La diplomatie américaine a un nouveau chef : Donald Trump a annoncé hier le limogeage de Rex Tillerson, remplacé au poste de secrétaire d’Etat par l’actuel directeur de la Cia, Mike Pompeo.
Après des mois de rumeurs sur un départ mille fois donné comme imminent, le sort de l’ancien homme fort d’Exxon Mobil, qui entretenait des relations difficiles avec le locataire de la Maison Blanche, a été scellé d’un tweet. «Mike Pompeo, le directeur de la Cia, deviendra notre nouveau secrétaire d’Etat. Il fera un travail fantastique. Merci à Rex Tillerson pour ses services», a lancé M. Trump.
Moins de 14 mois après sa prise de fonction, le Président septuagénaire a par ailleurs annoncé que Gina Haspel deviendrait la nouvelle directrice de la Cia, la première femme choisie à ce poste. Elle a un passé sulfureux pour avoir participé au programme de torture de la Cia après le 11 septembre.
La Maison Blanche a mis en avant la volonté du Président d’avoir une nouvelle équipe au moment d’aborder des négociations historiques avec la Corée du Nord. Ce dernier a accepté la semaine dernière l’invitation du dirigeant Kim Jong-Un à une rencontre d’ici fin mai, afin notamment de discuter de dénucléarisation.
Ironie suprême : début octobre, l’impétueux Président avait, fait rare, publiquement rabroué son secrétaire d’Etat pour avoir évoqué l’existence de canaux de communication visant à sonder les intentions de la Corée du Nord. «Il perd son temps à négocier», avait-il écrit sur Twitter. «Conserve ton énergie Rex, nous ferons ce que nous devons faire.»
Interrogé sur les raisons de ce limogeage, le Président a mis en avant des désaccords de fond, en particulier sur le dossier nucléaire iranien. «Nous nous entendions bien, mais nous avions des désaccords», a-t-il lancé depuis les jardins de la Maison Blanche, en partance pour la Californie. «Quand vous regardez l’accord sur le nucléaire iranien, je pensais qu’il était horrible, il pensait qu’il était passable». «Je pense que Rex sera désormais beaucoup plus heureux», a-t-il ajouté dans une surprenante formule.
Lors d’une brève et sobre allocution, M. Tillerson qui quittera son poste le 31 mars à minuit a remercié ses équipes, mais n’a pas eu un mot pour Donald Trump.
Dans une pique à peine masquée à ce dernier, il a fait entendre sa petite musique sur la Russie, dossier qui empoisonne la présidence du magnat de l’immobilier, affirmant que Washington devait faire plus pour «répondre au comportement et aux actes troublants» du gouvernement russe.
«Humiliant»
Signe des tensions au sein d’une Administration marquée par des départs et des limogeages en cascade, le Président n’a pas prévenu le chef de la diplomatie de sa décision et ne l’a appelé que plusieurs heures après son tweet, depuis l’avion présidentiel Air Force One qui le menait en Californie.
«Le secrétaire d’Etat ignore les raisons» (de son limogeage), a déclaré Steve Goldstein, haut responsable de la diplomatie américaine, précisant que M. Tillerson aurait souhaité poursuivre sa tâche «en raison des progrès tangibles enregistrés sur plusieurs sujets de sécurité nationale».
Quelques minutes plus tard, M. Goldstein était limogé à son tour, la Maison Blanche n’ayant pas apprécié son intervention. «J’ai hâte de me reposer», a déclaré à l’Afp le sous-secrétaire d’Etat en commentant son propre départ.
Le chef du département d’Etat a la responsabilité de quelque 70 mille diplomates, fonctionnaires et contractuels disséminés dans plus de 250 ambassades et consulats à travers le monde.
Par contraste, Donald Trump a couvert d’éloges celui qu’il a choisi pour diriger la diplomatie au moment où le monde entier s’interroge sur la façon dont il abordera son tête-à-tête avec le leader nord-coréen. «Je travaille avec Mike Pompeo depuis un moment», a souligné M. Trump, louant son «énergie formidable», sa «grande intelligence».
lepoint.fr