La décrispation en cours dans l’espace judiciaire est un indicateur de la vitalité des contre-pouvoirs institutionnels au Sénégal ? Elle marque un moment de régulation où la Justice rappelle les règles de Droit. Toutefois, pour que l’apaisement soit durable, il faudra que le gouvernement capitalise sur cette détente pour régler les problèmes de fond et garantir que ces libertés provisoires se traduisent, à terme, par une Justice équitable pour tous.

Par Justin GOMIS – La période de fin d’année 2025 au Sénégal est marquée par une série de décisions judiciaires qui dessinent une tendance à la décrispation de l’espace public et politique. Cette décrispation se manifeste principalement par la libération d’acteurs-clés et le rappel des principes fondamentaux du Droit. Ces mouvements, pilotés par des juridictions de contrôle telles que la Chambre d’accusation, sont interprétés comme une volonté institutionnelle d’apaiser les tensions qui ont caractérisé les relations entre l’Etat, l’opposition et la Société civile ces derniers mois. La décrispation se traduit concrètement par l’encadrement strict de la détention préventive.

La libération provisoire de personnalités aussi médiatisées que Serigne Saliou Diagne et le chroniqueur Badara Gadiaga (délit d’opinion) ce jeudi, après le placement de plusieurs autres personnalités sous bracelet électronique, envoie un double message : la Justice, notamment la Chambre d’accusation, rappelle que la détention provisoire est l’exception et ne doit pas être utilisée comme un instrument de pression politique ou familiale. Elle force l’Exécutif et le Parquet à fonder leurs poursuites uniquement sur des preuves matérielles et non sur des considérations extra-judiciaires. Le cas Gadiaga est emblématique. En confirmant sa libération, la Justice freine l’usage de la contrainte pour les délits d’opinion, un facteur crucial pour la liberté d’expression et le débat démocratique. Ce mouvement est essentiel pour rétablir la confiance des citoyens dans le respect de leurs droits individuels et la neutralité de la Justice.
Alors que l’espace judiciaire et l’espace politique sont intrinsèquement liés, la décrispation judiciaire a des répercussions directes sur la stabilité du pays : les affaires impliquant la presse ou la politique avaient engendré de fortes mobilisations et des critiques internationales. La remise en liberté provisoire de certaines personnalités contribue à désamorcer ces crises et à réduire les sources de contestation sociale. Mais la plus grande menace réside dans la possibilité pour le Parquet général de faire appel de ces libertés provisoires devant la Cour suprême. Un tel recours pourrait suspendre la libération et être interprété comme une volonté politique de maintenir la pression.

Ces décisions judiciaires sont parallèles aux tentatives de dialogue politique et social en cours (par exemple la médiation dans la crise universitaire à l’Ucad). Une Justice moins perçue comme un outil de répression crée un climat plus propice aux discussions constructives entre le pouvoir et ses opposants.
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