Les autorités appellent souvent les banques à participer au financement des Petites et moyennes entreprises (Pme). Mais, selon le président du Club des dirigeants de banque et établissement de crédit, il existe une kyrielle de limites réglementaires.

Les autorités du gouvernement ne manquent aucune occasion pour appeler les banques à mieux contribuer au financement des Petites et moyennes entreprises (Pme). La dernière interpellation en date a été celle du secrétaire général du ministère de l’Economie, des finances et du plan, M. Bassirou Niass. En présidant hier la cérémonie d’ouverture du forum du Club des dirigeants de banque et établissement de crédit d’Afrique, M. Niass a indiqué que «de nombreux défis restent à être relevés par les banques, notamment la mise en œuvre des réformes Bale 2, 3 et 4, le renforcement de l’inclusion financière des populations, le financement des Pme porteuses de croissance dans notre pays et le financement du secteur agricole».
Selon le président du club, M. Patrick Mestrallet, les banques se heurtent à des limites règlementaires dans le financement des Pme. «On ne les finance pas toutes parce que la règlementation nous impose, quand on prête 100 francs à une entreprise, d’avoir 8 francs de fonds propres. Demain, on va passer à 12 francs avec la nouvelle règlementation de Bale». Selon le banquier, cette disposition est compensée en partie s’il y a des garanties réelles, «c’est-à-dire des hypothèques ou des dépôts donnés par d’autres banques. Mais ça, les Pme ne l’ont pas beaucoup. Elles ne possèdent pas beaucoup de terrains ou des maisons qu’elles peuvent donner en garantie». Ces dispositions sont, selon M. Mestrallet, les raisons qui expliquent les difficultés que rencontrent les Pme dans leur recherche de financements bancaires. «Il y a une limite qui est règlementaire, mais la volonté des banques serait plutôt de développer le financement des Pme, parce que c’est ça qui permet aux banques de se développer», indique le banquier.
Pour ce qui est du secteur agricole, la situation est un peu plus compliquée. «Les banques ne sont pas nécessairement outillées ou n’ont pas la formation pour étudier un projet. On fait du financement de campagne, l’arachide ici, le cacao en Côte d’Ivoire, la noix de cajou en Guinée Bissau, mais ce qu’on finance en réalité, ce sont les acheteurs qui vont payer les paysans.» En tout état de cause, M. Mestrallet explique que les banques sont indispensables dans le système de financement de l’économie malgré les risques. «Financer l’économie, c’est toujours un risque. Si on a un projet par nature, on ne sait pas s’il va réussir ou pas. Si on y met l’argent, est-ce qu’on va le récupérer ou non ? Cet argent, ce n’est pas celui des banques. C’est l’argent des déposants, donc il y a un véritable risque.» Aujourd’hui, poursuit-il, ce risque a changé en nature et augmenté en volume. «On vient avec des projets qui sont importants pour les Etats et qui sont onéreux. Le risque est important, mais les Etats ont besoin du secteur bancaire pour avoir des réseaux de financement.»

La digitalisation, avenir de la banque
La réunion annuelle du forum du Club des dirigeants de banque et d’établissement de crédit se tient à Dakar depuis hier. Cette année, les banques ont choisi de réfléchir sur «Enjeux et défis pour la banque africaine de demain entre innovations et risques». Un des thèmes qui seront développés reste la digitalisation. A ce propos, Bocar Sy, président de l’Association des banques et établissements financiers du Sénégal (Apbef), indique que le «e-banking, c’est l’avenir». Pour M. Mestrallet, «la banque qui ne suivra pas aura disparu dans 15 ans». La monnaie fiduciaire représente au moins 50% de la masse monétaire, mais dans les régions rurales, le cash reste le moyen de paiement le plus sûr. «La digitalisation est essentielle pour la bancarisation. On ne peut pas ouvrir des banques partout, parce que c’est trop cher. Les cartes bancaires ont déjà aidé à remplacer les banques physiques de proximité, mais tout le monde a aujourd’hui un téléphone et c’est un élément important du futur de la banque», conclut le banquier.
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