De lourdes menaces pèsent sur les activités agricoles et pastorales de milliers d’agro-pasteurs, à cause de ce conflit qui implique sept villages des communes de Sébikotane, Diamnadio et Keur Mousseu. C’est du moins l’avis du Secrétaire général de l’Association And Défar Keur Mousseu, Karim Sylla, qui dénonce la mafia foncière en cours dans sa commune avec «la complicité des autorités».

En dépit de l’existence de textes de loi, la gestion durable du foncier demeure une problématique cruciale pour la plupart des communes du Sénégal. Parmi elles figurent celles situées dans le triangle Sébikotane-Diamnadio-Keur Mousseu, où les grands projets de l’Etat sont mis en œuvre, augmentant la pression sur le foncier, avec l’installation de plus en plus de promoteurs immobiliers, de pôles économiques, industriels… Dans cette zone où les populations ne vivent presque que de l’agriculture, les exploitations familiales déjà impactées par la croissance démographique et le changement climatique perdent aussi progressivement leur patrimoine foncier.
A Keur Mousseu, ce combat pour la préservation du foncier est porté par les populations en collaboration avec Enda Pronat avec le soutien financier de Heks Eper. Dans ce cadre, un atelier de partage sur les litiges fonciers et d’identification d’actions concrètes d’accompagnement des victimes d’accaparement des ressources naturelles a regroupé hier, une cinquantaine de participants. Une occasion pour le Secrétaire général de l’Association And Défar Keur Mousseu, Karim Sylla, de dénoncer jusqu’à la dernière énergie, la mafia foncière en cours dans sa commune, critiquant «la complicité des autorités». Il dit : «Il y a d’abord le litige foncier opposant les populations à Filfili. Aujourd’hui, nous menons une lutte acharnée pour récupérer nos terres. Parce que Filfili dit détenir plus de 900 ha de nos terres alors qu’aucun document ne le prouve.»
M. Sylla se dit surtout choqué par les lourdes menaces qui pèsent sur les activités agricoles et pastorales de milliers d’agro-pasteurs à cause de ce conflit qui implique sept villages des communes de Sébikotane, Diamnadio et Keur Mousseu. En effet, ce litige foncier, opposant la famille Filfili aux populations de ces trois communes, date de plus d’un demi-siècle. La famille s’est installée dans la zone en 1956, après avoir racheté des terres à un citoyen français. Elle a ensuite créé l’entreprise Safina qui exploite aujourd’hui environ 300 hectares en cultures maraîchères et fruitières dans la zone.
Depuis son implantation, Filfili revendique plus de 900 hectares. Cette famille affirme posséder un titre foncier (Tf) datant de 1956, que les populations contestent. Et depuis 1961, plusieurs procès ont opposé les populations à Filfili, mais la preuve de l’existence du Tf n’a jamais été fournie. Et selon M. Sylla, les surfaces revendiquées par Filfili sont illégitimes car les populations n’ont que ces terres, on ne peut les leur retirer à des fins agro-industrielles, alors que c’est leur seul moyen d’existence et leur raison de vivre. Malgré cela, les Filfili continuent «de morceler ces terres à valeur de 500 millions de francs Cfa les deux ha», et des villages risquent d’être évacués.
En plus de ce conflit, Karim Sylla renseigne que «les moines de Keur Mousseu ont accaparé aussi 200 ha sur nos terres dont ils se réclament propriétaires». Une situation qui pousse Assane Sarr, membre du Cadre d’action et de réflexion sur le foncier au Sénégal (Crafs), à demander à l’Etat de protéger les Niayes, une zone agricole hautement stratégique dans le développement de l’activité maraîchère et horticole du Sénégal contre tous spoliateurs fonciers. Et d’avertir : «Si nous ne limitons pas cette pression foncière sur les Niayes, dans quelques années les populations ne pourront plus pratiquer l’agriculture dans cette zone spécifique à vocation agricole.»
Par Ndèye Fatou NIANG(Correspondante)
nfniang@lequotidien.sn