Notre pays est aujourd’hui confronté à une situation sanitaire des plus critiques : la Fièvre de la vallée du Rift (Fvr) progresse avec un bilan lourd de 196 cas confirmés et 21 décès, tandis que le Mpox ajoute une menace supplémentaire avec 6 cas confirmés.

Même si le ministère de la Santé a émis des communiqués de presse, il est impératif de souligner que, en matière de santé publique, un simple communiqué ne saurait constituer une stratégie de communication efficace. Il agit comme une déclaration, non comme une action préventive ou un dialogue de crise.

L’absence d’une campagne de sensibilisation et de communication active et continue sur le terrain est un manquement qui risque de transformer ces foyers épidémiques localisés en une crise sanitaire nationale dévastatrice.
Le communiqué de presse remplit une fonction administrative d’information, mais il ne possède ni la portée, ni la force pédagogique, ni la capacité de mobilisation d’une stratégie de communication bien orchestrée. Il est souvent lu par une fraction de la population (la presse, les élites) et échoue à atteindre les populations rurales, les personnes non alphabétisées ou celles qui dépendent des médias de proximité et des réseaux sociaux.

​L’arrivée du premier cas de Fvr à Dakar, la capitale, intensifie l’urgence. Dakar, avec son activité humaine débordante, ses marchés bondés et la reprise des cours dans les établissements scolaires, représente un terreau idéal pour une propagation exponentielle. Un seul cas dans cet environnement à haute densité transforme un risque en certitude imminente.

Sans messages clairs sur comment éviter la Fvr (protection contre les moustiques, manipulation sécurisée du bétail) et le Mpox (hygiène, contacts étroits), les populations sont laissées dans l’ignorance, voire alimentées par la désinformation et la peur.

​La transparence et la pédagogie sont les premières lignes de défense. Le silence ou la communication a minima alimente la rumeur, la méfiance et la panique, ce qui entrave la riposte épidémiologique. Il faut passer d’un mode «information ponctuelle» à un mode «mobilisation constante».

La communication doit être régulière, même quotidienne, pour mettre à jour les chiffres, identifier clairement les zones à risque et expliquer les mesures prises. Cette transparence renforce la confiance des citoyens, les rendant plus enclins à adhérer et à respecter les consignes sanitaires.

Il est crucial de sortir du cadre formel. Les autorités doivent investir massivement les médias de proximité (radios rurales, télévisions communautaires), les langues nationales (wolof, pulaar, sérère, etc.) et les plateformes numériques (Sms gratuits, campagnes ciblées sur WhatsApp et Facebook) pour garantir que le message «comment se protéger» atteigne chaque citoyen, des éleveurs des régions intérieures aux étudiants de Dakar.
La stratégie doit s’appuyer sur les imams, les chefs de quartier, les responsables d’associations de femmes et de jeunesse, et les leaders d’opinion pour contextualiser et véhiculer les messages de prévention au plus près des réalités culturelles et sociales. Eux seuls peuvent désamorcer les craintes et lutter contre la stigmatisation des malades.

​Pour enrayer la propagation de la Fvr et du Mpox, les autorités et les responsables de la santé doivent mettre immédiatement en place une Cellule de communication de crise (Ccc) intersectorielle. Cette cellule, regroupant les ministères de la Santé, de l’Education et de l’Elevage, doit être la seule source d’information officielle, garantissant l’homogénéité et la cohérence des messages. Elle doit être active 24h/24.

Elles doivent aussi, nos autorités, déployer des messages spécifiques et pédagogiques en insistant sur la protection du bétail (source de la maladie), la lutte anti-vectorielle (moustiques) et les pratiques alimentaires sécurisées (cuisson complète de la viande et du lait, éviter la manipulation d’animaux morts ou malades). Ces messages doivent être diffusés directement auprès des marchés de bétail et des zones d’élevage.

​Pour le Mpox (transmission par contact), il faudra mettre l’accent sur les bonnes pratiques d’hygiène (lavage des mains) et la nécessité d’éviter le contact physique étroit avec les personnes présentant une éruption cutanée, tout en combattant fermement la stigmatisation qui décourage le signalement des cas.

Il serait impératif de mener une action ciblée sur les établissements scolaires et universitaires, car avec la reprise des cours, les lieux d’enseignement sont des zones à haut risque de contagion. Il faut instaurer des protocoles d’alerte rapides et des sessions de sensibilisation obligatoires pour les élèves, les enseignants et le personnel, leur fournissant les outils de prévention du Mpox et de la Fvr.
​La population doit disposer d’un numéro vert gratuit et facilement mémorisable pour signaler les cas suspects, poser des questions et dissiper les doutes sans barrière financière ou logistique.

Aujourd’hui, même si la situation sanitaire actuelle est grave, elle n’est pas irréversible. Cependant, l’inaction communicationnelle est un risque calculé qu’aucune Nation ne peut se permettre. Notre pays doit cesser de se reposer sur la seule force des communiqués et engager sans délai une stratégie de communication de masse, d’urgence et d’impact, car seul un citoyen bien informé est un citoyen protégé.
Souleymane LY
Spécialiste en communication
julesly10@yahoo.fr