Les premières traces d’hydrocarbures au Sénégal remontent à 1917, avec la découverte de bitume dans des formations calcaires. En 1932, des indices de gaz et de pétrole sont également détectés lors d’un forage d’eau aux environs de Dakar. Ces signaux précoces marquent le point de départ d’une aventure énergétique de long terme.
C’est en 1952 que débute officiellement la recherche structurée, sous l’égide du Bureau de recherches pétrolières (Brp). Entre 1952 et 1977, 122 puits d’exploration sont forés en onshore par la Société africaine des pétroles (Sap) et la Compagnie des pétroles Total Afrique de l’Ouest (Copetao). Une relance des activités entre 1966 et 1979 permet le forage de 29 puits supplémentaires, majoritairement en offshore. Puis, face au ralentissement causé par le second choc pétrolier de 1979, l’Etat met sur pied la Société des pétroles du Sénégal (Petrosen) en 1981, redonnant ainsi un nouvel élan à la dynamique de recherche.
Depuis, 53 puits ont été forés en offshore comme en onshore. Les découvertes majeures réalisées entre 2014 et 2018 dans les blocs de Sangomar, Saint-Louis et Cayar marquent un tournant historique. Dans la zone de Gadiaga/Sadiaratou, le gaz est même exploité depuis 1997.
Février 2025 symbolise une étape décisive : le Sénégal raffine pour la première fois son propre pétrole. Dans un communiqué en date du 13 février, la Société africaine de raffinage (Sar) annonce avoir traité 650 000 barils de pétrole brut issus du champ de Sangomar, générant 90 000 tonnes de produits tels que gasoil, kérosène, essence et gaz butane. Ce raffinage national représente une avancée significative vers la souveraineté énergétique, avec l’ambition de réduire le coût de l’électricité et de créer une valeur ajoutée locale.
Dans ce même élan, l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (Itie) a publié son rapport pour le premier semestre 2024. Elle révèle que le secteur extractif a généré 236 milliards de francs Cfa dont 225 milliards ont été versés au budget de l’Etat. Si ce chiffre témoigne d’une contribution réelle à l’économie nationale, il soulève toutefois une question cruciale : comment ces ressources seront-elles redistribuées pour bénéficier directement à la population, notamment à la jeunesse ?
Car le défi est immense. Selon les données du cinquième Recensement général réalisé par l’Ansd, la moitié de la population sénégalaise a moins de 19 ans et les moins de 15 ans représentent 39% de l’ensemble des résidents. Plus largement, les moins de 35 ans constituent 75% de la population en 2023. En parallèle, le taux de chômage s’élève à 20, 3%, et l’inflation persiste, grignotant le pouvoir d’achat des ménages et accentuant la précarité.
Dès lors, l’enjeu n’est plus uniquement économique ou technique, il est politique et social. Il s’agit de faire des ressources naturelles un véritable levier de développement inclusif, à travers des choix stratégiques orientés vers la création d’emplois durables, l’amélioration des systèmes de santé et d’éducation, la stabilisation des prix et la modernisation des infrastructures.
Le Sénégal se trouve à un tournant historique. L’avenir dépendra de la capacité des décideurs à traduire les promesses énergétiques en résultats concrets pour la population. Transparence, équité, efficacité : telles doivent être les pierres angulaires d’une gouvernance responsable des ressources extractives.
Sources : Site officiel de Petrosen, Bbc News Afrique, Rapport Itie 2024, Ansd – Recensement général 2023.
Ramatoulaye SECK
Journaliste