Fleuron des Btp du Sénégal : LE CDE EN VOIE DE RUINE

Qui l’eut cru ? Le Consortium d’entreprises (Cde), fleuron du Btp sénégalais depuis 1967, traverse l’une des crises les plus graves de son histoire : cinq mois de salaires impayés, des chantiers à l’arrêt, un carnet de commandes vide et des dettes de l’Etat qui s’accumulent pour atteindre 19 milliards F Cfa. En conférence de presse hier, l’Intersyndicale des délégués du personnel du Cde (Cnts, Cnts/Fc et Udts) a lancé un appel pressant aux autorités afin de sauver l’entreprise et les milliers d’emplois directs et indirects qu’elle génère. En plus du Cde, ce sont plusieurs entreprises du Btp qui sont en train de s’effondrer à cause d’une politique économique qui étouffe le secteur privé. Par Ousmane SOW –
C’est un géant qui chancelle. Dans ce pays, le contexte économique est en train d’étouffer les plus grandes sociétés, qui risquent de mettre la clef sous le paillasson. L’Intersyndicale des délégués du personnel du Cde (Cnts, Cnts/Fc et Udts) a fait face à la presse, hier, pour dénoncer le non-règlement des dettes de l’Etat du Sénégal aux entreprises du secteur du Btp. Le coordonnateur du Collège des délégués du personnel du Cde, Amath Diop, renseigne que la société, créée en 1967 par la volonté d’entrepreneurs sénégalais, et leader incontesté du secteur du Btp, grâce à son savoir-faire et son professionnalisme, est, depuis quelques mois, confronté à de graves difficultés qui plombent son fonctionnement et ses activités, et menacent au plus haut point sa survie. «L’avenir du Cde aujourd’hui est gravement compromis par le non-règlement des créances de l’Etat du Sénégal et la baisse énorme d’activités. Et malgré la morosité du climat social de la société du fait d’arriérés de salaires des travailleurs qui s’accumulent depuis 5, voire 6 mois, l’Intersyndicale des délégués du personnel s’investit sans relâche pour amener les autorités sénégalaises à prendre conscience de la nécessité urgente d’un règlement rapide du stock de la dette due aux entreprises du Btp. Notre entreprise demande également un accès équitable aux marchés pour lesquels elle a les compétences de réaliser dans tous les domaines du Btp au Sénégal», a déclaré le coordonnateur du Collège des délégués du personnel du Cde.
Selon Amath Diop, la situation financière du Cde est devenue critique. «Notre entreprise est en chute libre depuis 2024. Non seulement le chiffre d’affaires a considérablement baissé, mais aussi notre carnet de commandes n’a plus de commandes et l’effectif aussi a considérablement baissé. Il n’y a plus de marché, l’Etat nous doit de l’argent», a-t-il expliqué. Un tableau sombre qu’on retrouve dans d’autres entreprises du Btp, frappées par la première mesure spectaculaire du régime de Pastef, qui avait gelé tous les grands chantiers. Plus de 18 mois après, les séquelles sont béantes : un secteur complètement sinistré. M. Diop appelle tout simplement à sauver le Cde, ainsi que ses milliers d’emplois. «Nous lançons un cri du cœur au gouvernement. Ce cri du cœur, c’est sauvons Cde. Sauver le Cde, c’est sauver des milliers d’emplois», a-t-il martelé. D’ailleurs, pour le syndicaliste, la survie du Cde passe d’abord par un règlement urgent des dettes de l’Etat, qui doit énormément d’argent aux entreprises. «Aujourd’hui, nous Cde, l’Etat nous doit 19 milliards de F Cfa. Mais globalement, pour ce qui concerne le secteur du Btp, la dette est supérieure à 300 milliards. Dans la nouvelle loi de finances rectificative, l’Etat a octroyé 105 milliards au secteur. Certains ont commencé à recevoir, mais pour nous, ce n’est pas encore le cas», a souligné Amath Diop. Il estime que cette situation dépasse les simples revendications internes. Et c’est pourquoi les travailleurs envisagent un plan d’actions plus large afin d’attirer l’attention des autorités. «Nous nous sommes organisés en intersyndicale parce que c’est une question qui dépasse même les délégués du personnel. Nous prévoyons des plaidoyers auprès du gouvernement et du Parlement», a annoncé Amath Diop. Il invite les nouvelles autorités à donner la priorité aux entreprises nationales pour avoir de nouveaux marchés. «Ce sont des entreprises pionnières qui sont aujourd’hui en difficulté. Des entreprises qui sont là depuis 1967, qui ont pratiquement réalisé la majeure partie des immeubles, routes et ponts au Sénégal. Aujourd’hui, elles sont laissées en rade par les nouvelles autorités. Donc l’enjeu principal pour nous, c’est d’avoir de nouveaux chantiers pour que le Cde puisse relancer ses activités, car il est une fierté pour nous», a-t-il expliqué. Rappelant que malgré les difficultés qui plombent le secteur, le Cde pourrait protéger ses emplois et son modèle social, et maintenir son ascendance et son développement si «la préférence accordée aux entreprises étrangères, notamment chinoises, turques, tunisiennes et marocaines, entre autres, était accordée dans certains cas aux sociétés sénégalaises».
L’Etat doit 300 milliards F Cfa aux entreprises du Btp
A les entendre, aujourd’hui, la situation sociale devient explosive. «Avec plus de 2000 salariés, le Cde, qui réalisait un chiffre d’affaires de plus ou moins 50 milliards de francs Cfa en 2017, est aujourd’hui en dessous de 20 milliards», regrette-t-il. Malgré le contexte difficile, les travailleurs saluent la grandeur de leur Direction générale qui est «toujours ouverte au dialogue avec les délégués du personnel pour trouver ensemble des solutions».
ousmane.sow@lequotidien.sn