L’ancien Président américain était invité, samedi, à participer à une conférence privée consacrée aux «Peurs», à l’auditorium de la Maison de la Radio.
Barack Obama a gardé son art oratoire et sa technique fleuret moucheté. Comme pour accentuer encore un peu plus le contraste avec son successeur. A Paris, il n’a pas prononcé une seule fois son nom. Il était pourtant dans tous les esprits. Invité, samedi 2 décembre, par «les Napoléons» -un réseau d’acteurs de l’industrie des communications- à participer à une conférence privée consacrée aux «Peurs», à l’auditorium de la Maison de la Radio, l’ex-Président a esquissé pendant plus d’une heure devant un public conquis par sa vision du monde et ses préoccupations du moment.
Prudent, ne citant personne nommément, Barack Obama a développé en creux un discours aux antipodes des positions de l’actuel occupant du bureau Ovale. «Nous sommes à un point d’inflexion», a-t-il lancé en préambule, signifiant que sur l’environnement, la géopolitique, le terrorisme, les migrations et même la technologie, le monde était à l’aube de grandes ruptures. Pour lui, la période que nous vivons s’apparente à celles qui ont vu naître l’agriculture, puis l’industrie.
«Absence temporaire de leadership américain»
Sur tous ses sujets, il a déroulé une musique consensuelle en France, mais moins à Washington. Tel un président en campagne, qu’il n’est plus, il a listé trois priorités. Il faut lutter, selon lui, contre la fracture sociale et la polarisation entre les plus riches (1%) et le reste de la planète, en investissant massivement dans la formation.
Le monde a besoin également de renforcer la coopération internationale sur le climat. «Je vous accorde que nous avons une absence temporaire de leadership américain sur ce sujet», a-t-il lancé au détour d’une phrase, avant de souligner que sur le plan local, au niveau des villes et des entreprises, les choses avançaient néanmoins aux Etats-Unis. Enfin, la lutte contre le terrorisme, «le plus grand danger», selon lui, nécessite une réponse militaire, mais elle ne suffit pas : «il faut s’engager en diplomatie, combiner nos forces si on veut réduire ce réseau», a-t-il insisté.
Interrogé par Stéphane Richard, le Pdg d’Orange, l’ex-Président a ensuite listé ses trois «peurs» : le changement climatique, la prolifération nucléaire et la crainte d’une pandémie mondiale à l’image d’une grippe espagnole décuplée par le développement fulgurant des transports aériens.
Distribuant les conseils, il a estimé que l’Afrique, continent éternellement prometteur, pourrait enfin décoller, non par les aides, mais par l’entrepreneuriat porté par les jeunes. Soulignant au passage l’irresponsabilité de nombreux gouvernements dans cette zone : «Certains leaders restent trop longtemps et trop d’argent part dans les banques suisses…» Il a également légèrement taclé l’Europe, qu’il estime indispensable à l’équilibre politique de la planète, mais qui «devrait comprendre que le micro-management de la vie quotidienne crée des frustrations chez les citoyens».
Enfin, il a dressé un catalogue des critères qu’il attend d’un leader moderne : « Il y a d’abord la capacité à donner du pouvoir aux gens afin qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes», a-t-il souligné, rappelant qu’il venait de rencontrer, lors d’un court séjour en Inde, «son ami», le dalaï-lama, «un homme qui n’élève jamais la voix, rit beaucoup et qu’on écoute». Barack Obama a ensuite évoqué le pouvoir de rassembler les gens, «cette capacité à se mettre au niveau de son interlocuteur». Enfin, un leader doit avoir une vision à long terme, selon lui, afin de faire comprendre aux autres «que l’on va dans la bonne direction, même si l’on fait face à des échecs ou à des moments difficiles». Et d’ajouter : «Il faut avoir un peu le sens de tout cela pour maintenir la confiance.» Manifestement, ce ne sont pas les qualités qu’il prête à celui dont il ne dit pas le nom.
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