ENTRETIEN AVEC… Mme Yaikah Joof, directrice pays ChildFund Sénégal : «L’Etat doit adopter et appliquer le Code de l’enfant»

Avec la crise du Covid-19, la situation des enfants ne s’est guère améliorée. Au cœur de la bataille pour la protection de l’enfance, ChilFund essaie de soutenir l’Etat pour résoudre les nombreux problèmes auxquels est confrontée cette frange de la population. Mme Yaikah Joof, directrice pays ChildFund Sénégal, détaille dans cet entretien les actions entreprises pour protéger les enfants dans ce contexte de propagation du Coronavirus.
Quelle est la réponse concrète de votre organisation au Sénégal face au Covid19 ?
ChildFund Sénégal est une Ong internationale qui œuvre pour la protection de l’enfant dont le domaine d’excellence est «Placer l’expérience des enfants au cœur de ses préoccupations et de son travail». Cette mission reste actuelle même dans le cadre de la pandémie du Covid-19. Ses programmes sont orientés vers une approche holistique de développement des enfants et jeunes à chaque étape de leur vie ciblant la protection et les domaines connexes comme la santé, la nutrition, l’éducation, le leadership des jeunes et l’amélioration des moyens d’existence des ménages. Au Sénégal, ChildFund collabore avec 7 Partenaires Locaux basés dans les régions de Dakar, Thiès, Diourbel, Ziguinchor et Kolda pour la mise en œuvre de ses programmes. Pour accompagner l’Etat du Sénégal dans le plan de riposte national au Covid-19, ChildFund a financé pour un montant global d’environ 249 979 000 F Cfa à travers les différentes interventions menées par ses partenaires locaux.
Au plan opérationnel, nous avons installé des stands communautaires pour le lavage des mains, l’information des communautés sur les signes, les gestes barrières, distribué du savon, des produits pour désinfecter, des masques aux enfants et leurs familles et au personnel soignant sur le terrain et la référence précoce des cas suspects. Cette opération a contribué à couvrir une population de 11 835 familles et 102 daaras.
ChildFund, à travers ses partenaires locaux, s’assure que les familles les plus vulnérables se nourrissent convenablement en cette période en distribuant des bons alimentaires ou en effectuant des transferts d’argent et, dans certains cas, des distributions directes sécurisées afin de répondre aux besoins des enfants et des communautés impactées par les conséquences du Covid-19. Ainsi 3460 familles d’enfants inscrits dans nos programmes de parrainage ont été couvertes soit un total de 34 199 personnes touchées, et 96 daaras (soit une population de 2764 individus) dans les régions de Thiès, Diourbel, Dakar, Kolda et Ziguinchor.
ChildFund est dans la protection de l’enfant, que faites-vous dans ce sens pour les enfants surtout en ce qui concerne leur retrait de la rue ?
En plus de soutenir directement les daaras par la dotation en kits d’hygiène et denrées alimentaires, ChildFund a contribué au financement du projet de retrait des enfants talibés de la rue et leur retour en famille piloté par le ministère de la Famille et de l’enfance et à l’élaboration de la cartographie des daaras informels dans la zone de Dakar par le biais de la Fédération Pencum Ndakaru qui est notre partenaire local dans la région de Dakar. Pour préparer le retrait des enfants de la rue, nous fournissons aussi un soutien aux centres d’accueil, avec des kits d’hygiène ainsi que des produits alimentaires de base pour la prise en charge des enfants en transit. Nous participons également, au niveau de Thiès, au transport des enfants, pour leur retour en famille. Enfin, nous sommes en partenariat avec les autorités administratives locales par l’intermédiaire des comités régionaux et départementaux de gestion des crises, des Cdpe, des services décentralisés de l’Etat, des autorités sanitaires, des relais et des communautés.
Que compte faire ChildFund pour appuyer les actions entreprises par le ministère de l’Education nationale à travers le programme «apprendre à la maison» ?
En ce qui concerne le volet éducation, bien que les écoles soient fermées, nous soutenons l’apprentissage des enfants par le biais d’activités et de sessions de soutien en ligne développées par le ministère de l’Education nationale. Avec nos partenaires locaux et en collaboration avec les services déconcentrés du ministère de l’Education nationale, nous travaillons à contribuer à l’atteinte des résultats visés par l’Etat du Sénégal dans son programme «Apprendre à la maison». Deux projets à Diourbel et à Thiès sont à l’étude dans ce sens pour la mise en œuvre en rapport avec les Ief desdits départements.
La Fao a commencé à alerter sur les risques de famine, que prévoit votre organisation face à la crise alimentaire qui risque de frapper plus durement selon les prévisions pour aider ces familles ?
ChildFund contribue déjà auprès de l’Etat du Sénégal et de ses partenaires locaux à la distribution de vivres pour accompagner les familles face aux pertes de revenus causées par les multiples restrictions. Nous allons poursuivre cela et intégrer dans notre prochain plan d’actions, qui démarre au mois de juillet, l’amélioration de la résilience des communautés partenaires par : le renforcement et l’extension des banques céréalières communautaires que ChildFund a aidé à mettre en place depuis quelques années ; le renforcement et l’extension de projets communautaires d’élevage de petits ruminants et de volaille à travers le système de passage du don ; le renforcement et l’élargissement des Ave&C que ChildFund a aidé à mettre en place dans le plupart des communautés partenaires. Nous restons également disponibles pour appuyer le gouvernement et tous les partenaires dans la mise en place de stratégies de résilience à même d’aider les communautés à faire face dans le contexte du Covid-19 et même après la crise.
Avez-vous entrepris des actions de sensibilisation ou concrètes pour le retrait des enfants de la rue ?
Dans les 11 départements cibles, nous avons participé à l’élaboration de la cartographie des daaras, avec l’appui du Mffgpe dans le transport retour des enfants dans leurs familles en rapport avec les autorités administratives et locales. Dans la région de Dakar, les centres d’accueil ont été appuyés en produits d’hygiène, sanitaires et kits alimentaires pour la prise en charge des enfants retirés de la rue en transit avant leur retour en famille
Dans l’ensemble des zones d’intervention, les daaras partenaires ont reçu une contribution en kits d’hygiène, en denrées alimentaires pour le maintien des enfants talibés.
A travers les Groupes nationaux de protection, nous avons participé à l’harmonisation des messages de sensibilisation sur le retrait des enfants de la rue et à l’élaboration de supports pour accompagner les campagnes de sensibilisation au niveau opérationnel organisées par les acteurs de première ligne mais également par les enfants et jeunes auprès de leurs pairs. Des émissions de radio sont également organisées dans les différentes radios communautaires
Avez fait des études pour avoir une idée du nombre d’enfants qu’il y a dans la rue parce qu’au niveau central, il n’y a pas d’études sur ce phénomène ?
Non nous n’avons pas fait d’études sur la question.
Que doivent faire les autorités pour endiguer ce phénomène ?
L’Etat doit adopter et appliquer le Code de l’enfant. Pour les Partenaires techniques et financiers (Ptf), c’est encadrer les initiatives locales pour une meilleure gestion des daaras (élaboration et financement de plans d’actions des daaras à travers les Ndeyi daaras, mise en place d’activités génératrices de revenus pour les Ndeyi daaras pour aider au fonctionnement des daaras).