La délivrance. La haine. Le coup de semonce. La tourmente. Je sers à quoi. Le refus. Pourquoi on vit ensemble ? Hum hum. Qu’est-ce qui a changé ? Dis-moi, je suis sérieux.
Je veux changer les rideaux. Acheter de nouveaux oreillers pour chasser ce maudit torticolis. On va voir qu’est-ce que cela va changer. On paie les sacs. Je veux acheter un nouveau caleçon. J’ai de quoi me payer le transport. Je dois envoyer 10 mille au père. Il est petit, il ne mange pas…
La faim. La solitude. La peur. La famille. Le vieux bon beignet «dougoub» de Yaye Fatou Mbaye, sucré et chaud sur la rue sablonneuse qui mène à l’ancien cinéma Vox, détruit aujourd’hui. Sur les affiches, les Indous flirtaient en matinée. L’après-midi, Bruce Lee faisait le grand écart. Le soir, c’est interdit au moins de 18 ans. Surmonter le tabou. L’interdit.
L’urgence. La honte. La vieillesse. L’heure du dernier combat approche. «Bruce Lee, tu vas mourir…» Reprendre les bastions de nos propres vies investis par les… quoi encore. La solitude. Le sucre de chez ma grand-mère qui sent le renfermé. Le matin. Les vieux matelas élimés pouilleux qui sentent encore la pisse sur les terrasses.
Trouver un bonnet. Des chaussettes. Une djellaba plus lourde. C’est pour la prière du matin. Il fait froid dans les rues le matin. Il fait sombre. Penser à acheter une lampe torche. Un chapelet à égrener. La mémoire est défaillante quand il faut faire le zikr.
Je dois aller à un enterrement ce matin. J’ai reçu ce message de lui hier : «Bonjour, je ne pourrai pas venir aujourd’hui, j’ai une migraine.» Et le soir, hier soir, j’ai reçu la triste nouvelle. Tôt ou tard s’en aller.
L’injonction la plus capitale : gagner de l’argent pour vivre. Un homme doit vivre en silence.
La dignité. La colère. La violence. La lutte. La culpabilité. L’amour. L’identité. La mémoire. La perte. Le possible, non le doute. L’expérience. Le souvenir. Le jugement. L’échec. L’autorité. Le rite. La prière. La loi. L’être. L’époque. La mère ménopausée depuis, sans pension, ni retraire. La haine. La mort. L’argent encore. Les signes. L’extrême.
Mon horoscope d’hier : «Vous aurez du mal à vous concentrer pleinement. Cloisonnez vos activités, il y a un temps pour chaque chose ! Vous saurez éviter des conflits avec votre partenaire et mieux encore, vous allez harmoniser vos liens, durablement. Ne doutez pas de vos potentiels !» Foutaise.
Le temps : compagnon lénifiant des douleurs et maître éternel des mentions honorables sur les langages de la postérité. Vivre. Partir. Lutter. Choisir. Subir. Endurer. Espérer. Trahir. Vomir. Enterrer. Reposer. Balancer les dernières pelletées sur la tombe du type qui était là ici même hier soir. Etre appelé à la barre du jour au lendemain sans délit, ni délais. Saisi au collet, empoigné comme un vulgaire larron sur terre. La révolte. Le décret. La sentence. Qui est, a été, fut. Simple temps de l’existence. Tous des martyrs involontaires. Je guette tes moustaches grises sur les pages nécrologiques des journaux, ces cimetières en papier qui, demain, serviront à emballer la viande. Enrouler le pain. Recueillir les frites chaudes. Couvrir le beignet «dougoub» de Yaye Fatou Mbaye. Faire tache d’huile.
D’un gars exemplaire, je garde la vertu, l’intelligence et les conneries. D’un collègue hors pair, je retiens la paresse, le bureau mal rangé, désormais vide où traînent la cannette de Coca, la tasse de café en porcelaine chinée dans les conteneurs. Le box Wifi. Tu me cachais le code. T’es parti avec ce secret. Et le livre culte, jamais terminé, corné à la page 21. Ton visage, ta voix, ton sourire continuent de veiller sur cet espace.
Laisser des traces. Un pied à terre. Un feu sacré. Du grain à moudre. Eclats de vie volatile. Asile. Du textile au fond de la male. Finalement après plusieurs tours, plusieurs arrêts au pas de la porte, en passager clandestin, tu as franchi la frontière. La fuite. La dépouille. Va dire merde aux anges, au diable ! Sans rancune.