Pour un bon usage de l’alphabet et des langues nationales dans un contexte électoral, un conseil citoyen de régulation de l’expression publique en langues nationales dénommé «Labo Alpha» a été mis sur pied par la Cosydep. Ce conseil interpelle ainsi le Cnra et émet un avis à l’endroit des acteurs politiques.

Dans ce contexte de campagne électorale coïncidant avec la célébration de la Journée internationale des langues nationales, des organisations de surveillance de l’environnement lettré ont interpellé le Cnra et invité les acteurs politiques à accorder plus de rigueur et d’attention à la transcription des langues, notamment le wolof qui figure en bonne place dans le programme des candidats. En effet, l’utilisation non rigoureuse des langues nationales comme le wolof dans la campagne électorale a attiré l’attention de la Cosydep. La Coalition des organisations en synergie pour la défense de l’éducation publique (Cosydep) reste convaincue de la nécessité de s’opposer à tout facteur de dégradation des langues nationales. Pour ce faire, la Coalition, en rapport avec ses partenaires, a mis en place un dispositif nommé «Conseil citoyen de régulation de l’expression publique en langues nationales ou Labo Alpha». Dans sa dimension opérationnelle, «Labo Alpha» mobilise des experts pour la surveillance de l’environnement lettré avec la publication d’avis visant à signaler les manquements et à faire respecter les codes qui organisent l’utilisation des langues nationales. Pour la Cosydep et ses partenaires, notamment le Collège des experts, de nombreux efforts déployés par les acteurs et partenaires du secteur de l’éducation ont permis de réaliser d’importantes avancées, telles que l’érection de 22 langues au rang de langues nationales, la décentralisation de la mise en œuvre des programmes d’alphabétisation et d’éducation de base, l’élaboration de divers matériels didactiques adaptés aux réalités des apprenants et l’alphabétisation de plus de trois millions de citoyens sénégalais.
Cependant, des défis importants persistent sur la voie de la valorisation des langues nationales. L’un d’eux reste incontestablement la participation encore très timide des citoyens, assortie du faible niveau de considération accordée aux langues nationales par certaines élites. Pourtant, l’on constate que lors des consultations électorales, les partis politiques manifestent un intérêt particulier aux langues nationales dont ils font un usage massif dans les discours, les slogans, comme dans les noms de coalition et de programme. Il faut cependant déplorer que cet engouement pour les langues nationales observé chez les acteurs ne s’explique généralement que pour un objectif uniquement propagandiste. En effet, plusieurs noms de coalition et de programme sont écrits sans aucun respect des règles de transcription fixées par le décret 2005-992 relatif à l’orthographe et la séparation des mots en wolof. Cette pratique pollue l’environnement lettré et désoriente les populations néo alphabètes.
Le Collège des experts a choisi de faire porter son avis sur les noms de coalition, les noms de programme des cinq candidats et les messages sur les affiches. Pour la coalition «Madické­2019», des manquements ont été notés sur la transcription du programme «Jaam ak kheweul» qui se transcrit correctement par «Jàmm ak xéewal». Les mêmes manquements ont été relevés pour trois autres candidats, Macky Sall par exemple avec ses programmes et slogans légèrement transcrits (Benno bokk yaakaar, Liggéeyal elleuk, Xaal yoon, Manko taxawu Senegaal) s’écrivent plutôt (Bennoo bokk yaakaar, liggéeyal ëllëg, Xàll yoon, Mànkoo taxawu Senegaal). Même constat chez le candidat Ousmane Sonko avec sa coalition «Sonko Président». Ici le programme «Jotna» se transcrit «Jot na». Les experts ont également relevé les mêmes manquements chez Idrissa Seck avec ses mouvements de soutien «Gueum sa bopp, Djiteul Rewmi) dont la transcription se fait (Gëm sa bopp, Jiital réew mi). Issa Sall du Pur est le seul candidat épargné pour non utilisation des langues nationales.
Face à ces manquements, «Labo Alpha» a formulé à l’endroit des acteurs politiques des recommandations visant à accorder plus d’attention et de rigueur à la transcription et à la séparation des mots afin d’éviter des fautes et des confusions de nature à entraîner des conséquences préjudiciables à la qualité de l’environnement lettré des langues nationales. Il invite à systématiser la traduction des programmes dans les langues nationales pour contribuer à l’enrichissement de l’environnement lettré, mais également et surtout de prendre l’engagement de veiller à la transcription correcte des toponymes et ethnonymes des Sénégalais dans les documents officiels et supports administratifs. Quitte à avoir recours si possible aux services de spécialistes pour éviter de tels manquements.
Le «Conseil citoyen de régulation de l’expression publique en langues nationales dit Labo Alpha» accorde une attention particulière à la mise en œuvre de ces recommandations, en vue de corriger les manquements constatés et d’éviter qu’ils se reproduisent. Il invite également le Cnra à veiller, au niveau des organes relevant de ses domaines de compétences, à un strict respect des dispositions légales portant règles d’orthographe et de séparation des mots pour les langues nationales codifiées. Il affirme sa détermination à agir pour la promotion des langues nationales et la consécration de la culture comme gages d’un développement inclusif et durable.
d.dem@lequotidien.sn