La malnutrition se pose comme un problème de santé publique dans la région de Diourbel. Tous les districts que compte cette région sont touchés par la malnutrition. Mais, la ville de Touba semble être la plus affectée avec 70% du taux de prévalence régionale, estimé à 17, 1%. Lequel est supérieur à la moyenne nationale. Avec l’appui des partenaires, des efforts sont consentis pour bouter hors de la région cette maladie qui affecte la vie des enfants et qui compromet leur épanouissement. Pour y parvenir, les acteurs entendent s’appuyer sur la communication et la sensibilisation.

Par Justin GOMIS

La région de Diourbel, située au Centre du pays, est dépour- vue d’infrastructures pour son développement économique. A l’exception de la Sonacos, qui tourne au ralenti, elle ne dispose pas d’entreprise de taille pour faire décoller son économie locale, à part l’agri- culture, principale ressource, et le commerce. Une situation qui installe cette région dans une crise alimentaire dont les conséquences se font le plus ressentir chez les populations rurales.
«La région de Diourbel faci- lite la circulation des biens et des personnes. Pour ce qui est de l’aspect économique, c’est un carrefour commercial et agricole, notamment pour l’a- rachide et d’autres produc- tions rurales. C’est un lieu de transit de marchandises vers Dakar et le reste du pays. Par rapport aux aspects culturel et religieux, la ville de Mbacké, proche de Touba, centre religieux majeur du Mouridisme, attire chaque année des millions de fidèles à travers les différents Magal dont le Grand Magal de Touba, avec des conséquences sur les services de santé et de l’alimentation. Par rapport à la séance de recherche pério- dique, Diourbel est une région sahélienne exposée à des recherches fréquentes. Ces études réduisent considéra- blement la production agrico- le, affectant la disponibilité d’aliments de base.
Ce qui entraîne une insécu-
rité alimentaire chronique, surtout chez les populations rurales», a révélé Mame Bousso Amar Khouma, responsable du Bureau régio- nal éducation information pour la santé, lors d’une cara- vane sur la malnutrition orga- nisée par l’Association des journalistes en santé, popula- tion et développement (Ajspd), en partenariat avec la Fondation Bill et Melinda Gates, sous le thème : «Enjeux et défis de la malnutrition : l’avis des communautés.»
D’après Mame Bousso Amar Khouma, il y a une dépendan- ce agricole qui repose princi- palement sur l’arachide. «La culture n’est pas diversifiée. Cette dépendance compromet la sécurité nutritionnelle. Il y a peu de fruits et de légumes aux sources de protéines variant dans les régimes locaux», a-t-elle fait savoir. Cette situation est le lit de beaucoup de maux dont souff- re la région.
Diourbel ne souffre pas seu- lement de son sous-développe- ment. Avec la pauvreté qui affecte la vie de beaucoup d’habitants, cette région est aussi frappée par la malnutri- tion, avec un taux de 17, 1% (supérieur à la moyenne natio- nale qui est de 10%). Les 70% de ce taux de prévalence sont à mettre au compte de la cité religieuse de Cheikhoul Khadim. En fait, le marasme économique de cette localité, combiné aux mauvaises récol- tes, rend difficile la vie de cer- tains citoyens. «En cas de mauvaises récoltes, les reve- nus baissent et la malnutri- tion augmente. Par rapport à la pauvreté rurale, une large partie de la population vit sous le seuil de la pauvreté. Ainsi, le faible pouvoir d’achat entraîne un accès limité à une alimentation équilibrée et aux soins de santé», a précisé la responsable du Bureau régio- nal éducation information pour la santé. La conséquence est terrible : une vie précaire aggravée par l’orientation des dépenses prioritaires de cer- taines familles. «Les familles allouent leur budget à des besoins plus urgents, négli- geant la qualité nutritionnel- le. Malgré sa position centra- le, les inégalités persistent entre zones urbaines et rura- les. Les flux migratoires et la densité accentuent les pres- sions sur les ressources ali- mentaires et sanitaires», remarque en outre Mme Khouma.
Par ailleurs, parmi les quatre
districts que compte cette région, on dénombre plus d’enfants malnutris dans la ville sainte de Touba. La cité religieuse vit un contraste inédit. Entre les commerces qui poussent comme des champignons et les belles villas, se cache une terrible pauvreté. «Si la région de Diourbel présente un certain taux de prévalence, vu la taille démographique du district, la plupart des cas de la région viennent de Touba. La préva- lence de la malnutrition est plus sévère au niveau du

District de Touba qui fait plus d’un million d’habitants», a informé Yacine Fall, Ssp du District sanitaire Serigne Mbacké Madina, qui s’empres- se de souligner que cette situa- tion a un peu évolué entre 2021 et 2024. Toutefois, une évolution  en  dents  de scie. «Elle était à 6, 11% en 2021. En 2022, elle a un peu régressé, passant à 2, 81%. En

2023, elle était à 5, 96%. Elle

est à 3, 17% en 2024», a-t-elle dit. Avant d’appeler à la pru- dence en raison de la rétention des données de la part du sys- tème de santé, notamment des partenaires syndicaux. A l’en croire, cela fait qu’il est diffici- le de disposer de l’ensemble des données, ce qui peut expli- quer la chute du taux de préva- lence dans ce District de Touba. «Il y a eu une rétention des données par les syndicats de santé, ce qui a impacté la disponibilité des chiffres. Les taux enregistrés peuvent donc ne pas refléter totalement la réalité du terrain», a-t-elle précisé.

Selon toujours Yacine Fall, des déterminants peuvent aussi expliquer cette situation. A l’en croire, il se pose le pro- blème de sensibilisation qui fait que les populations ne sont pas assez averties par rapport aux mesures de prévention et ce qu’il y a lieu de faire. «Les mamans, qui sont les cibles principales, n’ont pas assez d’informations sur comment alimenter leurs enfants. Par exemple, durant les 6 pre- miers mois, on a l’habitude de dire que l’enfant doit être sous allaitement maternel exclusif. Ce qui n’est pas tout le temps observé par les mamans», a-t- elle souligné.

En réalité, ces mamans n’ont

pas l’information exacte qui leur dit que le lait maternel est assez efficace et permet de lut- ter contre certaines maladies.
à un sevrage brutal de l’enfant qui devait être allaité jusqu’à ses 2 deux ans au moins. En pareil cas, cela peut amener l’enfant à refuser de s’alimenter et à rechuter dans la malnutri- tion. Au-delà, il s’y ajoute aussi des aspects culturels qui disent que l’enfant ne doit pas téter au-delà d’1 an et demi. A cause de ces nombreux points non maîtrisés par les mamans, beaucoup d’enfants souffrent de malnutrition.» C’est le cas de Ahmadou Bamba Sow, assis sur les jam- bes de sa maman Ndèye Aw. Ce garçon à la chevelure clair- semée, aux pieds frêles et au regard morne, garde encore des séquelles visibles de la malnutrition dont il ne s’est pas encore totalement remis. Agé d’un an et 5 mois, le visage émacié et rongé par la malnu- trition, Ahmadou Bamba Sow ne donne pas son âge réel.
«J’ai amené mon enfant ici
parce qu’il est atteint de mal- nutrition. Il souffre de maux de ventre. Il vomissait à chaque fois qu’il mangeait. Et quand il marche, il tombe», a renseigné sa maman Ndèye Aw, qui reconnaît n’avoir pas observé l’allaitement maternel exclusif pour son bébé.
«C’est à partir de trois mois que j’ai commencé à lui don- ner de l’eau, parce qu’il fait

chaud à Touba et je crains qu’il ne se déshydrate», a-t- elle avoué. Mais, ce n’est pas la seule règle qu’elle a transgres- sée. Elle avait délibérément arrêté de venir soigner son fils quand il avait été diagnostiqué une première fois de malnutri- tion. En suivant cette fois-ci les consignes et en donnant des suppléments alimentaires, l’enfant commence petit à petit à reprendre du poil de la bête.

A Bambey, pauvreté et malnutrition se côtoient
La ville de Touba n’est pas la seule à être touchée par la mal- nutrition. Dans le District de Bambey, le taux de prévalence de la malnutrition n’est pas faible. Ce département, qui s’illustre aussi par son niveau élevé de pauvreté, est forte- ment affecté par la malnutri- tion. «Bambey fait partie des zones où il y a une forte préva- lence de la malnutrition. Le niveau socio-économique est un peu modeste. Bambey fait partie des départements les plus pauvres du Sénégal. Naturellement, on retrouve les pathologies qui sont liées à la pauvreté», a renseigné Dr Marème Maty Dioum, méde- cin-cheffe adjointe du District sanitaire de Bambey, qui se garde de fournir des statis- tiques.
Mais, ce manque de don-
nées, reconnaît-elle, freine l’é- lan des stratégies entreprises pour lutter contre la malnutri- tion liée à la pauvreté. «La malnutrition n’est pas seule- ment causée par le déficit ali- mentaire à Bambey, c’est le reflet poignant de la vulnéra- bilité sociale», a-t-elle remar- qué. Avant de montrer qu’elle a des incidences sur le par- cours scolaire des enfants et sur leur défense immunitaire.
«On fait partie de la région de