Sa prestation était très attendue. Toofan devait monter sur scène. Mais son «concert de feu» au Grand Théâtre a été subitement interrompu par les limiers du commissariat de Rebeuss. C’était samedi dernier, suite aux incidents survenus au stade Demba Diop et ayant coûté la vie à plusieurs personnes. Le ministre de l’Intérieur a ainsi pris de court les fans du groupe de musique venu du Togo, interdisant par la force la suite de ce spectacle qui avait déjà commencé.
Le groupe togolais Toofan avait promis «le feu» aux fans pour leur concert prévu samedi dernier à l’esplanade du Grand Théâtre national. Au final, ce fut la déception dans les rangs des Toofaners (Ndlr, fans de Toofan) venus nombreux pour suivre ce concert tant attendu. Pourtant, c’était pour eux une date à graver dans les annales de l’histoire des deux supers stars, ambassadeurs de la musique togolaise. Puisque leur concert tenu en octobre dernier «avait été un fiasco» et qu’ils ont, en conférence de presse, annoncée jeudi dernier vouloir «réparer un préjudice». Mais Masta Just et Barabas ont une fois encore eu une mauvaise surprise. En effet, la combinaison des deux vents togolais (Too comme two en anglais et fan comme ventilateur) n’a pas soufflé pour attiser «le feu» pour lequel leurs fans se sont déplacés. Ces derniers n’ont eu droit qu’à la première partie du concert.
Il était 21h passées déjà sur l’esplanade du Grand Théâtre national. Savana, Jessica Loraine, Kéba Seck et Nitt Doff se sont succédé pour chauffer le public en attendant la montée sur scène des Toofan. Malheureusement vers 23h, alors que le rappeur Nitt Doff venait de «prester» et a laissé place à Dip Doundou Guiss après qui devrait venir le groupe Toofan, les éléments du commissariat de Rebeuss ont débarqué. A la surprise générale du public, ils sont subitement montés sur scène et ont fait arrêter la musique. Beaucoup ne réalisent pas sur le champ ce qui se passait sur le podium. On se pose des questions et les regards inquisiteurs attendent des explications. Puis, la nouvelle tombe tel un coup de massue. «Les policiers sont venus arrêter le concert sur les instructions du ministère de l’Intérieur», annonce-t-on. Et pour cause : l’incident survenu quelques heures plutôt au stade Demba Diop et qui a fait au moins 8 morts. En réalité, dans un document dont Le Quotidien a eu copie et qui porte la signature de Seydou Guèye, porte-parole du gouvernement, il est mentionné que «toutes les activités sportives ou culturelles sont interdites sur l’étendue du territoire national pendant toute la durée de la campagne électorale».
Grincements de dents du public
Suite à cette décision inattendue, les fans n’ont donc pu voir ni la prestation de Dip Doundou Guiss ni celle du groupe Toofan. Rakhou, le promoteur du concert, après avoir pris langue avec les Forces de l’ordre, est rapidement monté au créneau pour s’excuser auprès des spectateurs. Des excuses qui n’ont tout de même pas calmé la colère de certains. Ceux-ci ont fermement condamné, non pas la décision du gouvernement d’arrêter le spectacle, mais la manière dont on l’a subitement arrêté et sans d’abord communiquer. «On a payé notre argent», a fait entendre le public. Esso, un fan de Toofan, accompagné de deux filles, n’a pas mâché ses mots : «Vous savez il y a des jeunes qui adorent Toofan et qui se sont décarcassés pour se payer le ticket. On peut comprendre qu’on arrête le concert parce qu’il y a mort d’hommes dans un stade. Mais on devait quand même respecter les clients que nous sommes. On devait communiquer avec les gens sur ces genres de décisions au lieu de prendre les gens de court.»
Pour ce spectateur très en verve, «on doit trouver une solution, car avant de rentrer nous avons payé. Les organisateurs doivent trouver une solution de remplacement. Mais on ne peut pas accepter qu’on nous parle mal et qu’on nous maltraite ainsi. En venant ici, on s’attendait à une satisfaction. On leur a rendu service et ils doivent nous le rendre en retour. Je n’ai pas aimé la façon de faire. Et même si on nous promet ultérieurement un concert gratuit, personnellement je ne viendrai pas. Après tout ce qui s’est passé, on se défile et on se casse».
Un prochain concert gratuit annoncé
Aux côtés de Esso, l’une des filles qui l’accompagnent sous couvert de l’anonymat réclame carrément un remboursement du ticket qu’elle a acheté. «Je veux mon argent ou bien qu’on me donne un autre ticket pour que je puisse conserver ma place de Vip au cas où un concert sera prochainement organisé», dit-elle en colère, avant d’ajouter : «Ils doivent prendre des dispositions pour pareille situation. Ils doivent nous donner des badges pour que prochainement, même s’ils réorganisent ce concert, qu’on puisse reconnaître les gens qui ont payé et ceux qui n’ont pas déboursé leur argent.» En revanche, d’autres spectateurs prennent positivement cette interdiction du concert. Lassana Diakité, 23 ans, trouve normal qu’on arrête le concert après tout ce qui s’est passé. «Nous avons appris qu’il y a eu un incident au stade Demba Diop et qu’il y a eu mort d’hommes. Et on nous a soufflé que l’ordre vient du ministère de l’Intérieur d’arrêter le concert. C’est vraiment triste ce qui s’est passé. Vous avez vu vous-même le promoteur lorsqu’il parlait. On a senti qu’il était ému lui-même par l’incident qui s’est produit. Il nous a promis très prochainement un concert gratuit. Beaucoup de spectateurs se sont plaints, mais personnellement je comprends. Le Sénégal c’est nous. Ce qui est arrivé aux victimes pouvait nous arriver aussi. Dieu en a décidé ainsi», compatit-il. Du côté des organisateurs, Rakhou product promet de réorganiser gratuitement ce concert pour faire plaisir aux fans. Sans donner une date précise.
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