Comment se tissent les rêves ? Le réalisateur italien Pier Paolo Pasolini dont c’est le centenaire de la naissance, a réalisé un film, «Les mille et une nuits», en 1974. Dans le cadre du Partcours, les artistes Johanna Bramble et Alun Be se sont approprié cet univers onirique pour présenter leurs rêveries.Par Mame Woury THIOUBOU –

Tisser des rêves, l’expression est fort usitée. Mais les artistes Joanna Bramble et Alun Be sont allés plus loin. Dans le cadre du Partcours, l’exposition qu’ils proposent au Centre culturel italien de Dakar matérialise cette expression. «Pasolini ou les mille et une nuits» s’inspire des atmosphères du film du réalisateur italien dont cette année marque le centenaire. L’installation que proposent Johanna Bramble et Alun Be met en lumière ce monde fantastique dans lequel la réalité s’abolit pour laisser place à l’imaginaire. Les deux artistes se sont inspirés d’un des films du réalisateur italien Les mille et une nuits en 1974 et tourné au Yémen, en Ethiopie, en Iran et au Népal. «Pasolini n’avait pas de frontière à son imagination. Et tout ce qui nous reste en tant qu’artiste, c’est notre imagination», dit-il. Et l’exposition laisse largement la place à l’imagination et au rêve. En y entrant, on tombe tout de suite sur des toiles du défunt artiste Aladji Koné. L’univers particulier de cet artiste explique sa présence dans l’exposition. En effet, explique le commissaire Mauro Petroni, l’artiste était un membre de l’Atelier de la Médina. Suite à une maladie, il a totalement changé d’univers pour peindre des personnages et des lieux sortis de son imagination mais qui, curieusement, rappellent le quattrocento italien. Sur les toiles colorées, des hommes d’un autre âge et d’une autre époque. Sur ses peintures apparaissent également des paysages à la fois connus et inconnus. Ainsi, le marché Kermel de Dakar partage le même espace qu’une mosquée de Djenné au Mali. Les constructions soudaniennes y foisonnent mais il est difficile de situer géographiquement ces espaces.

Le deuxième espace de l’exposition donne l’impression d’entrer dans un antre sombre. A l’entrée des centaines de bobines de coton reliées les unes aux autres constituent un enchevêtrement de nœuds. «Je travaille dans le fil et le tissage. Et la matière première qui est là, est vu au Sénégal d’un point de vue très profond», explique Johanna Bramble qui a réalisé l’installation. Elle explique que la fabrication de ces bobines de coton est une des principales occupations des vieilles personnes en milieu rural, à Tambacounda notamment. «Elles apprennent à leurs petites filles. Et donc la transmission se poursuit et on est dans ce rêve où la tradition n’est pas figée», explique-t-elle. A côté, une installation très ingénieuse que les deux artistes ont réalisée. «Là, on est dans le ventre du rêve. On considère cet objet comme la machine à rêves», enchaîne-t-elle. Pour exprimer cela, les deux artistes ont choisi le langage universel de la musique. Des fils en or reliés à un instrument à cordes, permettent, en pinçant l’un des fils d’or, d’émettre des sons cristallins que l’installation renvoie en retour. «On a voulu exprimer le rêve par un langage universel qui est celui de la musique. C’est une exposition interactive. La mélodie, selon la façon dont on tire, va être différente et la musique va aussi répondre. Et c’est le début du rêve, comme si le rêve commençait en musique», explique Alune Be. Plus loin, d’un puits, s’élèvent des voix qui portent vers d’autres dimensions. Un écran au fond du puits projette l’image d’une femme en plein sommeil paradoxal. Ses yeux bougent et des mains viennent déposer des boules de coton à ses côtés. Une autre œuvre est un tissage manjak mais avec des raphias. Et sur toutes ces œuvres, le fil en or revient toujours. «L’éner­gie voyage très bien par l’or», indique Alun Be.

L’exposition dont le vernissage est prévu aujourd’hui, s’accompagne d’un catalogue enrichi par la contribution critique du chroniqueur du Quotidien, Hamidou Anne. Et au-delà de l’exposition, la commémoration de Pier Paolo Pasolini va se poursuivre en janvier 2023 avec la projection de deux de ses films, Les mille et une nuits le 18 janvier et L’Afrique de Pasolini, un documentaire de Gianni Borgna et Enrico Menduni sur l’amour de Pasolini pour l’Afrique.
mamewoury@lequotidien.sn