Le vernissage de l’expo sur Awa, la première revue féminine au Sénégal, a été précédé d’une table ronde sur les femmes et la presse au Sénégal. La journaliste Codou Bop a traité la question de la faible représentativité de la femme dans la presse aux côtés de l’écrivaine Aminata Sow Fall, la sociologue Fatou Sow et de la culturelle Aïcha Dème.

Trop jeune à l’époque où la revue féminine Awa paraissait, la journaliste Codou Bop n’a pas été associée au travail fait par les femmes de cette revue. Néan­moins elle a étudié cette revue, ce qui lui a permis de constater combien Awa est moderne comparée à la presse écrite d’aujourd’hui, par rapport à la place de la femme dans les contenus de cette même presse écrite et à la vision des journalistes hommes ou femmes sur la place et les droits des femmes dans cette presse. S’appuyant sur une étude qu’elle a même faite en 2005, Mme Bop décèle la place congrue réservée à la femme, autant dans le contenu que dans le traitement et les postes. «J’avais analysé, Le Soleil, Walfadjri, Sud Quotidien, Le Matin et les dépêches de l’Agence France Presse, examiné certaines rubriques, en fouillant la Une des journaux», dit-elle. Sur 1267 «Une», Mme Bop a vu que seuls 8% concernaient les femmes. «Quand les femmes font la Une, c’est généralement en rapport avec des événements violents. Par exemple, elles ont été violées, victimes d’accidents mortels ou elles sont élus miss ou ce sont des artistes», réalise-t-elle.
Dans son examen de la rubrique politique, la journaliste a trouvé que «sur un total de 1110 articles, seulement 57 étaient consacrés à la femme, c‘est-à-dire 3,5% du contenu».
Dans la rubrique Economie, les femmes n’occupent pas une meilleure place. «Sur un total de 774 articles, 28 parlaient de femmes. Soit 4,5% de cette rubrique», note-t-elle. «Sur les faits divers, sur 1095 articles, 128 portaient sur des femmes soit 10,6%. Dans la rubrique Société sur 911 articles, seuls 197 concernaient les femmes.»
Aux yeux de celle qui a fait l’étude, c’est compréhensible puisque les faits qui sont traités dans la rubrique Société font partie des domaines traditionnellement assumés par les femmes : Santé, éducation, famille.
La faible représentativité de la femme dans la presse n’est donc pas un leurre. La promotion de l’information sur les femmes est en effet dérisoire. Cela s’explique par le fait qu’on estime que la sphère publique, la sphère politique ne sont pas le domaine de la femme. Pis pour les directeurs de presse, l’information qui concerne les femmes n’est pas prestigieuse, elles ne sont pas liées à la grande actualité, l’actualité chaude. Cela s’ajoutant au fait que les journalistes femmes, elles-mêmes, ne veulent pas parler de trucs de bonnes femmes, de peur d’être enfermées dans le ghetto de trucs de bonnes femmes. Beaucoup d’entre elles tournent  d’ailleurs le dos à la presse écrite, fait remarquer Mme Bopp. «Assez peu sont dans la presse écrite parce qu’elles trouvent que la presse écrite ne les rend pas visibles comme à la télévision, que les horaires sont assez contraignants. Certains veulent rentrer à 16h pour servir le goûter à leurs enfants. Alors que l’actualité, c’est le soir. Ça se répercute sur leur carrière», poursuit-elle convaincue que la femme mérite une meilleure place dans la presse et même un service à part entière : le Desk femme.
Proposant son remède, l’écrivaine Aminata Sow Fall exhortera les femmes d’avoir confiance en elles-mêmes. «Je crois à la force de la femme. Ce que l’homme peut, la femme le peut. Il faut éduquer les femmes dans la conscience de la valeur qu’elles représentent. Au lieu de faire la guerre contre l’homme, inculquons à la femme qu’elle peut faire… Elle n’attendra pas de l’aide», a-t-elle dit.
Aïcha Dème invitera à s’inspirer des pionnières d’Awa. «Qu’est-ce que ces femmes n’auraient pas fait avec les outils dont nous disposons aujourd’hui ? Qu’est-ce que Mme Annette Mbaye D’Er­ne­ville n’aurait pas fait ?»
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