«Restituer le patrimoine africain» est le titre du rapport rendu par Felwine Sarr et Bénédicte Savoy au Président français Emmanuel Macron. Le rapport qui est publié sous forme d’ouvrage a été présenté hier par l’un des auteurs. Selon le Pr Felwine Sarr, la grande difficulté de ce travail a été psychologique.

L’obstacle juridique qui a été présenté comme le principal obstacle à la restitution des objets d’art africains n’en était pas un finalement. Selon le Pr Felwine Sarr, auteur avec Bénédicte Savoy du rapport sur la restitution des œuvres d’art africaines qui a été présenté hier au Centre de recherche ouest africain (Warc), l’obstacle psychologique a été le plus dur. «Finalement, c’est la question psychologique qui a été la plus dure. La grande difficulté, c’est que ces sociétés acceptent qu’elles doivent restituer, que les conservateurs de musée l’acceptent, que les gestionnaires des institutions patrimoniales acceptent qu’ils doivent se séparer de ces objets, qu’ils acceptent qu’on questionne la manière dont ils les ont intégrés dans leur patrimoine, qu’ils acceptent ce que ça dit de leur histoire coloniale. De l’histoire avec les autres et ce que ce retour pouvait signifier pour édifier pour certains d’entre eux, un geste qui est problématique d’un point de vue éthique», explique Pr Sarr. Selon le co-auteur de cet ouvrage-rapport, les occidentaux avaient du mal à accepter cela parce qu’ils s’étaient installés dans un confort symbolique de l’histoire. «Ils pensaient que le rapt avait été naturalisé. Vous prenez quelque chose qui ne vous appartient pas et vous pensez qu’un siècle après on ne vous demandera pas des comptes. C’est tout ce travail sur leur propre histoire, qu’ils n’avaient pas fait, qu’ils doivent faire. Et c’est ce qui a fait qu’il y a eu beaucoup de débats autour de : ‘’Oui, vous n’avez pas de musée. Oui, nous ne les avons pas volés, nous les avons sauvés’’.» Au final, en recevant le rapport des deux experts, le Président Macron a pris la décision de restituer sur le champ 26 statuettes au Bénin. Pour le reste, les choses sont plutôt floues. Mais, indique le Pr Sarr, une réunion entre les conservateurs africains et européens est programmée au premier trimestre de cette année pour définir la prochaine étape.
Ce travail effectué par les deux experts a ouvert de nouveaux espaces qui n’existaient pas auparavant. Selon le Pr Sarr, après le Bénin, d’autres pays vont exprimer leurs demandes. «On a fait des inventaires pour tous les pays d’Afrique subsaharienne. Et ce que nous préconisons, c’est que les pays aient d’abord accès à leur inventaire.» Entouré des Pr Achille Mbembé et Bado Ndoye, Felwine Sarr note que «le Sénégal est en train de travailler sur sa liste et va faire sa demande de restitution». Il en est de même de la Côte d’Ivoire, du Gabon, du Mali et du Burkina qui sont aussi en train de travailler à leurs listes. Le Maroc a déjà fait la sienne.

Réfléchir à la réappropriation des objets
Au total, le rapport a répertorié un total de 90 mille œuvres d’art africaines dans des musées français. Les 70 mille étant détenues par le Musée du Quai Branly. Selon le Pr Sarr, l’objet de la restitution n’est pas de dépouiller les musées français puisque tous les objets n’ont pas vocation à être rendus. «Toutes les œuvres d’art n’ont pas vocation à être restituées. Des conservateurs de musée africains disent qu’ils ne veulent pas tout prendre, mais les objets les plus significatifs, ils les veulent parce qu’ils ont une valeur symbolique.» Aujourd’hui, le plus important est de réfléchir à la façon dont nous devons nous approprier ces objets. «Je suis convaincu qu’ils vont revenir. Et le plus important pour moi, c’est d’insister sur l’importance du patrimoine et comment on reféconde la relation que nous avons avec ces objets.» In­cidemment, souligne le Pr Sarr, la question de la conservation de ces objets n’en est pas une puisque le duo a répertorié près de 500 musées en Afrique subsaharienne.
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