Les Ateliers Sahm fondés par Bill Kouélany au Congo-Brazzaville, Bandjoun Station créé par Barthélémy Toguo au Cameroun, Manifa fondé par Viyé Diba au Sénégal, Mbare Art Space au Zimbabwe initié par l’artiste Moffat Takadiwa et Inema Art Center co-fondé par Innocent Nkurunziza au Rwanda. Ces cinq espaces à travers le continent sont vecteurs de transformations sociales. Dans le cadre de la biennale, le Fonds Métis les a réunis à Manifa.Par Mame Woury THIOUBOU – 

Les Ateliers Sahm fondés par Bill Kouélany au Congo-Brazzaville, Bandjoun Station créé par Barthélémy Toguo au Cameroun, Manifa fondé par Viyé Diba au Sénégal, Mbare Art Space au Zimbabwe initié par l’artiste Moffat Takadiwa et Inema Art Center co-fondé par Innocent Nkurun­ziza au Rwanda. Ces lieux de culture dispersés sur le continent ont cela de commun qu’ils placent l’art au centre des enjeux de société. A l’occasion de la 15e Biennale de l’art africain contemporain de Dakar, le Fonds Métis a réuni à Dakar ces espaces. «Faire lieux, l’Art en espace», l’exposition ac­cueillie par Manifa, le centre mis en place à Dakar par l’artiste Viyé Diba, est une plongée dans l’atmosphère, la dynamique et l’esprit de ces différents lieux. A Manifa, la Maison des cultures contemporaines, l’espace est habité par chacune de ces structures. A chaque étage, un pays, une vision qui se déploie à travers des objets, des tableaux, une atmosphère. Dès l’entrée du bâtiment au style soudanien, les Ateliers Sahm de Braz­zaville. Au-dessus, c’est le Rwanda qui accueille avec l’installation de Innocent Nku­runziza, co-fondateur d’Inema Art Center. Ici, des ouvriers s’affairent encore à installer les éléments de l’exposition. Un objet est en train d’être suspendu au mur. Il s’agit d’une sorte de sac fait à partir de nombreux autres sacs à café. Innocent Nkurunziza travaille beaucoup avec les femmes qui récoltent le café. Et leurs interactions se matérialisant dans l’art et les objets de l’exposition sont le résultat des connexions entre l’artiste et ces femmes. Un étage au-dessus, Viyé Diba et Barthélémy Toguo se partagent l’espace. Leurs visions se rejoignent et la proximité physique est toute naturelle. Au cœur du quartier où il s’est installé, Viyé Diba accueille des artistes en résidence. «L’idée, c’est de créer un savoir sur les arts depuis le continent», explique Marie Diehl, commissaire de l’exposition, au cours d’une visite réservée à la presse. Au-delà, Viyé Diba développe également des connexions avec les jeunes du quartier. Selon la commissaire, l’exposition de l’artiste sénégalais va porter sur la victoire des Lions à la Coupe d’Afrique des nations.

Valoriser les savoirs endogènes
Dans une pièce attenante, on plonge directement dans le cœur artistique de Bandjoun, village d’origine de Barthélémy Toguo. Situé à 300 km de la capitale et à 1500m d’altitude, Bandjoun Station est à la fois un projet artistique et agricole. Inauguré en 2013, Bandjoun développe sur le même lieu l’accès à l’art, la promotion de l’agriculture biologique et de l’autonomie alimentaire, et valorise les savoirs endogènes. «Les Etats africains ne réalisent pas le potentiel de l’art pour le développement des nations. Ils ne veulent pas comprendre que l’art peut être un facteur de développement», constate Barthélémy Toguo. Dans le lieu qu’il a créé et qui accueille des artistes en résidence, les communautés locales sont les premiers piliers. «Je voulais un lieu pour que les artistes puissent exercer leur métier. Et quand j’ai vu ces exemples dans le monde, à Barcelone et même New York, je suis rentré au Cameroun, dans le pays Bamiléké, à 300 km à l’ouest de Douala, à 1500m d’altitude, j’ai bâti un lieu où les artistes du monde entier peuvent venir et exercer leur projet. Mais surtout en adéquation avec la population locale, en utilisant le Peuple de Bandjoun. Les artistes en­voient leurs projets et on les met en contact avec les communautés locales. On leur donne aussi quelque chose et l’artiste peut travailler dans la paix. La résidence n’est pas seulement pour les artistes, mais les médecins, les menuisiers, tous les corps de métier qui peuvent aider. Et on a pensé aussi que pour bien faire de l’art, il faut manger de bonnes choses, et on a associé un volet agricole», explique l’artiste. Ce lieu, comme tous les autres qui participent à l’exposition, est mis en lumière par le Fonds Métis, un dispositif hébergé par l’Agence française de développement (Afd) et qui mobilise les arts pour appuyer le développement durable. Depuis 2021, Métis finance des initiatives artistiques vectrices de transformations sociales.
mamewoury@lequotidien.sn