L’Armée française a officiellement quitté le Sénégal, jeudi 17 juillet. C’est la fin de la présence permanente de la France sur le sol sénégalais, où elle est depuis plus de deux siècles.

Jeudi 17 juillet 2025. 9h 53 mn… Une page de l’histoire militaire entre le Sénégal et la France s’est refermée à cet instant précis, hier. C’est au cours d’une cérémonie empreinte de solennité que le drapeau sénégalais a été hissé au Camp Geille logé à Ouakam, dernier bastion de la présence de l’Armée française au Sénégal. Regards pleins d’émotions, le Chef d’Etat-major général des armées sénégalaises (Cemga), Mbaye Cissé, et le Général Pascal Ianni, chef du Commandement français pour l’Afrique, observent le temps s’écouler pour se figer dans un instant historique. C’est la fin de plus de deux siècles de présence militaire permanente de la France au Sénégal. Une époque révolue en ce temps de souverainisme proclamé par le nouveau régime, qui veut refonder une nouvelle doctrine militaire.
C’est la dernière emprise militaire française restituée à l’Armée sénégalaise, après la restitution des camps Maréchal et Saint-Exupéry de Hann le 7 mars 2025, le quartier Contre-Amiral Protêt du Port de Dakar le 15 mai 2025, la Station d’émission interarmées de Rufis­que et l’escale aéronautique Henri Lemaître de Diass le 1er juillet 2025.
C’est un cérémonial à la hauteur de l’évènement. Il y a les autorités militaires sénégalaises, diplomatiques et les dignitaires coutumiers de la communauté léboue du village traditionnel de Ouakam, témoin de cette histoire débutée en 1920. A travers un geste symbolique, le Général Ianni a remis les clés du camp a son homologue, le Cemga Mbaye Cissé. «Le Camp Geille est un des symboles du partenariat militaire entre la France et le Sénégal. Ce camp est né en 1920, quand la France a établi l’une de ses premières bases aériennes africaines. Ce site a vu passer des pionniers de l’aviation, a participé aux grandes heures de l’aéropostale et a accueilli les premières escadrilles qui, bien au-delà de ces frontières, servaient déjà un idéal de coopération et de partenariat. Il symbolise la continuité historique de la relation militaire entre nos deux pays», note le Général français. Selon lui, ce transfert «marque la fin de la présence militaire permanente française au Sénégal».

Partenariat rénové
Homme fort de l’Armée sénégalaise, le chef d’Etat-major général des armées sénégalaises, le Général Mbaye Cissé, évoque «un partenariat rénové» entre les deux parties. «Ce format de partenariat s’inscrit dans la nouvelle doctrine sénégalaise de coopération en matière de défense et de sécurité qui vise, avant tout, à consolider l’autonomie des Forces armées sénégalaises, tout en contribuant à la paix dans la sous-région, en Afrique et dans le monde», déclare-t-il. Dans ce sillage, il y a le «raffermissement des échanges dans les domaines de l’instruction, de la formation, de l’entraînement, et de tout autre domaine à haute valeur ajoutée». Le Général Cissé n’a pas occulté les avantages de cette «coopération dynamique» entre la France et le Sénégal, qui a contribué à la «montée en puissance des Armées sénégalaises». Il cite la «capacitation des cadres et l’entraînement des unités». «Aujourd’hui, toujours ouvertes aux apports féconds des partenaires extérieurs, les Armées sénégalaises entendent consolider les nombreux acquis engrangés sur le chemin exaltant de l’autonomie stratégique. Et le partenariat rénové dont il est question, s’inscrira dans ce cadre», se projette-t-il.
Cette étape est l’achèvement d’un processus enclenché depuis plusieurs mois. Mais, il n’a pas été fait dans le chaos comme dans d’autres pays en Afrique de l’Ouest, dans un contexte de rejet de la France. Elle a progressivement quitté des pays comme le Mali, le Burkina Faso et le Niger, où elle luttait contre des groupes armés djihadistes. Au Mali, après deux coups d’Etat successifs, la junte militaire a exigé le départ des troupes françaises, forçant la France à quitter le pays. Un sentiment anti-français s’est intensifié avec les coups d’Etat et la montée du nationalisme, alimenté par des campagnes de propagande sur les réseaux sociaux. Le Burkina Faso et le Niger ont suivi, avec des pressions locales croissantes. Plus récemment, le Tchad et la Côte d’Ivoire ont également demandé le retrait des troupes françaises. Cette dynamique s’explique par un rejet grandissant, exacerbé par l’arrivée de puissances concurrentes.
La présence militaire française est désormais très réduite sur le continent africain : la France ne conserve qu’une présence stratégique à Djibouti, où une base de 1500 soldats assure sa capacité de projection au Moyen-Orient et en Afrique de l’Est, selon Franceinfo. Au Gabon, quelques centaines de soldats restent stationnés dans le cadre de la coopération militaire régionale. En Côte d’Ivoire, le retrait des troupes françaises se poursuivra tout au long de l’année, mais environ une centaine de soldats resteront sur la base pour des missions de formation et d’accompagnement.