Fluctuations : Péage, la voie de la polémique
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Parmi les sujets polémiques à Dakar actuellement, l’autoroute à péage occupe une bonne place. Depuis l’accident qui a entraîné la mort d’un artiste, les critiques et invectives n’arrêtent pas. Et la sortie de Bara Tall, patron de l’entreprise de Btp Jean Lefebvre Sénégal, a fortement contribué à alimenter les débats. Beaucoup se sont focalisés sur le contrat dont ils demandent la publication. Pourtant, des personnes bien au fait de l’affaire ont appelé Le Quotidien pour indiquer que le contrat de Ppp, liant l’Etat et la société Eiffage sur la construction et la gestion de l’autoroute à péage en Bot, avait été signé le 2 juillet 2009, et publié dans le Journal officiel (Jo) du samedi 5 septembre 2009. A l’époque, il n’avait pas soulevé autant de vagues. Et c’est dire aussi qu’il n’est pas secret, si les archives sont bien tenues. Et il en ressort que, contrairement à ce que M. Tall affirme aujourd’hui, à l’époque de la réalisation de l’ouvrage, quand il recevait sa part du «tong tong», avec le tronçon Pompiers-Patte d’Oie de l’autoroute à péage, il n’était pas le moins-disant.
Il affirme avoir réalisé le premier tronçon de l’ouvrage à 22 milliards de francs Cfa. Pourtant, des documents officiels indiquent que c’est plus 31,3 milliards qui ont été dépensés pour 7 km avec 1 échangeur, deux ponts et 6 passerelles. En termes de coût, cela fait 4,47 milliards le kilomètre. A le suivre dans son interview avec Pape Alé Niang, et les chiffres qu’il a présentés, le Sénégal aurait dû économiser 9,2 milliards de francs Cfa sur ce tronçon par rapport à ce qu’il dit avoir perçu. Dans ces conditions, comment pourrait-il convaincre les gens que les 75 km séparant Dakar de Thiès pourraient, avec lui, coûter 120 milliards ? Par ailleurs, même sur les comparaisons qu’il s’est permis sur d’autres ouvrages de péage dans d’autres pays, on ne peut qu’être assez dubitatif. Mais le débat sur l’autoroute à péage va au-delà de la sortie de Bara Tall et pose en filigrane la question des coûts des infrastructures dans ce pays et leur amortissement.
Décisions politiques
Au moins, l’entrepreneur a raison de rappeler que la responsabilité de l’Etat est engagée fortement dans les choix qui s’opèrent. Quand les pouvoirs publics prennent la décision d’ériger une infrastructure et choisissent le mode de financement qui leur semble le plus approprié, ils savent comment ils vont trouver l’argent nécessaire et ce que le montant pourrait accomplir. Si d’aventure le Sénégal n’est pas satisfait des prestations du concessionnaire de l’autoroute, rien ne nous empêche de dénoncer ce contrat. On a eu à le faire lorsqu’il s’était agi de remettre en cause le contrat du consortium Elyo-Hydro Québec à l’arrivée de Wade au pouvoir. Malgré les cris d’orfraie qui s’en sont suivis, le Président de l’époque avait persisté et il ne doit plus y avoir beaucoup de gens pour lui reprocher aujourd’hui sa décision.
Mais les années Diouf ont connu une telle disette en termes de réalisations d’infrastructures que le Sénégal n’a jamais pu avoir un référentiel de prix en ce domaine. Il n’était pas facile pour les pouvoirs publics de négocier en position de force, n’ayant pas de base sur laquelle partir. Sans compter par ailleurs que l’élément humain intervient fortement dans le domaine des Btp, un secteur connu pour son caractère fortement «corruptogène», sous toutes les latitudes. Donc, si les prix ont été gonflés sur les travaux et les taux de l’autoroute à péage, ils l’ont également été dans tous les autres travaux. Que ne nous parle Bara Tall des 18 milliards dépensés pour le tunnel de Soumbédioune, avec deux avenants qui ont fait exploser les coûts, ou bien des 22 milliards de l’élargissement de la Vdn sur son premier tronçon ? Leur financement a-t-il été transparent ?
De même, s’agissant du tarif du péage, la volonté politique ne manque pas. On sait que pour chaque 1 000 francs payés, l’Etat encaisse au minimum 310 francs, Tva non comprise. Si l’on réduit le tarif, comme cela se négocie actuellement, il est certain que le concessionnaire demandera à l’Etat de rogner aussi sur ses marges. Sans compter, on l’a déjà dit, qu’à un certain niveau de prix, le niveau de confort de circulation sur le péage disparaît parce que les bouchons de la route nationale se reporteront sur cette voie. Et les accidents ne seront pas pour autant réduits, tout au contraire.
mgueye@lequotidien.sn