Cela faisait près de quatre ans que le crooner congolais, âgé aujourd’hui de 39 ans, peaufinait son retour dans les studios de Kinshasa et de Paris. Le travail a payé. Le virage aussi, car avec son quatrième album solo, le «hustler» a choisi de s’écarter de la rumba qui a fait son succès. Baptisé Tokooos, en référence au lingala kitoko (ce qui est beau, bon), le disque s’aventure sur des terrains inexplorés et glissants… avec panache. Epaulé par Booba, MHD, R. Kelly, Wizkid, il pose sa voix suave sur des titres redoutablement efficaces teintés de rap, d’afro-trap, de Rnb ou d’afro-pop. Son objectif n’est pas seulement de moderniser son style, mais aussi de fédérer de nouveaux publics. Et il est parfaitement atteint. «Kiname», le titre sur lequel Booba joue les portes-flingues de la rime, compte déjà plus de 17 millions de «vue» sur YouTube… et a convaincu des amateurs de rap qui ne connaissaient pas même le nom de Ipupa. Mais chez lui, cet opus divise. Il s’est confié à Jeune Afrique. Extrait.

Ceux qui vous suivent depuis vos débuts, il y a vingt ans dans Talent latent, ont été surpris par ce dernier disque. Votre musique s’écarte beaucoup de la rumba. Avez-vous l’impression de vous occidentaliser ?
Ce que je fais aujourd’hui, c’est ce que j’appelle du tokooos, de la musique urbaine. Je ne m’adresse plus seulement à la cible fan de rumba et de musique africaine. J’ai élargi mon audience. Ceux qui me suivent se souviennent que dans l’album Power, on trouvait déjà des titres comme Sweet life, plus modernes. Au début, le public congolais était un peu choqué, mais maintenant il est prêt à entendre autre chose.

Papa Wemba vous avait accusé d’oublier les fondamentaux de la rumba congolaise en la modernisant…
Comment dire de cet immense artiste, notre père à tous, qu’il a menti ? Mais lui aussi s’est écarté de la tradition à son époque. Quant à moi, même si je change de style, je veille à garder mon authenticité. Je suis issu d’une des plus grandes écoles : le Quartier latin, le Harvard de la musique congolaise. J’ai été l’un des meilleurs soldats de ce groupe, j’ai mûri aux côtés de Koffi Olomidé qui n’est peut-être pas le père de la rumba, mais qui l’a amenée où elle est aujourd’hui. Il y a eu la rumba de Tabu Ley Rochereau, le tcha tcho de ma génération, aujourd’hui c’est le moment de lancer la musique tokooos.

Vous pensez revenir à la rumba ?
D’abord il y a des titres comme Jeudi soir sur l’album qui peuvent plaire aux amateurs. Ensuite, les fans peuvent se rassurer, je reviendrai bientôt avec un album purement rumba, le meilleur qu’ils aient entendu. Tout est déjà quasi enregistré, nous cherchons une date pour la sortie. J’ai aussi en projet d’un album avec Koffi et un autre avec R. Kelly.

Comment s’est passée la collaboration avec ce dernier sur le titre Nidja ?
R. Kelly est un grand frère pour moi… Je l’ai rencontré il y a plus de sept ans. Nous avons accroché notamment parce que nous savions tous les deux chanter et jouer d’un ou de plusieurs instruments. Très rapidement, il est tombé amoureux de mon talent et m’a proposé de faire un projet avec lui. Moi je suis un artiste musicien, mais aussi un «featuriste» qui peut facilement s’adapter. Je n’ai pas peur de prendre des risques. Lorsque j’ai lancé mon premier album solo, Droit chemin, il y a onze ans, on me prenait pour un dingue. Mais petit à petit j’ai réussi à imposer ma vision et à sortir d’une musique communautaire.

Ce dernier album multiplie les collaborations internationales : R. Kelly, mais aussi les Français MHD et Booba, la Belge Shay, le Nigérian Wizkid… Votre stratégie est-elle de vendre d’abord à l’international ?
Je suis pour les échanges, mais je n’oublie pas d’où je viens. Avec mon titre Eloko oyo, j’ai fait plus de 12 millions de «vue» sur YouTube (aujourd’hui près de 14 millions) en m’adressant d’abord au public de chez moi. La mélodie, la danse, la tenue vestimentaire sont propres à l’ethnie mongo, à laquelle j’appartiens.

On vous a accusé d’avoir plagié ce morceau…
Et il n’y a pas eu de procès, rien. Pour la bonne raison qu’avant de reprendre ce titre à Mabele Elisi (leader du groupe Super 8-8), j’avais obtenu l’autorisation de sa femme et de ses enfants.
On dit que vous leur auriez versé la somme de 10 mille euros.
Ce qui est sûr, c’est que beaucoup de personnes ne se sont pas donné cette peine pour reprendre la chanson avant moi. Il y a beaucoup de jaloux dans mon sillage… Mais ils finissent toujours par devenir fans…
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