Les journées culturelles et de graduation de l’Amicale des élèves professeurs et psychologues conseillers de l’Ecole normale supérieure d’enseignement technique et professionnel (Ensetp) ont été un prétexte pour les acteurs de l’éducation de se pencher sur le système éducatif sénégalais : problématique et perspectives. Les panélistes ont analysé le système éducatif sous toutes ses coutures pour expliquer la crise qui sévit dans ce secteur actuellement.

«Le système éducatif sénégalais ou devrions-nous dire les systèmes éducatifs ?», s’est interrogé d’emblée Cheikhou Touré, expert en qualité de l’éducation et de la formation. Pour répondre à sa propre question, M. Touré invoque quelques chiffres : «21 mille écoles coraniques au Sénégal.» A cela, il ajoute l’enseignement non-formel avec la moitié des Sénégalais qui sont analphabètes, aussi les 47% d’enfants en âge de scolarité et qui ne sont pas scolarisés. Un véritable problème ! «On ne peut construire des citoyens avec plusieurs écoles qui ne se parlent pas», souligne Cheikhou Touré. Le panéliste remonte à la période coloniale pour expliquer ces failles. Pour lui, le colon, dans son intérêt et ses objectifs à asseoir sa domination et exploiter nos ressources, avait articulé l’enseignement sur l’économie de traite et l’aliénation. A partir de 1960, après les indépendances, le Président Senghor a élaboré un système qui a articulé l’enseignement sur l’Adminis­tration et non sur l’économie de développement et sur les valeurs culturelles et sociales de notre pays. Or, souligne Mbaye Thiam, modérateur du débat tant que «la sociologie et l’histoire de notre pays ne sont pas remises à leur endroit, on ne sortira jamais de cette crise».
En tout cas, soutient l’expert, ce sont «ces deux tensions qui ont plongé notre système éducatif dans le gouffre et qui nous poursuivent jusqu’à aujourd’hui». Les tentatives de refondation du système éducatif à travers les états généraux de l’éducation, les réformes et les Assises sur l’éducation et la formation n’ont pu rien faire. D’autant plus que «les décrets d’application de la loi d’orientation n’ont jamais été pris», fait-il remarquer. Pour lui, notre pays a raté à plusieurs reprises le coche. Même si après «on a essayé avec des réformes à travers des lettres circulaires et l’introduction de nouvelles curricula, il faut reconnaître que celles-ci ne dialoguent pas avec nos politiques locales». «Les contrats de performance que le ministère de l’Education nationale signe avec les inspections d’académie, on devrait les signer avec les collectivités locales qui détiennent la politique de développement local», estime-t-il.
Le volet formation professionnelle et technique également n’est pas en reste. Notre pays a longtemps négligé la formation professionnelle en mettant l’accent sur l’enseignement général. En témoigne ces chiffres. «Seul 1,43% des 15-24 ans au Sénégal sont dans le système formel de la formation professionnelle. C’est-à-dire moins de 3% des titulaires de Bfem et 2% des nouveaux bacheliers sont orientés dans les établissements de formation professionnelle», révèle Abdou Fall, directeur des Ressources humaines au ministère de la Formation professionnelle de l’apprentissage et de l’artisanat. Or, renseigne Babacar Macodou Ndiaye, ancien proviseur, la formation professionnelle est un préalable pour le développement. Les autorités en charge de la formation professionnelle en sont conscientes. D’ailleurs, elles ont évalué les besoins en ouvriers de qualité à plus de 180 mille. Maintenant le défi c’est comment augmenter les effectifs d’apprenants et relever la qualité de la formation sans incidence sur la formation dans les établissements. C’est là une question difficile à répondre pour le moment.
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