Exécution budgétaire 2024 et 2025 : L’absence d’investissements conduit à la mort de l’économie

La publication du rapport d’exécution budgétaire 2024 et du premier trimestre 2025 montre une absence totale d’investissements structurants pendant cette période pour nourrir la machine économique.
L’approche doctrinale de l’ancien régime de la politique budgétaire et de l’endettement était une approche de creusement du déficit pour financer l’investissement et, de ce fait, stimuler l’activité économique dans son ensemble selon les principes de la théorie keynésienne ; l’essentiel, c’est de ne pas entrer dans le surendettement, or, le surendettement est loin d’être atteint au Sénégal. Les néo-souverainistes, quant à eux, veulent procéder à l’équilibre budgétaire, à l’inexistence d’un déficit budgétaire ou, tout au moins, à un déficit budgétaire réduit. Laquelle approche, au vu des capitaux internes limités dans nos pays, va ralentir les investissements et donc la croissance économique, et favoriser le chômage et l’inflation, des phénomènes que nous constatons de nos jours, alors que le Sénégal était dans une phase de bonne accumulation interne du capital qui a connu un net ralentissement.
Le but était de rechercher des moyens pour stimuler une forte croissance économique afin de remonter la pente, après l’impact de la crise sanitaire (Covid en 2020), de la crise climatique (inondations 2021, 2022) et de la crise sécuritaire (djihadisme à nos portes) sur l’économie. S’endetter pour investir à la suite de chocs exogènes, c’est développer un plan de relance pour fouetter l’activité économique et la croissance afin de remonter la pente. Nous pouvons dire que durant toute la période 2019-2022, le Sénégal était frappé par des chocs exogènes au point qu’il avait fallu développer des politiques volontaristes pour capter des capitaux extérieurs en vue de booster la croissance.
Les Usa sont à 125% d’endettement, la France a 111%, le Japon à 225%, par rapport à leur Pib, alors que le Sénégal est autour de 80%, si l’on prend l’option de ne pas intégrer la dette du secteur parapublic dans la dette globale de l’Etat. C’est pourquoi les critères du Pacte de stabilité et de convergence de l’Union économique et monétaire (Uemoa) doivent être réajustés à des taux plus élevés en ce qui concerne l’endettement, avec les évoluions et transformations économiques de nos Etats et des crises exogènes.
Le Prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz affirmait que «la croissance économique durable repose sur l’investissement». C’est aussi ce que Thomas Piketty confirmait : «La dette publique n’est pas un problème en soi, c’est l’absence de croissance qui l’est.» C’est dire que les néo-souverainistes sont dans l’approche d’une économie néo-mercantiliste, aux antipodes d’une économie ouverte basée sur la multipolarité pour favoriser des investissements structurants. Or, l’économie sénégalaise, dans sa structuration actuelle, est une économie ouverte, d’abord sur la sous-région et la région en termes d’échelle pour la compétitivité, ensuite sur le monde. Dès lors, l’approche néo-souverainiste du nouveau régime est en inadéquation avec la structure actuelle de l’économie sénégalaise et va nous mener, s’il n’y a pas de changement de cap, au désinvestissement et au recul de la croissance économique. Si seulement nous prenons la contribution autour de presque la moitié du budget national de la diaspora sénégalaise dans le Pnb, dans un pays où l’épargne nationale des agents économiques reste faible, nous comprendrons qu’on est dans une situation d’une économie ouverte. Si également nous prenons le potentiel du secteur touristique jadis florissant, qui apportait beaucoup de devises et d’emplois, nous aboutirons aux mêmes conclusions d’une économie ouverte. Au-delà de l’exploitation du pétrole et du gaz qui est une avancée majeure pour l’économie sénégalaise, des marges extraordinaires de croissance économique existent dans notre pays, surtout dans le secteur industriel du métal, des phosphates ou d’autres ressources minières importantes. Il suffit de pouvoir capter des capitaux pour investir en restaurant la confiance des partenaires multilatéraux et bilatéraux. Rien que le secteur touristique apporte à la France plus de 100 milliards d’euros, là où les Etats-Unis et la Chine sont les économies mondiales attirant le plus d’investissements directs étrangers.
La préoccupation principale de tout pouvoir public, c’est de mettre en place les conditions optimales pour un bon environnement des affaires afin de développer la propension à mobiliser des capitaux étrangers pour investir dans son pays.
Nous sommes désolés que les pouvoirs publics actuels surfent dans un néo-souverainisme idéologique suranné en déphasage avec le réalisme économique, alors que la demande sociale se fait croissante. Il est temps de réagir vigoureusement avant que la machine ne se grippe.
Kadialy GASSAMA
Economiste
Rufisque