Après avoir suivi en avant-première la projection du film réalisé par Khadim Ndiaye sur la migration irrégulière, Boubacar Sèye, président de l’Ong Horizon sans frontières, et Ngoné Ndoye de l’Ong Femidec ont incité, lors d’un panel sur la question, les Etats africains à harmoniser leurs politiques. Par ailleurs, selon M. Sèye, entre 2014 et 2017, il y a eu plus de 15 mille 386 morts en Méditerranée.

La migration irrégulière peut conduire à la mort ou à l’esclavagisme pour les jeunes Africains. «Entre 2014 et 2017, il y a eu plus de 15 mille 386 morts en Méditerrané, soit plus de 71% en Méditerrané centrale sur l’axe Tripoli – Désert du Sahara», affirme Boubacar Sèye, président de l’organisation internationale de défense, d’orientation et d’intégration des migrants, Horizon sans frontières, lors d’un panel qui a suivi la projection d’un film sur l’émigration. Le panéliste  qui travaille avec un centre de recherches sur l’identification des migrants morts en Méditerrané occidentale  informe aussi qu’en 2018, sur l’axe Maroc-Espagne, il y a eu plus de 769 migrants morts. Devant ces chiffres accablants, Boubacar Sèye appelle à la responsabilité et pointe du doigt l’Union européenne et les Etats africains. «On a vu ce qui s’est passé en Lybie avec le bombardement d’un camp de migrants. Aucune autorité africaine ne s’est prononcée, personne n’a condamné. Et jusque-là, rien n’a été fait. Mais quand il s’agit d’aller chercher de l’argent, tout le monde se bouscule», fustige-t-il avant d’ajouter : «Aujourd’hui, ils (les Etats africains) attendent que l’Union européenne dégage des fonds. Malheureusement, l’Union européenne qui fausse le débat ne se remet pas en question dans la gestion de ces flux-là. L’Europe est en train de violer les conventions internationales. Je parlerai de la Convention de Genève de 1951. Les Européens jouent leur comédie en condamnant. Mais au-delà, il faut agir. Il faut ouvrir une enquête indépendante, internationale pour savoir qui est responsable de tout cela. Les chiffres ont été biaisés, il y a eu plus de 100 et quelques morts. C’est la réalité», dit-il.
Ngoné Ndoye, qui est du même avis que M. Sèye, pointe l’absence de politique cohérente au Sénégal sur la question de la migration. «J’ai participé à l’élaboration du premier document fait par le ministère de l’Economie et des finances par sa direction de la Planification, mais c’est un document à parfaire et à actualiser. Le problème qui me touche le plus, c’est qu’au Sénégal, les politiques en matière d’immigration sont exécutés par différents ministères. D’abord, par la présidence de la République, ensuite le ministère de l’Intérieure sur des problèmes de sécurité frontalière, puis par le ministère de la Jeunesse et de l’emploi pour un peu s’occuper de l’emploi des jeunes. Cette manière aussi disparate de prendre en charge cette question ne permet pas de mettre le doigt sur une politique organisée et harmonisée», constate la présidente de l’Ong Femme, enfant, migration et développement communautaire (Femidec). Non sans déplorer ce manque d’organisation au niveau régional face à ce fléau qui évolue au niveau mondial. «C’est devenu un problème global qui migre le plus souvent vers le terrorisme et vers ce qu’on appelle le déséquilibre socio-économique. Et pour cela, les Etats africains doivent parler d’une seule voix pour donner une seule réponse par rapport à une Europe qui s’organise», précise-t-elle.

«Calvaire des migrants»
Le calvaire des migrants est un film réalisé par Mamadou Ndiaye, plus connu sous le nom de Khadim Ndiaye, technicien-monteur à la Radio futurs médias (Rfm). Le documentaire apporte une touche particulière par rapport aux films sur l’émigration. En effet, il relate l’histoire de Big Makhou, un rappeur qui n’était pas initialement parti pour le voyage, mais qui a eu un accident de parcours le menant tout droit vers «l’enfer» du dessert du Sahara. Le réalisateur a choisi des gens qui témoignent de leur calvaire, durant tout le chemin emprunté et éclairent sur les raisons qui expliquent ces départs. La quête d’opportunités des jeunes pour satisfaire leurs objectifs éducatifs, économiques et sociaux, est considérable. Dans la plus grande partie de l’Afrique, la décision de ces derniers de migrer est basée sur des témoignages tels que ceux d’amis ou de membres de leur famille. Les informations reçues se sont souvent révélées imprécises et pas toujours pleinement représentatives des difficultés qu’ils pourraient rencontrer en cours de route. L’occasion pour le réalisateur du film de sensibiliser. «L’objectif, c’est la sensibilisation. Parce qu’actuellement, nous sommes tous responsables face à ce fléau qui est en train de faire tant de mal à notre société. Donc, il va falloir que tout le monde se lève pour prendre à bras-le-corps ce mal et lutter efficace­ment contre», dit Khadim Ndiaye.
Un film, c’est comme une œuvre d’art, selon le technicien de la Rfm qui veut vulgariser son produit. Pour ce faire, il a deux projets phare. «Le premier, c’est de trouver des partenaires qui vont nous accompagner dans la diffusion de ce film à la télé pour mieux atteindre notre objectif.  Le deuxième consiste à faire une tournée nationale, surtout dans les zones sensibles, celles de  départ, pour une campagne de sensibilisation. Parce qu’il y a des zones qui n’ont pas d’électricité, zones où la télévision n’est pas en service», explique Khadim Ndiaye. «Le film est très parlant et très actuel», d’après Ngoné Ndoye. Pour Boubacar Sèye, ce film qui reflète la souffrance des jeunes Africains durant leur projet migratoire dévoile des aspects aux conséquences incalculables dans nos sociétés en situation de vulnérabilité chronique. Toujours selon lui, ce documentaire est important dans la mesure où la migration est en train de décimer toute la jeunesse africaine du fait de «l’absence d’initiative stratégique» de ses dirigeants. «Il y a urgence absolue. Parce que quand la jeunesse africaine, notamment sénégalaise, se tue en Méditerrané du fait de l’absence de perspective heureuse, il y a danger», conclue- t-il.
Stagiaire