Ils ont toujours été des potes et complices en Equipe nationale et en dehors des terrains. Mais quand il s’agit des derbys Ja-Jaraaf, Cheikh Seck et Joseph Koto deviennent des «ennemis» pendant 90 minutes.
Après plusieurs semaines de «traque», Le Quotidien a réussi à faire parler ensemble le «virevoltant et rusé» attaquant de petite taille et le «talentueux et intelligent» gardien de but. Entre confidences et anecdotes, ces deux internationaux qui ont marqué le football sénégalais dans les années 80-90, reviennent sur leurs chaudes confrontations qui faisaient courir tout Dakar. Entretien croisé.

Que vous rappellent les derbys Ja-Jaraaf que vous avez joués tous les deux durant votre carrière de footballeur ?
Cheikh Seck : Ah, ça me rappelle les grands derbys avec un très grand public. Les Ja-Jaraaf, c’était pratiquement les matchs de l’année et les spectateurs éprouvaient un grand plaisir à être présents parce que c’était une bande de copains qui s’affrontaient. Chacun voulait gagner, ce qui faisait que les matchs étaient très pimentés. Au-delà des matchs, on était souvent ensemble, avant et après les derbys. Joseph Koto et Roger Mendy étaient mes amis. J’ai aussi joué avec Roger à l’Asc Mbotty Pom en Cadets, Juniors et Seniors. D’ailleurs, j’ai tout fait pour que Roger vienne au Jaraaf ; mais il avait déjà choisi la Jeanne d’Arc.

Et pour Joseph Koto ?
Cheikh Seck : Ce n’était pas possible parce que Joseph Koto habitait les Sicap, alors que Roger et moi habitions à Fann Hock et Gueule Tapée. C’était plus facile avec lui qu’avec Koto qui était mon aîné de deux ans. Et on sait comment les «Jamens» étaient attachés à la Sicap. Mais avec Koto on était comme des jumeaux dans la vie. Par contre sur le terrain, c’est quelqu’un qui me taquinait beaucoup. Ce qui fait que malgré notre amitié, cela n’empêchait pas qu’on se chamaille pendant les matchs. Les derbys Ja-Jaraaf étaient tellement chauds que les dirigeants avaient décidé qu’on fasse nos mises en train à Keur Jaraaf. C’était une manière d’éviter les empoignades pendant l’échauffement. Il arrivait que les joueurs de la Jeanne d’Arc nous trouvent sur notre espace d’échauffement pour nous provoquer (rire). Et un jour, ça a failli dégénérer. Les Ja-Jaraaf, c’étaient donc des matchs particulièrement passionnants. C’étaient les clubs les plus populaires de l’époque et il y avait des talents des deux côtés.
Joseph Koto : Ce sont de grands moments parce que Ja et Jaraaf, c’étaient les deux grandes équipes du Sénégal. Chacune des équipes avait 7 à 8 joueurs expérimentés qui pouvaient changer le sort d’un match. C’était des derbys très solides. D’ailleurs, la plupart du temps, on se retrouvait en Equipe nationale. Les deux équipes formaient quasiment l’ossature de l’Equipe nationale. Il y avait une forte rivalité. Quand on parle de Ja-Jaraaf, c’est autre chose. A l’époque, il fallait aller tôt au stade, si on veut avoir une place et regarder le match. A chaque derby, le stade était plein. Cela n’a rien à voir avec ce qu’on voit aujourd’hui. A l’époque, un derby, c’est un stade rempli. Personne ne voulait perdre le match ; autant les joueurs, les dirigeants ou encore les supporters. Ce sont des matchs qu’il ne fallait pas perdre.
Dans ces derbys, votre duel était très attendu, même si vous étiez de très bons amis. Comment cela se passait entre Koto, le petit attaquant rapide, et Cheikh, l’un des meilleurs gardiens de l’histoire de notre football ?
Joseph Koto : A chaque fois qu’on te parlera de Ja-Jaraaf, on te parlera de Koto et Cheikh Seck. Il y avait aussi un autre, Abdoulaye Ba. On était amis. On se retrouvait en Equipe nationale tout le temps. Et l’entraîneur national de l’époque, Feu Pape Diop, était coach du Jaraaf en même temps. Quand on était en regroupement, on restait jusqu’au jeudi avant de regagner nos clubs respectifs pour les matchs du week-end. Il nous est arrivé une fois, je me rappelle, à l’entraînement de l’équipe nationale à Thiès, Pape Diop voulait que je joue contre Abdoulaye Ba (latéral gauche). J’ai catégoriquement refusé. Je ne voulais pas qu’il me démolisse alors qu’on allait se retrouver quelques jours après, en club, lors d’un Ja-Jaraaf. Cela avait suscité beaucoup de problèmes. Pape Diop s’est fâché et m’a demandé de sortir. Il a fallu les interventions de Roger Mendy, Baba Touré et autres Koya, son adjoint, pour régler le problème. Quant à Cheikh, c’était mon ami, mais aussi c’était un voyou (rire).
Cheikh Seck : Les Ja-Jaraaf, c’étaient des duels permanents entre Koto et moi. Je crois que c’est cela qui nous a rapprochés après le football. C’était vraiment épique parce qu’il faisait tout pour m’énerver afin de me mettre un but. Ce qui est normal, mais après le match, on se retrouvait quand même. Il arrivait qu’on s’affronte également lors de matchs inter-banques (Bsk-Bst). Ce qui a aussi renforcé notre relation. On ne reste pas une semaine sans se parler. Il n’y a jamais eu de débordement.

Justement, on imagine que vous avez beaucoup d’anecdotes à raconter lors de ces fameux Ja-Jaraaf…
Joseph Koto : Ah oui ! Je me souviens d’un match à Demba Diop. J’étais capitaine et Cheikh aussi côté Jaraaf. On était très bien habillés ce jour-là. Avant le match, on devait se mettre par groupe de 4 dans chaque coin du terrain pour des considérations mystiques (rire). Et Cheikh est venu me trouver avec mon groupe et m’a poussé pour m’intimider. On s’est accrochés un peu. En guise de réplique, pendant le match, j’ai décidé de lui jouer un tour. Sur un corner, j’ai ramassé de la chaux sur le point de penalty. Avant que Baba Touré ne s’élance pour tirer le corner, j’ai appelé Cheikh et j’ai attendu qu’il me regarde pour lui asperger la poudre blanche en pleine figure (éclat de rire). Dès que la balle est arrivée, j’ai sauté pour mettre un coup de tête et marquer. On a gagné un but à zéro…

On imagine que ça a chauffé entre vous après ce match…
Joseph Koto : Vous avez bien deviné. En effet, le lendemain du match, on se retrouvait souvent à la Sicap chez un dirigeant du Jaraaf avec les Boy Bandit et autres. Les gens m’ont dit que Cheikh me cherchait et qu’il allait me faire ma fête. J’ai rigolé parce que je connaissais Cheikh. D’abord, je suis son aîné et qu’il comprenait que c’était juste un match. Et le jour suivant, on devait retourner en regroupement de l’Equipe nationale au Cneps de Thiès. Quand je suis arrivé, j’ai trouvé les Boy Bandit, Mbaye Fall et autres devant la porte. J’ai déposé mon sac et je leur demandé d’appeler Cheikh ou Ablaye Ba pour qu’ils viennent prendre mon sac pour me l’emmener dans ma chambre. Les gars se sont marrés. Après, on s’est vus, on s’est expliqués et tout est rentré dans l’ordre.

Cheikh Seck : (Rire) C’est vrai qu’il y a eu cette histoire de la chaux. Mais ce jour-là, on m’avait prévenu. Je suis resté calme, alors que les gens pensaient que j’allais m’en prendre à lui. Ça m’a plus fait rire qu’autre chose. A propos toujours d’anecdotes, il y a eu un match Ja-Jaraaf dans les vestiaires et j’ai failli lui casser une bouteille sur la tête. Ils étaient venus avec une bouteille remplie d’urine et ils me l’ont aspergé. Alors, j’ai récupéré la bouteille, je l’ai cassé et ce jour-là, j’ai failli commettre l’irréparable dans le vestiaire qui était trop petit. Je me suis retenu en dernier lieu. Je crois que c’est Roger Mendy qui s’est mis entre nous et qui a engueulé Koto. Aujourd’hui, on éprouve toujours du plaisir à se revoir et à revenir sur ces souvenirs inoubliables.

Koto, en tant que grand provocateur, sûrement que vous avez d’autres anecdotes…
Joseph Koto : Ah oui, il y a d’autres anecdotes extraordinaires. Je me souviens d’un match où Yoro Diongue a joué latéral. Il venait juste de la Police. Lui aussi venait souvent à la Sicap. On s’est retrouvés là-bas, le vendredi, alors qu’on avait match le dimanche. Et les gars commençaient à me dire que Yoro va te «tuer» lors de ce match. Grand Abou (ancien dirigeant du Jaraaf) a appelé Boy Bandit dans sa chambre. J’étais très attentif à ce qu’ils se disaient. Et au moment de rentrer, Boy Bandit devait rejoindre son lieu de regroupement et moi idem. J’ai vu que le Grand lui a remis quelque chose. C’était une offrande de cola. J’ai profité d’un moment d’inattention pour le lui chiper et je l’ai remis à un gamin. Il m’a poursuivi, insulté, mais c’était trop tard (rire). Et le jour du match, il fallait régler mon problème avec Yoro Diongue. Ce jour-là, j’ai dit à mes partenaires de ne pas me donner des balles en profondeur. Je savais que c’était risqué avec les tacles ravageurs de Yoro. Alors, sur une passe, j’ai attendu qu’il se lance et j’ai sauté pour atterrir sur sa cuisse, avec des crampons 16 mm. Du coup, je lui ai carrément ouvert la cuisse. On l’a mis sur une civière pour l’amener à l’hôpital. Ce jour-là, j’ai marqué le but de la victoire.

On raconte aussi que Cheikh avait peur de relancer au pied lors des derbys parce que vous aviez la manie de surprendre les gardiens en leur chipant la balle…
Joseph Koto : Cheikh me connaissait. Quand j’étais devant la surface de réparation, aucun gardien de but n’osait tenter une relance du pied. Parce j’y mettais de la rapidité et de la ruse. Je l’ai fait contre une équipe de la Sierra Leone avec la Jeanne d’Arc à Demba Diop, en Coupe d’Afrique des clubs. Je l’avais observé pendant une mi-temps et j’avais remarqué qu’il lance la balle d’une distance de deux mètres avant de dégager. Sur une action, j’ai fait semblant d’avoir mal et je me suis relevé péniblement, tout en l’observant. Et dès qu’il a lancé la balle, je l’ai récupéré pour la mettre au fond. On a gagné par un but à zéro. Même lorsque la balle est entre les mains du gardien, il m’arrivait de la chiper parce que ce n’était pas interdit. J’en ai beaucoup marqué des but de ce genre. Mais avec Cheikh, cela ne s’est jamais passé parce qu’il me connaissait tellement. A chaque fois que j’étais dans la surface, il faisait très attention. Mais faut dire que c’était un excellent gardien de but, toujours très déterminé et qui anticipait sur tout.
Cheikh Seck : C’est vrai que pour les relances au pied, il ne fallait pas prendre certains risques avec Koto. Ce n’est pas le type d’attaquant qui attend. Il était tout le temps à l’affût. Et je faisais souvent attention à lui. Un jour, face à lui, j’ai failli mettre un but contre mon camp avec un dégagement que j’ai raté. Depuis ce jour-là, je faisais attention à lui.

Est-ce qu’il est arrivé que vous vous lanciez des défis avant les derbys ?
Joseph Koto : Tous les matchs, c’étaient des défis. J’étais très taquin. Quand j’étais sur le terrain, je m’amusais. J’avais une très bonne vitesse et avec les défenseurs, je savais que je pouvais passer. Et toutes les balles mortes, je les mettais au fond. Mais, sur sa ligne de but, Cheikh était imparable. Donc, il se méfiait de moi comme du lait sur le feu. Mais, il faut dire que dans ma carrière, je n’ai pas beaucoup perdu contre le Jaraaf. Mais aussi Cheikh ne prenait pas beaucoup de buts. Ensuite, il avait une très bonne défense.
Cheikh Seck : Je me souviens de deux matchs qu’on devait jouer en 72 heures. Un match de championnat et un match de Coupe. Le premier match, Baba Touré m’a mis un coup franc des 35 mètres. J’étais en train de faire le mur et là il en a profité pour mettre le ballon au fond des filets. Et ce qui est cocasse, il m’avait prévenu qu’il allait marquer. D’ailleurs, c’est dans ce match que j’ai également arrêté son pénalty ; et je crois qu’on a fait match nul. Ensuite, il fallait rejouer 72 heures après et on a finalement gagné ce match-là qui s’est joué en nocturne. Le stade était plein. Je me souviens que pour ce match-là, j’ai travaillé jusqu’à 16 heures avant d’aller en regroupement. D’ailleurs, quand mes collègues m’ont vu à la banque, ils pensaient que je n’allais pas jouer. Et à chaque fois qu’on me posait la question, je leur disais : «Non, je ne joue pas aujourd’hui.» C’était pour des raisons mystiques parce que les gens y croyaient tellement et il fallait déjouer certaines tentatives (rire)… Vraiment, ce sont des moments qu’on ne peut pas oublier. Et cela n’a rien à voir avec ce qu’on voit aujourd’hui. Même si on était des amateurs, le seul plaisir qu’on avait, c’était de défendre les couleurs de nos clubs. Et nos dirigeants nous le rendaient bien en termes de récompenses et de travail. Moi, c’est le Jaraaf qui m’a trouvé du travail à l’Usb. J’étais très jeune. C’est le club qui m’a permis d’entrer dans la société, dans la vie.

Ce qu’il faut saluer, c’est que malgré les tensions des derbys, le fair-play a toujours prévalu à la fin…
Cheikh Seck : En effet. Vous savez, il n’y a jamais eu de bagarres générales lors des derbys Ja-Jaraaf. Il y a juste une fois où ça a dégénéré, c’est lorsque Michel Camara a cassé la jambe de Feu Ablaye Sagna qui avait eu une double fracture. C’était vraiment chaud. Mais après, tout le monde est resté calme. C’est seulement avec les supporters dans les tribunes que ça chauffait, mais sur le terrain, on ne pouvait aller jusqu’à ce niveau parce qu’on devait se retrouver le lendemain. Il faut dire qu’on avait des relations très fortes. On reparlait du match le lendemain, mais on se faisait un point d’honneur de ne pas nous battre. Avec les Ja-Jaraaf, les relations commençaient à être solides entre nous. On ne pouvait donc pas devenir des ennemis. C’est vrai que c’était chaud lors des derbys, mais il y avait toujours une limite à ne pas dépasser.

Est-ce que les derbys Ja-Jaraaf vous manquent ?
Joseph Koto : Absolument ! C’est d’ailleurs ce qui a retardé le football sénégalais. Aujourd’hui, si la Jeanne d’Arc revenait au niveau de la Ligue professionnelle, le football allait changer. Ces derbys Ja-Jaraaf, c’était une motivation supplémentaire. Même les dirigeants du Jaraaf s’ennuient en ce moment de ne pas jouer contre la Jeanne d’Arc. Les derbys Ja-Jaraaf, c’est ce qui faisait bouger le football sénégalais. Mais, je pense que la Jeanne d’Arc va revenir.
Cheikh Seck : Oui, ces derbys nous manquent. Aujourd’hui, il n’y a plus personne au stade. Il n’y a plus de public passionné comme avant. Les gens ne sont plus motivés. Cela aurait dû être le contraire. C’est peut-être à cause d’un manque d’infrastructures à Dakar. On joue à Guédiawaye, Pikine, Ndiarème et les supporters n’ont parfois pas les moyens de transport et aussi de quoi d’acheter le billet. Avant, on jouait au stade Demba Diop et les gens marchaient de la Médina jusqu’au stade. Mais aujourd’hui, ce n’est pas facile de marcher de la Médina à Guédiawaye. Le spectacle n’est pas le même aussi. Comme dirait l’autre : «Avant il y avait de grands joueurs, de grands dirigeants, mais pas d’argent.» Maintenant qu’il y a de l’argent, il n’y a plus de footballeurs. Mais la Jeanne d’Arc demeure un club populaire. C’est aussi un problème de supporters, de dirigeants. Il y a de grands passionnés, mais qui commencent à prendre de l’âge. Je pense qu’il faut que les clubs traditionnels demeurent. Mais si on crée un club d’entreprise ou des équipes dans le même quartier, cela affaibli les équipes traditionnelles, les équipes à base populaire. A mon avis, un club comme Niary Tally pouvait renforcer la Jeanne d’Arc ou le contraire. Les grands supporters de la Jeanne d’Arc ne sont plus là. Je prie vraiment pour que la Jeanne d’Arc revienne parce qu’elle fait partie de l’histoire de notre football. Ce n’est pas normal que ce club disparaisse comme ça. Je sais que les dirigeants travaillent dans ce sens. Et cela ne fera que renforcer les clubs traditionnels, comme Jaraaf, Jeanne d’Arc, Gorée, Ouakam ou encore Linguère… Ces clubs ne doivent pas disparaître parce qu’ils ont une base populaire, affective. Parfois on voit des clubs louer des supporters ; c’est dommage de le dire, mais c’est la réalité. Dans les clubs traditionnels, on n’a pas besoin de cela. Notre mission est de préserver la vie de ce club que nous avons hérité des anciens et de gagner des trophées.

C’était comment en Equipe nationale entre vous deux ?
Cheikh Seck : En Equipe nationale, j’étais dans la même chambre avec Roger Mendy. On se retrouvait tous les lendemains de derbys épiques en Equipe nationale. C’est vrai aussi qu’il y avait une certaine solidarité entre les locaux. Mais les «Sénéfs» étaient corrects et nous respectaient beaucoup. Normal, car on se connaissait bien avant qu’ils ne partent en Europe. Par exemple, Oumar Guèye Sène, on a joué ensemble à Mbotty Pom, Thierno Youm au Jaraaf, Roger Mendy aussi. C’était le respect entre nous. Et cela a beaucoup facilité la vie en sélection.
Joseph Koto : En Equipe nationale, avec Cheikh on était titulaires, malgré la présence des expatriés, comme Thierno Youm, Oumar Guèye Sène et autres. Vous savez, il y a eu beaucoup de matchs qu’on a vécus ensemble, par exemple, sur la route du Caire, Sénégal-Zimbabwe. On a joué tous les matchs de l’Equipe nationale ensemble, à l’époque. Et sincèrement, Cheikh ne faisait que de bons matchs. C’était un gardien de but constant et très sérieux dans ce qu’il faisait. Quand il était dans les buts, on était tranquilles. Dès qu’on marquait un but, on était sûrs de pouvoir gagner le match ; parce que sûrs qu’on avait beaucoup de chances de ne pas en prendre avec Cheikh. On avait cette complicité quand on était en Equipe nationale. Et d’ailleurs, jusqu’à aujourd’hui, on a cette complicité. On se retrouve au niveau de l’Amicale des anciens internationaux. Nos familles se connaissent. On se voit souvent et on ne reste pas longtemps sans se parler au téléphone. C’est vrai que Cheikh voyage beaucoup parce que c’est un homme d’affaires, il est souvent au Canada et sa famille n’étant pas là. Mais à chaque fois qu’il est au Sénégal, on est souvent en contact. En sa qualité de président du Jaraaf, il m’est même arrivé de lui proposer un entraîneur, à savoir Malick Daf. Et il arrive qu’il me demande mon avis sur certains joueurs qu’on lui propose.

Quel est le match ou la campagne qui a vous le plus marqués en sélection ?
Cheikh Seck : C’est Caire 86 ! Le Sénégal était resté 18 ans sans aller à la Can. On y est allés sans expérience, aussi bien au niveau des joueurs qu’au niveau des dirigeants. C’est ce qui nous a fait rater notre qualification en demi-finale. On pensait qu’on était qualifiés avec le 1-0 contre la Côte d’Ivoire. Et c’était vraiment dur parce qu’on avait une équipe qui pouvait aller jusqu’au bout. Par exemple, on aurait pu gagner contre le Mozambique avec un large score. On a gagné que 2-0, alors qu’on avait les moyens de leur mettre plusieurs buts ce jour-là. Et pourtant, avec un but en plus, on était qualifiés. On a tellement raté de buts ce jour-là. Mais je pense que cela a servi d’expérience aux générations qui sont venues après. C’était vraiment dommage parce qu’on avait une très grande équipe lors de cette Can. Une équipe, c’est une colonne vertébrale, avec bon gardien, un bon défenseur central, un bon milieu et un bon attaquant. Et l’équipe du Sénégal avait cette colonne vertébrale. Moi dans les buts, Roger Mendy en défense, Oumar Guèye Sène au milieu et Bocandé en attaque. C’est cela qui faisait la force de l’équipe. Les autres avaient leur mérite parce qu’ils étaient très motivés et voulaient aller au bout. Ce qui fait qu’on avait un collectif fort. Et de plus, l’équipe était interchangeable, chaque poste était doublé. Mais le sort en a décidé autrement.

Qu’est-ce qui fait la force de l’autre ?
Joseph Koto : Cheikh, c’est d’abord son intelligence. Un gardien de but qui n’est pas intelligent ne fait pas la même carrière que celle de Cheikh. Et puis, c’est quelqu’un qui travaillait énormément. Il a vraiment marqué son temps.
Cheikh Seck : Vous savez, Koto est de nature bruyant, véloce et qui n’a peur de rien. Il nous emmerdait tous les jours (rire). Avec Abdoulaye Ba, c’étaient des duels épiques. Il manœuvrait beaucoup et créait tout le temps des situations dangereuses. Pendant les derbys Ja-Jaraaf, c’était notre principal adversaire. Il y avait, à un degré moindre, Baba Touré qui savait exploiter à merveille les balles arrêtées. Mais, c’est Koto qui nous donnait le plus du fil à retordre de par sa technique, sa petite taille, son engagement, sa vitesse.

Quittons le terrain, pour parler du coronavirus. Comment vivez-vous le confinement suite à l’arrêt de toutes les activités sportives ?
Joseph Koto : Difficile pour nous qui sont habitués aux regroupements, à être au stade, à suivre les championnats nationaux et européens. On est carrément confinés chez nous. De temps en temps, on sort pour faire quelques courses. Maintenant, on ne peut rien contre la volonté de Dieu. Il faut que tout le monde le comprenne et que les gens restent chez eux et respectent les mesures-barrières. Avec la grâce de Dieu, tout va bientôt finir et tout va revenir à la normale.
Cheikh Seck : Il faut s’adapter. La santé n’a pas de prix. Si on n’est pas en bonne santé, on ne peut rien faire. Que les gens suivent les recommandations des spécialistes de la santé pour que ce virus disparaisse rapidement et que chacun puisse vaquer à nouveau à ses occupations. Tant que le virus sera là, on ne pourra rien faire. Au sein du Jaraaf, l’entraîneur a mis en place un programme pour les joueurs. On attend la fin de l’Etat d’urgence et certainement la Fédération va apprécier après, parce qu’on ne peut pas éternellement rester dans cette situation. Je crois que la Hollande a arrêté son championnat. Et à ce rythme, je ne pense pas qu’on pourra reprendre. On ne doit pas exposer les gens quand même. Cela ne sert à rien de se précipiter pour reprendre. Il va falloir discuter pour gérer au mieux les intérêts des uns et des autres. En interne, nous avons des joueurs qui ont des obligations sociales, des engagements, si on dit qu’on ne paie pas, ce n’est pas une bonne chose. L’essentiel est de trouver le juste milieu. Continuer à payer des salaires pour des gens qui ne jouent pas, ce n’est pas possible parce qu’il n’y a pas de sponsors, il n’y a rien. Mais il faut aussi que les gens se déterminent pour que les clubs s’organisent davantage.