La propagation de la pandémie du Covid-19 a eu comme effet de bloquer les travaux du Dialogue national. Cette situation compréhensible face aux prescriptions sanitaires, aux recommandations liées aux mesures barrières et à la réduction des rassemblements ne doit toutefois pas empêcher qu’un système adapté soit mis en place avec tous les acteurs concernés par ces consultations. D’autant que la vie économique et sociale, dans ses aspects essentiels, a été reprise certes avec certains accommodements et aménagements du fait que les autorités publiques se sont résignées à admettre que la vie ne saurait être suspendue jusqu’à une échéance incertaine, avec un lot de désastres économiques et sociaux, de jour en jour plus insoutenables. Il s’avère donc nécessaire que ces travaux, auxquels plusieurs forces et représentants de la société sénégalaise et du paysage politique participent, soient bouclés. Il faudrait que les acteurs politiques qui se sont longtemps rejetés la faute quant à une absence de dialogue et ont toujours invité à la recherche d’un consensus sur différentes questions sur la vie de la Nation sénégalaise parviennent à livrer les conclusions de leurs travaux. Il en va de la crédibilité du processus entamé au lendemain de l’élection présidentielle de février 2019.
Une politique de chaise vide a été entretenue par l’opposition politique pour un temps, mais le Dialogue national a permis à plusieurs acteurs de se retrouver autour de Famara Ibrahima Sagna pour apporter leurs contributions quant à des améliorations au processus électoral et au fonctionnement du système politique. Beaucoup d’acteurs politiques se sont rendus à l’évidence que le refus du dialogue pousse à la prise de décisions à leurs dépens. Dans une chronique de mai 2019, il était souligné dans ces colonnes ce qui suit : «Il aurait été encore difficile pour l’opposition d’expliquer sa politique de la chaise vide autour de la table d’un Dialogue politique auquel continuait d’appeler le Président Macky Sall. Le refus systématique des responsables de parti d’opposition de répondre à ces appels avait fini par les présenter comme des nihilistes et les mots d’ordre à la population de se mobiliser pour imposer un rapport de forces au régime du Président Macky Sall étaient suivis de manière timide. En conséquence, le Président Sall ne s’empêchait guère de dérouler ses actions, notamment un processus politique et électoral dont les résultats se sont révélés être au détriment de l’opposition qui avait refusé de s’associer aux discussions et autres négociations. Les formations politiques qui avaient refusé de prendre part aux travaux de la Commission nationale de réforme des institutions ou aux séances de Dialogue politique autour du processus électoral, conduites par l’ancien ambassadeur Abdoul Aziz Ba, en ont eu à leurs dépens. En dépit de l’absence de l’opposition, des réformes ont été menées inexorablement et les choix opérés lui ont été appliqués sans lui faire le moindre cadeau.» On peut dire que les travaux de la commission politique conduits par le Général Mamadou Niang, ancien ministre de l’Intérieur, ont été motivés d’une bonne volonté de tous les acteurs qui y prennent part. Les questions qui tiennent à cœur sont adressées et un rapprochement des postures se fait sur des points où le consensus peut sembler peu évident.
Une autre situation, totalement imprévue, a forcé les rares réticents à répondre à l’appel du Président Macky Sall pour discuter des préoccupations de la Nation. La pandémie du Covid-19 ne laissait aucun choix à un responsable politique, économique ou social de ne pas répondre à une invitation du chef de l’Etat pour discuter de la situation grave que vit le pays. Ainsi, le Président Sall avait-il obtenu de ses compatriotes ce que certains milieux politiques de l’opposition lui refusaient, c’est-à-dire de lui accepter le rôle et le statut de chef, de celui qui donne le ton. Les audiences qu’il avait enchaînées, courant mars 2020, avec les acteurs des différentes couches de la société sénégalaise ont été des moments forts de concorde et de citoyenneté. La population a adhéré à un tel processus et salué cet élan citoyen. Il sera désormais difficile pour un acteur politique de refuser de s’asseoir à la table des travaux dirigés par Famara Ibrahima Sagna, après avoir chanté, publiquement en chœur avec le Président Sall, la symphonie de la concorde nationale et de l’ouverture des esprits pour l’unité nationale pour faire face aux périls. Est-il besoin de rappeler que seul l’ancien Premier ministre de Macky Sall, Abdoul Mbaye, avait refusé de répondre à l’invitation du chef de l’Etat ? Cette attitude n’avait surpris personne, car tout le monde a fini de mesurer le degré de l’aversion non dissimulée que Abdoul Mbaye nourrit à l’égard de Macky Sall.

Le report des élections locales s’impose
La dynamique de dialogue et de discussion autour des préoccupations essentielles de la Nation devra être poursuivie. Il s’impose donc que les travaux se poursuivent et que les conclusions soient tirées afin que le jeu politique et le débat public retrouvent une certaine lucidité et une sérénité. Le Covid-19, avec les malheurs qu’il cause, a eu malgré tout l’effet de nous sortir d’une ambiance de campagne électorale permanente avec ses entractes de mises en scène, ses épisodes d’attaques peu fondées, de déclarations populistes et de controverses puériles. Une trêve des braves est observée afin de bouter un mal qui n’épargne personne. Il faut alors, dans un tel contexte, que les acteurs du Dialogue national puissent clarifier, pour le Peuple sénégalais, les enjeux majeurs de leurs travaux, les orientations dégagées pour régler bien des questions controversées et les bases communes sur lesquelles un débat sain et raisonné sera de nouveau possible dans notre espace public. Les outils et mécanismes ne manquent pas pour que les travaux puissent être achevés dans le respect des mesures et prescriptions du personnel médical. Une identification claire des pistes qui seront prises pour notre système politique, dans une sous-région ouest-africaine en proie à des crises de gouvernance et de sécurité, s’impose à tous.
Avoir des conclusions claires des travaux du Dialogue national permettra à notre pays de définir une feuille de route claire pour attaquer de façon sereine les prochaines échéances du calendrier républicain, avec l’accord du plus grand nombre, à défaut de l’accord de tous. Le député Mamadou Diop Decroix ne s’y trompe pas quand il invite, dans l’édition du journal Le Quotidien du 14 août 2020, à une reprise des travaux de la Commission politique pour l’adoption de «règles consensuelles de dévolution démocratique et pacifique du pouvoir». La question des élections locales dont le report à mars 2021 suscite des débats sur la possibilité de leur tenue, dans le contexte d’une persistance de la pandémie du Covid-19, pourra être réglée dans le même sillage. De toute façon, il devient évident que ces élections locales ne pourront plus se tenir en mars 2021. Les activités de préparation de ce scrutin n’ont pas été conduites dans les formes et délais prescrits par la loi électorale. Par exemple, entre autres préalables, la révision des listes électorales n’a pas pu être réalisée. Tous les acteurs politiques ont semblé admettre cette situation au point qu’on n’a pratiquement pas entendu une formation politique ou une organisation de la société civile poser ces manquements, négligences ou carences dans le débat public. L’obtention de solutions consensuelles des travaux de la Commission politique ne fera qu’apaiser le champ politique et nous éviter de tomber dans les travers d’une campagne électorale permanente. Ce pays a trop de priorités pour ne vivre qu’au rythme du politique et aux envies des politiques.

Les concertations du Covid-19 ne s’auraient suffire
Le Président Sall semble accorder beaucoup d’importance à des conclusions consensuelles du Dialogue national. Il appelle à la poursuite des travaux et à la systématisation desdites conclusions. Il n’a pas manqué de voix pour dire que les concertations engagées en mars dernier dans le cadre de la riposte contre le Covid-19 auraient pu suffire pour le chef de l’Etat, pour en tirer des résolutions sur tous les plans, encore qu’il faut le redire, des acteurs qui avaient boycotté le Dialogue national ont daigné répondre aux concertations sur le Covid-19. La diversité des acteurs, le caractère large et inclusif de ces concertations, et surtout le fait que les discussions n’avaient pas été circonscrites à la seule question de la gestion de la pandémie du Covid-19, pourraient autoriser le Président Macky Sall à s’appuyer sur cela pour engager des mutations et des réformes, notamment sur le plan politique. Seulement, le chef de l’Etat tiendrait à avoir des consensus dynamiques, formalisés par les différents acteurs. L’agenda politique et les urgences pour relancer l’économie et les activités du pays pressent le Président Sall, mais il continue de faire preuve de patience afin de mener à terme le processus du Dialogue national. Il y a lieu de souligner que si les travaux dudit dialogue se terminent en queue de poisson ou que si le chef de l’Etat ne se donne pas la peine de les faire boucler dans une ambiance inclusive et de consensus, cela donnerait du grain à moudre à tous ses contempteurs qui disaient leur scepticisme quant à la sincérité du dialogue auquel il appelait. L’abandon des travaux à mi-parcours constituerait également une offense voire un camouflet à l’égard des acteurs qui s’étaient pleinement investis dans les travaux du dialogue. On peut en outre augurer que le Président Sall compte s’appuyer sur les conclusions du Dialogue national pour impulser de profonds changements dans la conduite des affaires du pays. Les fruits de ce dialogue lui donneraient les coudées franches et permettraient en même temps de mettre à l’aise de nombreux acteurs politiques et sociaux, notamment des responsables de formations politiques de l’opposition ou de la société civile, à accepter éventuellement de faire partie d’une nouvelle équipe gouvernementale pour conduire les destinées du pays. Le président du Comité de pilotage, Famara Ibrahima Sagna, qui prend sa mission très au sérieux, comme en atteste le documentaire audiovisuel qu’il a fait confectionner pour présenter les travaux du Dialogue national à mi-parcours, n’a d’autre choix que de convoquer sans délai la reprise des travaux et de mener les délibérations avec célérité. En effet, une mission, aussi grandiose qu’elle puisse être et qui n’a pas de terme, finira par n’avoir aucun sens. Il reste entendu que le dialogue étant inhérent au processus démocratique, d’autres séances d’échanges interviendront dans le futur pour conforter des consensus sur les règles de la vie publique. Au demeurant, en installant le Comité de pilotage du Dialogue national le 14 janvier 2020, le Président Macky Sall avait imparti à l’équipe de Famara Ibrahima Sagna un délai de 90 jours pour déposer ses conclusions. Les travaux qui avaient été menés d’arrache-pied jusqu’au 23 mars 2020 – date de leur suspension pour cause de Covid-19 – ne devraient plus demander beaucoup de temps pour être finalisés.