La Journée internationale de la médecine traditionnelle sera célébrée samedi 31 août. Papa Ablaye Ndao, président d’honneur de la Fédération nationale des praticiens de la médecine traditionnelle et également président de l’Association des médico-droguistes, phytothérapeutes, herboristes et opothérapeutes traditionnels du Sénégal, revient sur la portée de cette journée, tout en continuant de réclamer l’intégration de la médecine traditionnelle dans le secteur de la santé publique. Président, la Journée internationale de la médecine traditionnelle sera célébrée ce samedi. Cette discipline mérite-t-elle de nos jours une telle attention ?
Mieux qu’une simple attention, fût-elle aussi honorifique qu’une Journée internationale, la médecine traditionnelle mérite une intégration dans le secteur de la santé publique. En effet, elle représente un patrimoine précieux de connaissances et de pratiques qui ont été transmises à travers les générations, courues et reconnues par les populations qui en tirent profit vis-à-vis de leurs préoccupations d’ordre sanitaire. Elle englobe des approches holistiques et des traitements éprouvés qui, bien que souvent anciens, offrent des bénéfices significatifs pour de nombreuses communautés à travers le monde.
Pouvez-vous nous donner les raisons pour lesquelles il serait crucial de la reconnaître officiellement, de la valoriser et de l’intégrer pleinement dans le système de santé publique ?
Permettez-moi d’abord de préciser que la médecine traditionnelle, bien qu’ayant une longue histoire et une importance culturelle dans de nombreuses sociétés, doit être dotée d’un cadre réglementaire et législatif pour plusieurs raisons avant d’être intégrée dans le système de santé publique. Ce cadre réglementaire et législatif prend en compte plusieurs préoccupations, parmi lesquelles nous pouvons noter : la sécurité des patients, l’efficacité des traitements, la formation et la compétence des praticiens, la protection juridique, l’intégration harmonisée, la standardisation, la recherche et le développement.
Pouvez-vous, de manière plus explicite, revenir sur ces préoccupations liées au cadre réglementaire et juridique que vous venez d’énumérer ?
Un cadre réglementaire permet de garantir que les pratiques et les produits de la médecine traditionnelle sont sûrs pour les patients (cela inclut des normes de qualité, des essais cliniques et une évaluation des risques pour éviter les effets secondaires nocifs ou les interactions dangereuses avec les traitements conventionnels), d’évaluer scientifiquement l’efficacité des traitements traditionnels, d’assurer que les pratiques et remèdes sont basés sur des preuves probantes ; ce qui aide à éviter les traitements inefficaces et améliore les résultats de santé. Concernant la formation et la compétence, disons que l’intégration dans le système de santé publique nécessite que les praticiens de la médecine traditionnelle soient correctement formés et certifiés dans un cadre réglementaire qui fixe les standards de formation et de compétence, assure que les praticiens possèdent les connaissances nécessaires pour offrir des soins de qualité, protège juridiquement à la fois les patients et les praticiens en établissant des lignes directrices claires pour la pratique de la médecine traditionnelle. Cela aide à résoudre les litiges et à protéger les droits des patients en cas de mala praxis ou de négligence. Il est évident qu’une telle réglementation facilite l’intégration harmonieuse de la médecine traditionnelle dans le système de santé publique en créant des protocoles de collaboration entre les praticiens de la médecine traditionnelle et ceux de la médecine conventionnelle, dans le souci d’une approche de soins de santé plus holistique et coordonnée, et d’une standardisation des pratiques et des produits ; ce qui réduit les variations dans la qualité et l’efficacité des soins, et contribue également à établir des normes claires pour l’utilisation des traitements traditionnels. Evidemment, sans la recherche et le développement dans le domaine de la médecine traditionnelle, en établissant des protocoles pour la conduite des études cliniques et la collecte de données, il manquerait un pilier essentiel aux résultats attendus de la réglementation et du cadre légal. Cela aide à enrichir les connaissances sur les pratiques traditionnelles et facilite leur intégration dans le système de santé. En résumé, un cadre réglementaire et législatif pour la médecine traditionnelle est essentiel pour garantir la sécurité, l’efficacité, la compétence et l’intégration.
Pouvez-vous maintenant revenir sur ma question concernant les raisons pour lesquelles il serait important de reconnaître officiellement la médecine traditionnelle, de la valoriser et de l’intégrer pleinement dans le système de santé publique ?
D’abord pour son accessibilité et sa proximité, car la médecine traditionnelle est souvent accessible dans les communautés où l’accès aux soins de santé modernes est limité. En intégrant ces pratiques dans le système de santé publique, on garantit que tous les citoyens, peu importe leur lieu de résidence, aient accès à des soins de qualité. Ensuite pour une meilleure complémentarité des approches, car la médecine traditionnelle offre une approche complémentaire aux traitements modernes. Elle peut traiter efficacement certaines conditions pour lesquelles la médecine occidentale a parfois des limites. En reconnaissant et en intégrant ces pratiques, nous enrichissons l’arsenal thérapeutique à disposition des professionnels de santé, sans compter la réduction des coûts ; intégrer la médecine traditionnelle peut contribuer à réduire les coûts de santé à long terme. Les traitements traditionnels sont souvent moins coûteux que ceux de la médecine moderne ; ce qui est particulièrement bénéfique dans les systèmes de santé confrontés à des contraintes budgétaires. Sous un autre angle, son intégration permet le respect de la diversité culturelle. La reconnaissance de la médecine traditionnelle est un acte de respect envers la diversité culturelle et la sagesse ancestrale. Elle valorise les connaissances et pratiques locales en renforçant ainsi l’identité culturelle des communautés.
Toutefois, on peut établir des normes de sécurité et de régulation. Cela garantit que les praticiens respectent des standards élevés et que les traitements soient administrés de manière sécuritaire et efficace.
Enfin, sa reconnaissance officielle stimule la recherche scientifique sur les pratiques et remèdes traditionnels. Cela permet d’évaluer leur efficacité, d’identifier les meilleures pratiques et de développer des protocoles de traitement fondés sur des preuves.
Espérez-vous qu’avec les nouvelles autorités, vos doléances seront prises en compte ?
En vous remerciant pour l’intérêt que vous et votre journal, Le Quotidien, accordez à la médecine traditionnelle, nous tenons à affirmer ici que la reconnaissance officielle de la médecine traditionnelle n’est pas seulement un devoir envers nos traditions, nos cultures et notre histoire, mais c’est aussi une décision stratégique pour améliorer la santé publique. En l’intégrant dans nos systèmes de soins de santé, nous embrassons la richesse de notre patrimoine médical tout en offrant des options de traitement plus diversifiées et inclusives pour tous les citoyens. C’est en cela que nous interpellons, lors de cette Journée internationale, le président de la République du Sénégal, son Excellence, Monsieur Bassirou Diomaye Diakhar Faye, son Premier ministre Monsieur Ousmane Sonko et l’ensemble de son gouvernement, comme nous l’avons toujours fait avec leurs prédécesseurs sans de réelles satisfactions. Nous les félicitons de nouveau pour leur victoire du 24 mars 2024. Que nos vœux de réussite les accompagnent pour un Sénégal prospère.