couloirs à des privés pour exploitation. Je crois qu’on doit s’arrêter et revoir les choses. D’ailleurs, nous interpellons les autorités notamment le gouverneur de région à tenir un comité régional de développement décentralisé à Saraya pour solutionner cette situation. Il faut de larges concertations de tous les acteurs pour aplanir les choses, avancer dans le bon sens et atteindre l’émergence. Dans ces conditions, il est difficile d’atteindre l’émergence. Ensuite, même sur la délimitation des couloirs, il y a des problèmes. Certains n’ont pas d’or.

«Nous connaissons les coins et recoins qui disposent de l’or»
Comment peut-on cantonner des gens à travailler dans des sites qui ne disposent d’aucune richesse ? C’est impossible. Depuis la nuit des temps, les populations exploitent l’or dans ce département. Nous connaissons les coins et recoins qui disposent de l’or. On doit  prendre en considération des remarques et suggestions des populations locales par rapport à cette question. Par ailleurs au niveau des sites d’orpaillage, on a un bon dispositif sécuritaire avec les «Toumboulmans» qui veillent au grain. Il est aussi du ressort de la gendarmerie de veiller à la sécurité des personnes et de leurs biens. A ce niveau, on a signifié au ministre (de l’Intérieur) que nous ne souhaitons pas leur présence au niveau des sites d’orpaillage parce qu’ils chassent l’or. L’or est une affaire des djinns et ces derniers n’aiment pas les hommes de tenue. Ils peuvent se limiter dans le village et au niveau des axes routiers et laisser les Toumboulmans faire le boulot au niveau des sites d’orpaillage comme cela a toujours été le cas. Tant qu’ils sont sur les lieux, l’or ne se montre pas. Autre fait, c’est que nous disposons d’un joyau à  Saraya. Il s’agit de l’hôpital qui a coûté plus de 8  milliards de nos francs. Disposant de toutes les commodités pour une bonne prise en charge de la santé des populations, l’hôpital souffre d’un manque criard de personnel. Ce n’est pas normal. Le ministre de la Santé doit revoir la situation et faire de telle sorte que Saraya puisse disposer d’un personnel suffisant pour le fonctionnement de tous les services. Il est inadmissible que les populations quittent Saraya pour aller passer une échographie ou une radio à Kédougou alors que l’hôpital dispose du matériel.
C’est aussi l’occasion pour moi d’interpeller le ministre de la Santé et de l’action sociale sur les conditions de travail des infirmiers chefs de poste du département de Saraya. Ces braves hommes travaillent dans des conditions difficiles en risquant leur vie quotidiennement sur des pistes cahoteuses à bord de vieux engins qui ne sont pas adaptés au terrain. Sur les 15 postes de santé du département seuls deux disposent d’une moto pour les déplacements. Ce n’est pas normal. L’Etat doit doter ces institutions d’une logistique roulante de bonne qualité et adaptée au terrain pour une prise en charge sanitaire efficace des patients.
Tout comme le secteur de la santé, le redécoupage administratif du département de Saraya est une forte demande des populations. Le découpage administratif de la réforme de 2008 a causé beaucoup d’inégalités. Au lieu de rapprocher l’administration des administrés, elle a éloigné l’administration des administrés. Pour se faire un papier d’état civil certaines populations sont obligées de faire des kilomètres  à pied. Les populations qui quittent Nafadji font 30 à 35 kilomètres pour rallier Bembou pour l’établissement d’un papier d’état civil. Ceux de Sayensoutou font plus de 100 km pour se rendre à Sabodala. Ne serait-ce que pour avoir un certificat de résidence. C’est autant de cas qui doivent être revus pour mettre les populations à l’aise. A notre niveau on va faire le plaidoyer auprès des autorités pour que les correctifs nécessaires puissent être apportés.

«Laisser la place aux jeunes»
Il y a des choix dans la vie. J’ai choisi de faire de la politique pour porter le combat des populations et travailler à améliorer leurs conditions de vie. C’est dire que je suis en faveur d’une politique de développement d’engagement et de changement de paradigme pour mieux prendre en charge les préoccupations des populations notamment celles de Saraya. A cet effet, je profite pour dire que le Parti démocratique sénégalais (Pds) est bien debout et représentatif au niveau de Saraya. Nous travaillons d’arrache-pied à la mobilisation de nos troupes et à la massification du parti en vue des échéances à venir. Cependant, pour ceux qui disent que le Pds est mort. Le parti se porte encore mieux aujourd’hui qu’hier à Saraya.
C’est avec ce parti que nous comptons faire bouger les lignes dans cette contrée du pays. Car depuis l’avènement du pourvoir en place qui verse dans l’intimidation, l’acharnement rien ne bouge chez nous. Il n’y a aucune évolution. Sinon, c’est le pire. Les populations stressent de jour en jour. Cependant, pour réussir le pari, le nouveau pouvoir central doit s’impliquer davantage en nous apportant ne serait-ce qu’un réconfort moral. Suffisant pour nous doper et montrer à nos militants que nous avons le soutien du Bureau national dans nos actions et combats de tous les jours.
De même que nous demandons aux ainés de laisser la place aux jeunes. Il faut qu’il y ait une alternance générationnelle au niveau des partis politiques comme le nôtre pour permettre à la jeunesse de s’affirmer et de mettre sa fraicheur au service du parti. Cependant, c’est l’occasion d’interpeller certains responsables politiques notamment le parti au pouvoir qui veut museler le Parti démocratique sénégalais (Pds) de cesser l’acharnement qu’il mène sur les responsables de ce parti. Que le pouvoir fasse son travail. Ce pourquoi il a été mis au pouvoir et qu’il laisse l’opposition s’opposer.»