Une étude indépendante portant sur les conditions qui poussent les enseignants à abandonner rapidement la vocation, parle de 30% d’enseignants qui abandonnent le métier. Chiffre que conteste un haut fonctionnaire du ministère, qui reconnaît toutefois la réalité du problème.Par Alioune Badara (NDIAYE – Correspondant) –

Trois enseignants sur dix quittent les classes dans leurs cinq premières années pour faire autre chose. C’est ce qui ressort d’une étude menée par une équipe d’enseignants chercheurs. Faisant suite à l’appel à projets du programme Ap­prendre porté par l’Université de la Francophonie (Auf), l’étude a porté sur le thème : «Problématique de l’attrition des enseignants du primaire, du moyen et du secondaire au Sénégal : Quelle est la place de la formation initiale et continue dans les stratégies de remédiation face à ce problème ?»

Les résultats ont été publiés lors d’une rencontre hier jeudi à Diamniadio. Les enquêtes ont été menées dans 3 pôles (nord, centre et est) pour un échantillon de 270 enseignants rencontrés. «Environ 30% des enseignants quittent la profession dans les cinq premières années avec une situation particulièrement préoccupante dans les zones rurales», a indiqué l’étude. «Au cours de cette étude, nous avons constaté qu’il y a pas mal de causes qui sont à l’origine de l’attrition des enseignants. Et, par rapport à la perception des enseignants craie en main, on a constaté globalement que ce sont des facteurs comme le salaire relativement bas, le manque de développement personnel qui sont les plus cités comme cause», a relevé l’un des auteurs de l’étude, en l’occurrence Cheikh Faye de l’université Assane Seck.

L’équipe de chercheurs a aussi dressé des recommandations pour remédier à cette situation. Une réforme des politiques éducatives, un soutien renforcé aux enseignants et enfin une implication des parties prenantes, ont-ils recommandé. Le Directeur des ressources humaines (Drh) du ministère de l’Education nationale s’est réjoui de cette étude qui vient porter un œil extérieur dans le secteur. Pour autant, il s’est dit pas convaincu par les chiffres de l’attrition présentés par l’équipe de chercheurs engagés dans ce projet.

«L’étude a donné des chiffres que nous prenons avec des pincettes parce que, quand on me dit qu’il y a 30% d’enseignants qui quittent, ça veut dire que y a 30 mille enseignants sur 100 mille qui quittent, et ça ce n’est pas la réalité. Je voudrais que l’on revoie ces chiffres», a souhaité Serigne Souhaibou Badiane. «Nous reconnaissons quand même que beaucoup d’enseignants quittent. Ça, c’est réel, et nous le voyons», a noté le Drh, convoquant aussi les détachements d’enseignants, les disponibilités, les mises en position de stage comme autres facteurs non pris en compte.

Le bas salaire comme motif ? Là aussi, M. Badiane tempère. «Le niveau de salaire bas, à un moment c’était ça le problème. Les négociations avec le gouvernement en février 2022 ont consacré une augmentation substantielle du salaire des enseignants», a-t-il souligné, assurant que le métier attire. Il en veut pour preuve le grand nombre d’inscrits (150 mille en 4 jours) pour le projet de recrutement de 2000 enseignants en cours. Il a pour autant regretté le départ d’enseignants expérimentés qui demeure une grande perte. «Il est utile de s’intéresser à ce phénomène pour voir ce qu’on doit faire pour que nos enseignants, les meilleurs, les plus expérimentés, restent dans le système. C’est pourquoi nous sommes très intéressés par cette étude», a-t-il fait comprendre, évoquant en outre la nécessité de mettre le focus sur le développement personnel et professionnel de la fonction enseignante.
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