L’étude faite sur l’état des lieux de la cybercriminalité et de la cyber-sécurité au Sénégal a montré des manquements dans les politiques mises en place. Le document réalisé par l’Ong Jonction relève des points dans la législation qui portent atteinte aux droits de l’Homme.

Des manquements au respect des droits de l’Homme sont notés dans la législation dans le cadre de la lutte contre la cybercriminalité. C’est ce que montre l’étude réalisée sur l’état des lieux de la cybercriminalité et de la cyber-sécurité au Sénégal. Ce travail, réalisé par l’Ong Jonction en partenariat avec Global Partners, montre que plusieurs atteintes peuvent être décriées. Parmi celles-ci il y en a qui portent «un gros coup sur l’équité procédurale et impactent négativement la conduite loyale de la procédure». D’abord, par rapport à la recherche de preuve dans l’univers numérique, les auteurs du document renseignent que «l’applicabilité des garanties de protection des libertés individuelles et l’inviolabilité du domicile (la présence de l’inculpé ou du tiers chez qui la perquisition a lieu et l’interdiction de la perquisition de nuit) aux opérations de perquisition électroniques, ainsi que le recours au principe de proportionnalité en matière de saisie électronique, constituent des garanties efficaces pour la protection des libertés individuelles». Malheureusement, déplorent-ils, «l’élaboration de la politique de modernisation du droit pénal face à la cybercriminalité et à la cyber-sécurité, ne se soumet pas toujours à ces contraintes de politique criminelle». L’étude montre «l’absence de limitation de la durée de l’interception des données par l’autorité, et le droit de recours contre la décision judiciaire d’interception». D’après les auteurs de cette étude, ces deux points constituent «de réels dangers susceptibles de favoriser des atteintes à la vie privée des citoyens». Autre point déploré, c’est «l’habilitation expresse donnée aux officiers de police judiciaire par l’article 677-39 du Code de procédure pénale pour recourir aux nouveaux mécanismes de recherche de preuve». Il s’agit de «l’interception de données de contenu et la conservation rapide de données ‘’pour les nécessités de l’enquête’’ ». Ce qui, d’après l’étude, parait «dangereux pour les libertés individuelles, dont le seul garant est le juge».

«Phagocytose de la présomption d’innocence par la présomption de culpabilité»
En plus, l’étude souligne que «les articles 90-4 et 90-17 permettent à un juge d’instruction d’ordonner à des ‘’personnes ayant une connaissance particulière’’ d’un système informatique ou d’un service de communication, de chiffrement ou de transmission des données, de fournir des informations sur le fonctionnement de ce système». Et aussi «sur la manière d’accéder à des données dans une forme compréhensive». Analy­sant ces articles, les auteurs du document soutiennent qu’ils sont formulés «d’une manière imprécise et semblent étendre les pouvoirs d’enquête du juge d’instruction au-delà des données spécifiques concernant un individu ciblé présumé en lien avec l’activité criminelle en cause». Des manquements sont aussi notés avec ces politiques par rapport au respect de la présomption d’innocence. D’après les auteurs du document, on assiste «à une phagocytose de la présomption d’innocence par la présomption de culpabilité». «Parallèlement, une lecture pratique démontre aussi une application quotidienne des effets de la présomption de culpabilité tout en excipant de la présomption d’innocence», a-t-on souligné. Autre manquement noté c’est le fait qu’en «l’état actuel de notre législation, l’inculpé ne peut pas attaquer immédiatement par voie d’appel la décision du juge d’instruction le plaçant en détention provisoire». Le document informe que «tout ce qu’il peut faire, c’est d’introduire ultérieurement une demande de liberté provisoire pour provoquer la prise d’une ordonnance de refus de mise en liberté provisoire susceptible d’appel». Par contre, renseignent les auteurs de l’étude, «lorsque le ministère public requiert la délivrance d’un mandat de dépôt à travers son réquisitoire introductif, le juge d’instruction est tenu. Mais, s’il refuse, il prend une ordonnance de refus susceptible de faire l’objet d’appel». Ce qui leur fait dire qu’on «exclut l’appel de l’inculpé et non du ministère public».
Pour corriger ces manquements, les auteurs du document recommandent «l’intégration des droits de l’Homme dans le processus d’élaboration de politiques en matière de cyber-sécurité et de cybercriminalité au Sénégal». Ils demandent aussi de «niveler les connaissances des acteurs de la Société civile en termes de renforcement de capacités dans les domaines de cyber-sécurité et de cybercriminalité». Autre recommandation formulée c’est de «niveler les connaissances des autorités publiques sur l’obligation de dialoguer mais aussi sur les législations en matière cyber-sécurité et de cybercriminalité». Il est aussi demandé la mise en place «d’un cadre de concertation réunissant les acteurs de la Société civile et des membres de la chaîne judiciaire (Magistrats, Officiers de police judiciaire)».
dkane@lequotidien.sn