Dans les années à venir, les conflits autour de l’eau vont être de plus en plus importants. Cette problématique qui sera au centre du Forum mondial de l’eau prévu à Dakar en mars 2022, est déjà au cœur des discussions durant le Festival à Sahel ouvert (Faso) que la localité de Mboumba, dans le département de Podor, accueille depuis quelques années.Par Mame Woury THIOUBOU
– Sur la route du Forum mondial de l’eau prévu du 21 au 26 Mars à Dakar, les acteurs, activistes et artistes vont se retrouver à Mboumba, dans le département de Podor. Depuis plusieurs années déjà, cette localité du bord du fleuve Sénégal accueille des scènes grandioses où se bousculent les plus grands artistes du monde. La 6e édition du Festival à Sahel ouvert (Faso) s’est ouverte ce vendredi. Comme à l’accoutumé, la programmation est enivrante. Pour une première prestation au Sénégal, la diva gambienne, Sona Jobarteh, a choisi de se produire sur la scène du Faso. En conférence de presse ce jeudi, la koriste a dit toute sa joie de se produire au Sénégal. Son unique concert à Dakar se fera d’ailleurs à guichet fermé. «Le Sénégal et la Gambie ne sont pas si éloignés que ça et je viens d’un background où il y a le Mali, la Guinée. Ça montre l’appréciation pour cette musique, qui est née dans cette région et qui a précédé les frontières imposées par la colonisation», se réjouit la chanteuse. Comme pour les autres éditions, une pléiade de vedettes seront sur scène. Aux premières loges, les quatre nationalités qui ont composé un hymne pour la paix. Noura Mint Seymali de la Mauritanie, Sékou Kouyaté de la Guinée, Fatoumata Diawara du Mali, Noumoucounda Cissokho et les Daara J Family pour le Sénégal, ont travaillé sur cet album sous le parrainage de Baba Maal. «Voix du fleuve, voie de la Paix» est un album qui appelle à l’engagement pour l’eau et la paix et qui a été produit par le label Milk Music. C’est sur la scène de Mboumba que ces voix vont l’interpréter en avant-première, annonce Xavier Simonin, fondateur de ce festival. A l’affiche également, Daby Touré, originaire de la Mauritanie, présentera son dernier EP, Kunta. Les fans de rap ne seront pas en reste avec les Sénégalais Samba Peuzzi et Wizabi. Et, comme à chaque édition, les jeunes artistes et griots se produiront en ouverture du festival et des cérémonies traditionnelles se dérouleront sur le fleuve et ses berges. Des spectacles de danse, de théâtre, des performances et des projections de films seront également au programme et la célèbre styliste, Oumou Sy, y fera un défilé de mode représentant les 14 régions du Sénégal, annoncent les organisateurs.
Articulé autour de moments de discussion, d’apprentissage et de prestations artistiques, le Faso est devenu un incontournable, surtout pour les acteurs du secteur de l’eau. En effet, ce moment est également mis à profit pour réfléchir sur les enjeux autour de cette ressource. A quelques semaines du Forum mondial de l’eau, les discussions vont déjà démarrer dans cette localité au bord du fleuve Sénégal et frontalière de la Mauritanie. Avec ses 50 années d’existence, l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (Omvs) est un des acteurs clé dans la gestion de cette ressource transfrontalière. Et pour le chef de projet du Réseau africain des organismes de bassin, Pape Ndiouga Ndiaye, les enjeux sont tels, qu’il est important de d’aborder la question dès maintenant. «Tous les pays doivent réfléchir sur ce qui va se passer dans les 100 prochaines années. A l’horizon 2050, nous serons 2 milliards d’Africains confrontés à l’exacerbation des problèmes liés à l’eau du fait des changements climatiques, de l’explosion des villes, etc. Nous sommes dans l’obligation d’anticiper les problèmes et le Forum mondial de l’eau va réfléchir sur ces questions. Si les gens sont confrontés à des problèmes de raréfaction de l’eau, de l’énergie et de la nourriture, il est temps de trouver des solutions globales qui vont se jouer sur ce forum et ceux à venir et sur les partenariats qui seront noués. Plus que cela, il faut créer une approche globale des questions de changements climatiques», indique-t-il. Représentante de l’Union européenne à Dakar, Irène Mingasson estime que le Faso va permettre de faire émerger de nouvelles voix. «Des acteurs du monde entier vont se pencher sur la question de l’accessibilité à l’eau. La bonne gestion de cette ressource est un sujet qui concerne tout le monde et pour l’Union européenne, c’est un enjeu majeur. Ce qui est important c’est que dans la préparation de ce forum, dans ce qui va se dire dans cette manifestation mondiale, que de nouvelles voix soient entendues et c’est dans ce cadre que Faso est une initiative qui inspire profondément.» Cette question de l’eau occupe en effet les discussions durant le festival et toutes les expressions artistiques permettent d’en débattre.
Pouvoir transformateur de l’art
Le Faso en est à sa 6e édition. Et selon son fondateur, Xavier Simonin, au début, personne ne croyait au pouvoir transformateur de l’art et de la culture. «Au début, personne ne croyait vraiment que des artistes pouvaient transformer quelque chose autrement qu’en chantant ou en faisant des films. C’est le même réflexe que nous avons tous. Je suis acteur et comédien de théâtre et tous ceux qui travaillent avec moi sont des professionnels de la culture. Et nous avons la même sensation. Nous pouvons produire des œuvres, c’est notre rôle de passeur d’émotion mais après, on doit pouvoir organiser les conditions qui font que les hommes se relient et à partir de ce moment-là, tout peut s’enclencher.» A Mboumba, la volonté d’œuvrer ensemble et de transformer ce coin quasi désertique en un ilot de culture où le changement prend naissance, est aujourd’hui une réalité. Et pendant trois jours, des milliers de gens vont se donner la main pour œuvrer à rendre le monde plus habitable.
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