Les entreprises ont besoin de la commande publique pour pouvoir respirer, et l’Etat ne devrait donc pas geler plus longtemps les projets du Pse. De plus, dans les arbitrages fiscaux post Covid-19, le président du Cnp souhaite que l’Etat matérialise son ambition d’élargir l’assiette fiscale, afin de réduire la pression qui pèse le plus sur les mêmes entreprises.

L’Etat doit rapidement remettre en marche les projets du Pse pour la relance de l’économie sénégalaise. C’est le cri du cœur du Conseil national du patronat (Cnp). Baïdy Agne, qui se fait sans doute le porte-voix de tous ses collègues, estime que la commande publique est «un puissant levier de croissance économique et de création/­consolidation d’emplois». Cette relance rapide ne demande pas nécessairement de recourir à l’extérieur. Baïdy Agne souligne que le financement des projets du Pse pourrait se faire à travers de nouveaux instruments de notre politique monétaire. Il suggère donc de se «soucier davantage de la santé de l’entreprise, ainsi que des possibilités d’intervention de la Bceao, des banques et établissements financiers».
On a vu que dans tous les pays du monde, même les plus libéraux, la pandémie du Covid-19 a remis en selle l’importance de la régulation étatique. En France, en Allemagne et même en Angleterre, cette crise a montré qu’une catastrophe de cette ampleur ne pouvait être maîtrisée qu’en ayant recours à toutes les ressources de l’Etat. L’heure n’était plus au «Moins d’Etat et mieux d’Etat», tant vantée à une certaine époque ici et sous d’autres cieux. Au contraire, son rôle est devenu central dans la régulation des instruments de politique économique et sociale.
Au Sénégal, dès l’apparition des premiers cas de coronavirus, le gouvernement a pris des mesures radicales sur le plan sanitaire et social, et mis en œuvre un Programme de résilience économique et sociale (Pres). Il s’agissait de chercher à renforcer le système de santé, tout en soutenant les ménages, la diaspora ainsi que les entreprises et leurs salariés.
Les entreprises sénégalaises qui, dans ce pays, sont parmi les secteurs les plus impactés par les effets du Covid-19 tiennent à alerter rapidement les pouvoirs publics pour que leurs préoccupations soient prises en compte dans le programme de relance économique post Covid-19. Dans un éditorial publié dans l’édition de juin 2020 de leur magazine Entreprendre Plus, le président du Conseil national du patronat (Cnp) appelle les dirigeants africains à s’inspirer de ce qui est en train de se faire en Europe pour la relance de leurs économies. Ce qui permet à Baïdy Agne d’illustrer : «Dérogations réglementaires et juridiques, solutions novatrices rapides et pragmatiques. Oui, je dirai, autant de réponses apportées par ces pays à cette crise sanitaire permettant aujourd’hui à l’Afrique de constater qu’il est bien possible de faire bouger des lignes et dogmes de la gouvernance économique et financière mondiale.»
S’il reconnaît que cette crise sanitaire va imposer des arbitrages budgétaires pour faire face aux nombreuses urgences sanitaires, aux priorités sociales et aux contraintes budgétaires de l’Etat, le président du Cnp juge de son «devoir d’alerter dès à présent dans une perspective de relance économique post Covid-19, pour préserver l’entreprise des effets collatéraux pouvant avoir comme conséquence plus de pression fiscale et une baisse de la commande publique». En effet, les ajustements financiers entraînés par le Covid-19 ont fortement pesé sur le Trésor public ainsi que sur les engagements du pays vis-à-vis de ses partenaires étrangers. Le patronat craint que les entreprises soient fortement pressurées au moment de rembourser certaines dettes extérieures. M. Agne indique avoir échangé avec le ministre des Finances ainsi que le Dgid Bassirou Samba Niasse sur le programme «Yaatal, yaatal natt, teggi yokkuté». «Il s’agit d’un appel aux citoyens à plus de civisme fiscal, de solidarité sociale et d’engagement républicain de toutes les composantes de la Nation, personnes morales et physiques. Ce levier fiscal est innovant pour plus de croissance inclusive, plus de progrès social et un mieux-être pour tous.»
Mais le Cnp insiste pour que ce programme inclue également «Yaatal» pour un élargissement de l’assiette fiscale, «Waagni» pour une baisse de la pression sur les mêmes contribuables, dont l’entreprise qui fait montre de civisme fiscal, «Yémeulé» pour l’équité fiscale pour tous. Il faut prendre ensemble les trois, et non l’un sans les autres.