Comme à son habitude, le Premier ministre Ousmane Sonko a parlé sans mâcher ses mots. Hier, lors du point de presse qu’il a tenu avec des membres de son gouvernement, il a pointé du doigt la gouvernance de Macky Sall et porté des accusations sérieuses sur la gestion de certains ministres et autres personnalités qui ont aidé à gérer les finances publiques. Ces personnalités sont accusées d’avoir maquillé les chiffres qui étaient présentés aux partenaires étrangers du Sénégal, pour faire croire que la situation était plus rose que la réalité ne le démontre.

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Sans chercher à mettre en doute les propos du chef du gouvernement du Sénégal, on peut se demander pourquoi, depuis ce jour, il n’a pas tiré les conséquences de ses affirmations. On sait en effet que les ministres des Finances du Président Sall, qui ont été mis à l’index, ont travaillé avec des gens dont certains ont été «récupérés», et placés à des positions importantes dans l’actuel appareil au pouvoir. On pense bien entendu, d’abord à M. Cheikh Diba, le ministre des Finances et du budget.

Jusqu’au changement de pouvoir, il a été directeur de la Programmation budgétaire. Le directeur du Budget, qui était son patron, est Maguette Niang, frère de Pape Alé Niang. A ce poste, M. Diba avait pour tâche, entre autres, «l’élaboration, en collaboration avec les autres services compétents, de la stratégie pluriannuelle de gestion des finances publiques ainsi que des documents y relatifs ; l’élaboration, en relation avec les services concernés, des projets de lois relatifs à la répartition des ressources et des charges de l’Etat ; le contrôle de la conformité des documents budgétaires de l’Etat ainsi que des autres organismes publics avec les principes et normes admis en matière de gestion axée sur les résultats, la participation aux missions de négociation des accords de prêts ou de dons à conclure avec les partenaires techniques et financiers ; l’étude préalable, en relation avec les services concernés, des projets de conventions à caractère commercial ou financier qui sont proposés à la signature du ministre chargé des Finances par des partenaires publics ou privés…».

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C’est dire que M. Diba a été un élément important de l’Administration financière du Sénégal depuis le temps de Amadou Ba jusqu’à la gestion de Moustapha Ba. Et il n’a pas jugé bon d’alerter sur les dérives ?
De même que ministère de l’Economie qui, à un moment, avait été confié à la sœur de M. Abdourahmane Sarr, Mme Oulimata Sarr. Cette dernière n’a jamais dénoncé la manière dont le programme financier du pays était mené. Au point qu’elle a été récompensée en étant propulsée à la tête de l’Itie, qu’elle occupe encore à ce jour.

Pour donner du crédit à son propos sur la mauvaise gouvernance de nos finances, pourquoi le Premier ministre ne se débarrasse-t-il pas de ceux qui, complices de ces dérives, sont venus se réfugier sous son ombre ?
Et il n’aurait pas dû s’en arrêter là. Le budget du Sénégal, durant tout le règne de Macky Sall, a fait l’objet d’un quitus de l’Assemblée nationale.
Ousmane Sonko, qui a été député pendant 5 ans, a participé à ces débats. Il sait que le vote de la Loi de Règlement budgétaire se fait au Sénégal, après l’approbation dudit budget par la Cour des comptes. Si les chiffres ont été maquillés, il faudrait croire que les magistrats sont soit incompétents, soit complices des tripatouillages de la gouvernance de Macky Sall. Or, nulle part on n’a entendu remettre en cause le travail de cette instance par le gouvernement en place.

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D’ailleurs, ce gouvernement a approuvé, en Conseil des ministres, le projet de loi de Règlement de 2023, qui aurait dû être voté par l’Assemblée, n’eussent été les circonstances.

Pourtant, si l’on en croit le Président Bassirou Diomaye Faye, lors de la décision de dissolution de l’Assemblée nationale, la Cour suprême devrait bientôt corroborer les déclarations des membres du gouvernement sur la tenue de nos comptes. Il a déclaré ce jour-là : «Dès mon installation, j’ai entrepris de faire l’inventaire, comme m’y oblige l’article 1.7 de la loi portant Code de transparence dans la gestion des Finances publiques. Les résultats de l’audit soumis à ce jour à la Cour des comptes pour validation font ressortir une gestion publique empreinte de légèretés qui ont occasionné des dérapages volontairement cachés dans la gestion des finances publiques, avec une évolution incontrôlée de la masse salariale, de la dette et des intérêts de la dette, une non-maîtrise des subventions et un dérapage dans les tirages sur ressources extérieures.»

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Le Quotidien, après cette déclaration du chef de l’Etat, avait cherché à vérifier auprès de la Cour des comptes. Et ce fut pour apprendre qu’au moment où il le disait, le Président n’avait pas fait déposer ses audits auprès de la Cour des comptes. Ce n’est que quelques jours plus tard, après la publication du journal, que la Présidence a fait parvenir ses documents à la Cour, qui n’a pas encore fini de les parcourir.
Il faudrait que le gouvernement accepte à ce niveau que ces affirmations posent également un problème de crédibilité pour des observateurs indépendants.
Par Mohamed GUEYE – mgueye@lequotidien.sn