La pluralité des apports contribue à la richesse du tout. La richesse du tout sublime l’apport de chaque singularité. Par Moussa Seck –

«Younousse prépare son exposition», le titre. Le surtitre, «Unique femme peintre au Sénégal». 1971, date d’écriture de l’article. Historique, le témoignage. On la voit, You­nousse, illustrée, rendant à travers des cauris, les images de son esprit. On l’entend aussi parler, dans un écran, exposé au même titre que l’archive de 1971 du Soleil. Ici, l’image immobile faite de feuille et d’encre, là, l’image mobile faite de sons et de pixels. Con­nexion… Younousse Sèye peint encore sur les murs de Théodore Monod. Monod, le musée ! Et Mbeubeuss, musée aussi ? Mbeubeuss, «cet espace de dépôt des déchets…» ? Mbeubeuss n’est pas qu’une décharge : c’est «un des terrains de recherche de Rossilia Gouassanou». Mbeubeuss alors, s’entend chez Goussanou «comme un musée de nos sociétés modernes». D’ailleurs, Mbeubeuss et Monod n’ont pas en commun que le «M» initial : ils partagent aussi un «M» muséal. Toujours, Connexion…

Du jaune et du orange, du bleu et du blanc, des perles et des fils, des motifs qui s’entrelacent et cousent quelque chose qui fait penser séquence d’Adn. D’une part. D’autre part, de la broderie et de l’acrylique qui peingnent-tissent quelque chose qui dit vie au même titre que l’Adn. Cette autre chose est une toile que Lauriane Yougang qui a pour titre La racine des âmes. Des fils ont cousu le huitième module. Quatre araignées y ont participé. Stevie Douanla (artiste designer), Sidoine Yonta (artiste photographe), Serge Demefack (artiste plasticien résidant aux Usa), en plus de la première citée qui peint-tisse Adn et racines des âmes. Leur module, et si le fil traduisait les langages du futur, considère ce matériau comme un qui «interconnecte les œuvres et leurs charges immatérielles dans le musée et hors les murs, et fait apparaître des ruptures et des continuités dans la production plurielle de sens». Encore, connexion…

«Approches anticoloniales et décoloniales»
Et ils sont neuf, les modules qui composent l’exposition intitulée Flux ramifiés- esquisses de parentés et qui est conçue «dans le cadre du projet de recherche transnational Reconnecter des «objets»». Transnational, alors, diversité des thèmes, largesse des palettes, nécessité de collaborations. Transnational, richesse du résultat. De l’écologie à la réalité virtuelle, en passant par rêve, absence, présence, on voyage d’un univers à un autre, d’une connexion à une autre. Flux ramifiés «rassemble des approches anticoloniales et décoloniales, des quêtes de justice transformatrice et des recherches écologiques, tout en prenant en compte les différentes histoires et positionnalités des contributeur.ices».

Voyage comme projection, voyage comme rembobinage. Ainsi des faces refont-elles surface. Ainsi, des voix de l’autre monde retentissent chez les vivants. Et Joe Ouakam déclame, reconnecté qu’il est à la vie par le travail de Ken Aïcha Sy. Amadou Ba, Mohamadou Mbaye Zulu… El Hadji Sy… ont aussi leur œuvre sur les murs de Monod. Et c’est voulu et souhaité, si le tout semble faire un, dans le cadre de l’exposition qui en a encore jusqu’au 15 septembre. Tout y converge à faire un et l’un s’emploie à enrichir le tout, parce qu’elle est imaginée «de manière modulaire afin que chaque contribution puisse se déployer dans toute sa singularité, tout en créant des connexions et des résonances entre elles». Elle «associe la documentation de nos recherches individuelles et collectives à des interventions artistiques. Les intersections de ces processus multiples se nouent dans l’espace de partage de la médiathèque (M)bokk et dans le programme public En attendant la pluie», lit-on dans une note.