Lancé en grande pompe en 2018, le Projet de renforcement de la gouvernance inclusive de la migration au Sénégal en vue d’améliorer l’action migration et développement, financé par les fonds judiciaires d’urgence de l’Union européenne et mis en œuvre conjointement par la Direction générale d’appui aux Sénégalais de l’extérieur (Dgase) et l’Agence espagnole de coopération internationale (Aecid), a connu un retard considérable dans son exécution. Le projet a bénéficié d’une prorogation de 12 mois et va prendre fin en février 2023. Un avenant a été signé le 17 janvier 2022. Pour remettre le projet en selle et accélérer la cadence, le secrétaire d’Etat en charge des Sénégalais de l’extérieur auprès du ministre des Affaires étrangères, Moïse Sarr, a présidé un comité de pilotage à Toubacouta, axé sur cette question. En marge de cette rencontre, il revient, entre autres dans cette interview, sur les lenteurs qui ont été notées dans l’exécution du projet, les mesures qui ont été prises pour correction et les perspectives pour la pérennisation du projet Gouvernance, migration et développement (Gmd).Vous avez récemment présidé le comité de pilotage du projet Gouvernance migration et développement, organisé par la Direction générale d’appui aux Sénégalais de l’extérieur. Qu’est-ce qu’on peut retenir sur les avancées du projet si l’on sait qu’il a connu beaucoup de retard dans sa mise en œuvre ?

Déjà, il y a le choix de Toubacouta. Je rappelle juste qu’il y a de cela 2 ans, au même endroit, nous avons tenu un comité de pilotage à l’issue duquel des engagements ont été pris. On avait constaté des lenteurs dans l’exécution du projet extrêmement important de Gouvernance migration et développement (Gmd). Je dirais de par son ambition, sa territorialisation des politiques publiques dans le domaine de la migration. Le taux d’exécution, à l’époque, n’était que de 2%. Les craintes étaient là. L’Union européenne et la Coopération espagnole nous pressaient et on avait pris l’engagement de mettre en place des mécanismes, des moyens non seulement de pouvoir stabiliser le projet mais d’accélérer son exécution au regard du plan d’actions qui avait été défini. Cet engagement a été respecté. Les objectifs que nous nous étions fixés, et en toute humilité je peux dire, ont été dépassés. Deux ans après, on se retrouve dans le même lieu pour faire une évaluation qui nous donne entière satisfaction. Nous sommes passés de 2% à 40% d’exécution en seulement deux années. Vous conviendrez avec moi que le contexte, avec l’avènement du Covid-19, n’a pas été favorable. Quand bien même cela nous a valu de réorienter certaines dépenses. Avec le projet, on a participé à l’effort national lancé par le chef de l’Etat pour soulager des familles vulnérables. Sept cent cinquante (750) millions ont été distribués par un opérateur privé et en toute transparence, à pas moins de quinze mille (15 000) migrants de retour ou à des familles de migrants dans le pays, dont les ressources ont été considérablement réduites. En ce qui concerne le recrutement et la mise en place des Bureaux d’accueil, d’orientation et de suivi (Boas), c’est effectif dans les 14 régions du Sénégal où ces bureaux sont abrités dans les Agences régionales de développement (Ard). Nous ne nous sommes pas limités à cela. Nous avons, dans les 46 départements du Sénégal, des agents de liaison qui ont été recrutés et sont opérationnels. En termes de matériels roulants, il y a déjà sept (7) Boas équipés entièrement et les autres le seront incessamment. Aujourd’hui, nous devons nous réjouir et nous féliciter de ce résultat, même si nous ne devons pas tomber dans l’autoglorification. C’est pourquoi nous disons qu’il faut aller vite. Il faut répondre aux aspirations légitimes de la cible. On a entre nos mains un projet important, pour ne pas dire un projet pilote. Si l’on sait que beaucoup de pays veulent s’inspirer de ce modèle sénégalais qui est en train de matérialiser, et de la plus belle manière, l’articulation gouvernance migration et développement où le tout sécuritaire n’est pas la seule et unique solution. Le président de la République a voulu donner un exemple d’une approche novatrice, efficace en promouvant le combat contre l’émigration irrégulière sous toutes ses formes, faire la promotion de la migration sûre, ordonnée et régulière, mais aussi et surtout faire de l’approche migration et développement une réalité dans notre pays.

Quelles sont les perspectives du projet ?
En termes de perspectives, je pense que le comité va se pencher sur cette question et voir comment on va pouvoir lancer les appels à fonds de projets nationaux et régionaux dans un délai raisonnable. Rien qu’avec ces appels de fonds, la redynamisation des cadres de concertation qui ont été mis en place dans les régions, placés sous l’autorité du Gouverneur, nous allons assez rapidement passer à un taux d’exécution de 70 voire 80%. Il s’agira ensuite de faire des animations avec l’ensemble des acteurs et partenaires, de voir des migrants de retour soutenus, réinsérés et réintégrés. Il s’agira en outre de décourager et fixer les jeunes en leur donnant de l’espoir avec un travail ou en finançant les projets des potentiels candidats à l’émigration irrégulière. Nous avons en plus réussi à convaincre nos partenaires de proroger la durée du projet de 12 mois. Le projet va continuer jusqu’en février 2023.

Qu’est-ce que vous comptez faire au-delà du délai de prolongation du projet pour assurer la pérennisation du projet ?
Lorsqu’un projet est bien exécuté et donne des résultats probants, forcément il assure sa propre pérennisation. Et, en cela, nous demandons d’aller vite dans le lancement des fonds nationaux et régionaux, de redynamiser les cadres de concertation. C’est faire en sorte que les migrants de retour soient réinsérés et réintégrés, que les potentiels migrants puissent se dire qu’ils peuvent réussir chez eux, s’épanouir et vivre pleinement. Au-delà des financements qui sont apportés dans le cadre de ce projet, nous disposons d’autres outils, d’autres projets pour leur garantir cet espoir de trouver un emploi décent et, pour ceux qui ont des projets, de trouver les financements nécessaires pour leurs réalisations. Ça, au moins, ce sont des facteurs clés de succès. C’est le résultat globalement. Dans ce cas, soit les partenaires vont continuer à accompagner, soit l’Etat du Sénégal, qui est un Etat responsable, prendra ses responsabilités pour continuer. Un si beau projet n’est pas fait pour mourir.
Par Pape Moussa DIALLO