Tout en reconnaissant la réalité de tensions budgétaires, le ministre de l’Economie, des finances et du plan a soutenu devant les députés que le Sénégal n’a aucun problème pour faire face à ses obligations. Selon Amadou Ba, «la situation est gérable» puisque 384 milliards dorment dans les caisses.

Il y a quelques jours, le ministre de l’Economie, des finances et du plan reconnaissait l’existence de tensions dans les caisses de l’Etat. Des tensions «voulues», selon lui. Hier, devant les députés de l’Assemblée nationale où le marathon budgétaire vient de démarrer, Amadou Ba est allé plus loin dans ses arguments en soutenant que les caisses de l’Etat sont loin d’être vides. Amadou Ba a largement ouvert les livres comptables du pays, en annonçant qu’au vendredi 22 novembre à 12 heures, 384 milliards de francs Cfa étaient inscrits dans les livres de la Banque centrale et à la disposition du Sénégal, et «répartis ainsi qu’il suit : le compte de règlement qui est à la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bceao) 61,4 milliards, les comptes spéciaux à la Bceao, 43 milliards, le compte ordinaire 4,6 milliards, le compte spécial Eurobond, 39 milliards, et un compte séquestre de 236 milliards. Cela veut dire en clair que pour nos obligations, nous n’avons aucun problème pour les payer. La preuve, le directeur général du Trésor, dès le lundi, va payer les pensions et mercredi, au plus tard jeudi, il va payer les salaires sans problème». Selon le ministre Ba, «aujourd’hui, la situation est gérable et parfaitement maîtrisée». Amadou Ba a réexpliqué aux élus du Peuple les options que le Président a souhaité prendre en évitant de répercuter sur le consommateur les hausses sur le prix du baril de pétrole. «L’Etat du Sénégal a décidé de subventionner aujourd’hui et va poursuivre cette subvention. Nous allons retravailler le budget pour voir quels sont les postes de dépense où on peut faire des économies tout en maintenant une trajectoire de croissance», a annoncé M. Ba qui refuse de parler de tensions financières dans la mesure où, dit-il, l’Etat est en mesure de respecter l’ensemble de ses obligations.

Le fardeau de la masse salariale
Pour l’année 2019, le budget du Sénégal est arrêté à la somme de 4 071,8 milliards de francs Cfa contre 3 774,7 milliards pour 2018, soit une hausse de 297,1 milliards de francs Cfa en valeur absolue et 8% en valeur relative. Pour cette année qui marque le démarrage de la deuxième phase du Pse, le Sénégal cherche à s’entourer de toutes les garanties de réussite. Ainsi, selon le ministre de l’Economie, des finances et du plan, l’Organisation pour la coopération et le développement économique (Ocde) a identifié trois contraintes qui plombent l’économie du pays. Parmi ces contraintes, l’Administration sénégalaise. «Nous avons une Administration républicaine, mais il faut se poser des questions. Est-ce que l’Adminis­tration que nous avons aujourd’hui est en mesure d’accompagner le Plan Sénégal émergent (Pse) ? Il y a des réformes qui sont absolument nécessaires et une des plus grandes réformes, c’est celle du système des rémunérations. C’est un gros problème que nous avons et le Président a souhaité qu’on s’attaque à cette question», a expliqué le ministre au sortir de la séance plénière de l’Assemblée. La masse salariale passe ainsi à 743,41 milliards de francs Cfa, soit une hausse de 8,8%. Une hausse qui s’explique par l’impact budgétaire des accords conclus avec les syndicats d’enseignants et de la santé, souligne le ministre.

La dette, première dépense
Outre les dépenses en salaires, le budget 2019 donne également une large place au service de la dette qui représente le premier poste de dépense. Bien que le Sénégal reste encore en deçà des normes de 70% définies par l’Uemoa, avec un endettement de 48,2% du Produit intérieur brut (Pib), le service de la dette se chiffre à 863,17 milliards. Elle amorce tout de même une baisse de 18,8 milliards de francs Cfa, soit 2,1%. «Le service de la dette va amorcer sa tendance baissière à partir de 2019, montrant un peu la viabilité, mais surtout que la stratégie d’endettement du Sénégal commence à porter ses fruits», souligne M. Ba. Globalement, l’encours de la dette publique totale passe de 5 848,5 milliards en 2017 à 6 467,7 milliards, soit un accroissement de 10,6%. Mais Amadou Ba a parfois montré des signes d’exaspération devant la récurrence de cette question. «C’est un débat qui n’a pas de sens et on ne sait pas pourquoi on en parle autant. Le Sénégal est un des quatre pays en Afrique subsaharienne à présenter un risque de surendettement faible», a souligné le ministre. Il a expliqué que le pays ne risque rien dans la mesure où la croissance est forte et que le déficit budgétaire passe de 3,5% en 2018 à 3% en 2019.

Croissance revue à la baisse
Pour l’année à venir, le taux de croissance attendue à 7% est finalement revu à la baisse pour être projeté à 6,9%. Il devrait être porté par une agriculture plus performante, la poursuite du redressement de l’industrie ainsi que le maintien du dynamisme dans les activités des services. Quant à l’inflation, elle devrait rester modérée. Les dépenses d’investissements sont de 1 434,16 milliards avec une hausse de 207,26 milliards, soit 16,9%. Mais pour le ministre de l’Economie, des finances et du plan, «le Sénégal est en train de changer positivement». Il en veut pour preuve les taux de croissance moyens de 6,6% réalisés sur ces cinq dernières années. Selon amadou Ba, ces performances se sont traduites concrètement par le recul de la pauvreté qui est passée de 46,7% en 2011 à 35,6% en 2017.

Budget des institutions
L’Assemblée nationale a également adopté les budgets des grandes institutions de l’Etat. Ainsi, le budget de la présidence de la République connaît une baisse en passant de 88 milliards 804 millions 369 mille 880 francs en 2018 à 86 milliards 211 millions 132 mille 513 francs en 2019. Mais pour le reste des grandes institutions, les budgets sont en légère hausse. Il en est ainsi de l’Assemblée nationale avec 16 milliards 800 millions 057 mille 759 francs, le Conseil économique, social et environnemental pour 6 milliards 087 millions de francs Cfa et la Primature pour 48 milliards 300 millions 676 mille 295 francs, entre autres.

Dette des écoles privées
Interpellé sur la dette que l’Etat doit aux écoles privées, le ministre de l’Economie, des finances et du plan a indiqué qu’il s’agit d’«un dossier délicat pour lequel des concertations ont débuté». Il a précisé que le problème est le même pour l’épuration de la dette due aux repreneurs des restaurants universitaires.

mamewoury@lequotidien.sn