Par Malick GAYE (Envoyé spécial à Ouagadougou) – Qui va remporter l’Etalon d’or du Yennenga à la 27ème édition du Fespaco ? C’est une question qui taraude l’esprit de bon nombre de cinéphiles. En attendant la publication des résultats qui vont commencer le vendredi pour les prix spéciaux et samedi pour l’Etalon d’or du Yennenga, «Le Quotidien» a sondé les professionnels. Il ressort de ces échanges «Baamoum Nafi» dans la catégorie long métrage et «5 étoiles» pour le court métrage.
Ce sont 239 films qui ont été projetés en moins d’une semaine à la 27ème édition du Fespaco. Autant dire que les salles de cinéma de Ouagadougou refusent du monde. Dans cette même logique, les cinéphiles spéculent sur les favoris aux prix spéciaux et à l’Etalon d’or du Yennenga. Si pour le moment, il est aisé d’imaginer la pénibilité de la tâche des membres du Jury, Mamadou Dia, Mame Woury Thioubou, Moly Kane et Aïssa Maïga, entre autres réalisateurs, sont en train de ronger leurs pousses en attendant les résultats.
Pour la journaliste de la Rfm, Fama Dione, il ne faut pas oublier les Burkinabè. «Mon coup de cœur demeure L’inconnu de Simplice Ganou du Burkina Faso. L’histoire du film me paraît intéressante. Je me suis mise dans sa peau quand il arrive dans un pays où on ne se fait pas d’amis, surtout quand on vient de l’Afrique où on ne connait pas la solitude. Mais en Europe c’est une autre vie. Esseulé, cherchant des amis de gauche à droite, à la fin beaucoup de gens voulaient devenir l’ami de la personne qui cherchait des amis», a-t-elle martelé. Avant de préciser : «Ça n’enlève en rien le fait que je soutienne Mame Woury Thioubou.»
Pour Ibrahima Ba du quotidien national sénégalais, Le Soleil, la compétition devrait se jouer entre Lingui, les liens sacrés du Tchadien Mahamat-Saleh Haroun et Baamoum Nafy du Sénégalais Mamadou Dia. Deux films à connotation politique, qui traitent respectivement de la condition des femmes et l’extrémisme religieux. «Je suis partagé entre Baamoum Nafy et celui du Tchadien Lingui, les liens sacrés. Ce film fait la photographie de la situation des femmes au Tchad. Elles sont souvent confrontées au plein épanouissement de leur droit, du fait de la religion, et des liens socio-culturels. Elles sont obligées, à travers un pacte, de voir comment trouver une astuce contre l’excision ou de se faire avorter après un viol. Ça montre les difficultés des femmes africaines de manière générale pour s’émanciper. On perçoit l’ampleur du problème avec la place de la religion et certaines lois liberticides en regardant ce film. Je mettrai une pièce sur ce film, d’autant plus qu’il faisait partie des 6 représentants africains au Festival de Cannes de 2021. C’est extrêmement émouvant. Lingui, les liens sacrés montre la capacité résiliente des femmes», a expliqué Ibrahima Ba.
Le Secrétaire général de l’Association de la presse culturelle du Sénégal (Apcs) mesure, lui pour sa part, la difficulté du travail du jury. «Cette année, je n’aimerais pas être membre du jury, tellement la compétition me paraît serrée. Il y a de très bons films comme Baamoum Nafy de Mamadou Dia. Je pense qu’il sera très difficile de l’éliminer dans la course à l’Etalon d’or tout comme Freda, le film haïtien réalisé par Jessica Gaineuz. Pour les courts métrages, je mise sur Tissu blanc de Moly Kane même si 5 étoiles a toutes les qualités pour remporter un prix», a affirmé Alioune Badara Mané.
Dans cette même logique de film, qui traite de sujet actuel, Farewell Amor de la Tanzanienne Ekwa Msangi a une belle carte à jouer. En effet, Après avoir été contraint d’abandonner sa famille à Dar es Salam, Walter doit renouer avec sa femme Esther et sa fille Sylvia, 17 ans plus tard. Cette famille est appelée à vivre dans une pièce, dans le quartier modeste de Brooklyn et dans des conditions contraires à celles qu’on peut imaginer d’une personne qui vit aux Etats-Unis d’Amérique. Walter doit se rapprocher de sa fille qu’il n’a pas vu grandir. Sa passion pour la danse sera le lien qui va lui faciliter la tâche.
Présente à cette projection, la réalisatrice Ekwa Msangi est revenue sur la genèse de ce film. Farewell Amor est l’histoire de son oncle, qui vivait aux Etats-Unis d’Amérique. «Mon oncle a été séparé pendant 24 ans de sa famille qui était en Tanzanie», a relaté la réalisatrice américaine d’origine tanzanienne.
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