Le faible taux de déclaration des naissances, mariages et décès s’explique par divers facteurs socio-culturels et administratifs, selon les résultats d’une étude sur les déterminants socio-culturels de la non-déclaration des faits d’état civil. Le phénomène est plus prégnant dans la région de Kaffrine, alors que les femmes et les ruraux accordent moins d’importance aux enregistrements d’état civil.Par Khady SONKO

– «L’état des personnes n’est établi et ne peut être prouvé que par les actes de l’état civil.» Cette réalité ne s’applique pas chez nous. Malgré les efforts consentis par l’Etat, l’enregistrement des faits d’état civil demeure une préoccupation majeure au regard des données du dernier Recensement général de la population, de l’habitat, de l’agriculture et de l’élevage (Rgphae) de 2013, réalisé par l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd).
Il faut savoir que 72,7% des mariages ne sont pas déclarés contre 65,2% des décès, alors que 16,6% de la population totale ne possèdent aucun acte d’état civil. «Cette situation est plus préoccupante en milieu rural avec 26,9% sans acte d’état civil, pour les analphabètes 18,4% et les personnes n’ayant aucun niveau d’instruction 23,9%», s’indigne Assane Ndiaye, fonctionnaire au ministère de l’Economie, du plan et de la coopération. M. Ndiaye s’exprimait hier à l’atelier de partage de l’étude sur les déterminants socio-culturels du faible enregistrement des faits d’état civil au Sénégal. D’après Cheikh Moussa Camara, conseiller et expert en développement, ce faible niveau d’enregistrement des faits d’état civil demeure lié à des facteurs sociaux, culturels et institutionnels qui étaient jusque-là peu connus.
Il s’agit de l’ignorance de l’utilité de l’état civil, des procédures de déclaration et des textes réglementaires, la faible implication des auxiliaires d’état civil, et la faible collaboration entre les acteurs de la santé et des services de l’état civil. Les parents sans papiers d’état civil, la non-effectivité de la gratuité de la déclaration des naissances faite dans les délais sont aussi des éléments favorisant les non déclarations des faits d’état civil. Sans oublier l’inaccessibilité géographique des centres d’état civil, l’idée selon laquelle seul le père peut déclarer l’enfant.
Par ailleurs, la déclaration des mariages est souvent entravée entre autres par la primauté donnée au mariage religieux, la perception selon laquelle le certificat de mariage n’est utile que pour les salariés du secteur public et privé, la perception par certains hommes du certificat de mariage comme une puissante arme pour les femmes qu’elles peuvent utiliser en cas de divorce pour obtenir des avantages financiers tels que la pension alimentaire que le mari doit verser. Il y a également le problème de la polygamie. «Certains hommes ne veulent pas déclarer le mariage à la mairie pour éviter d’avoir à choisir l’option de la monogamie», souligne le présentateur de l’étude.
Les facteurs entravant la déclaration des décès sont quant à eux liés à l’analphabétisme et à la négligence, la perception selon laquelle le certificat de décès n’est utile que pour les salariés du secteur public et privé, la confusion entre certificat de décès et celui d’inhumation, les croyances et autres facteurs socio-culturels, entre autres.

Le cas de Kaffrine
Les qualités et perceptions des centres d’état civil jouent un rôle dans la déclaration ou non des faits d’état civil, notamment les lenteurs dans l’obtention des documents, l’absence de suppléant en cas d’absence de l’officier d’état civil, les conditions d’accueil et de travail, le clientélisme politique et le manque de motivation du personnel. Selon les résultats de l’étude, les procédures de déclaration des naissances sont plus connues que celles concernant les décès et mariages. Aussi, les personnes scolarisées et celles vivant en milieu urbain ont une plus grande maîtrise de la question d’état civil. «Les femmes et les ruraux ont une moindre connaissance des faits d’état civil et de leur procédure d’obtention comparés aux hommes et aux urbains», souligne M. Camara. A l’en croire, les avantages liés à la déclaration des mariages et des décès sont surtout perçus du point de vue des bénéfices financiers que les salariés peuvent acquérir au plan individuel tels que la prise en charge des allocations familiales, les réductions d’impôts et le paiement des pensions.
Les risques du non enregistrement sont plus élevés à Kaffrine concernant les naissances, selon le présentateur des résultats de l’étude qui n’est pas entré dans les détails. Elle vient en tête concernant les mariages suivie des régions de Sédhiou, Louga, Tambacounda, Kolda et Kédougou. Kaffrine figure encore en première place pour ce qui est de la faible déclaration des décès, devançant Kaolack, Kédougou…
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