Créée en 1994, la Fondation Orient-Occident est une association de droit marocain à but non lucratif et reconnue d’utilité publique. Connue pour ses services en faveur des personnes vulnérables et/ou démunies, l’organisation s’est intéressée aux difficultés des jeunes des quartiers défavorisés et à la promotion de l’employabilité en mettant en place des structures de formation socio-éducative et professionnelle. Dans les années 2000, elle a connu un déclic en élargissant sa programmation humanitaire pour s’adresser à la fois aux Marocains et aux non-Marocains, en particulier aux migrants et aux réfugiés. Aujourd’hui, en plus d’être un espace d’inclusion qui promeut l’interculturalité, la fondation est un lieu de refuge pour migrants et réfugiés.

Par Pape Moussa DIALLO (de retour de Rabat) – Nichée au quartier J5 de Rabat, la Fondation Orient-Occident est à l’image de l’un des centres d’accueil de migrants d’Italie : la Villa Pettini, située à Saint Giovanni Val d’Arno, Montevarchi (Arezzo).

Initialement fondée pour l’accompagnement et l’encadrement de personnes vulnérables et/ou démunies, l’organisation s’est intéressée aux difficultés des jeunes des quartiers défavorisés et à la promotion de l’employabilité en mettant en place des structures de formation socio-éducative et professionnelle. Depuis 2004, elle a élargi son offre et ses activités au profit des Marocains et des non-Marocains, notamment les migrants et réfugiés.

Dans ce lieu coloré, on est accueilli par Noureddine Dadoune, assistant social. Il explique que le lieu «était à l’origine dédié aux jeunes du quartier. C’est à partir de 2004 que l’endroit a commencé à accueillir des migrants, et en 2008, il a été ouvert aux réfugiés et demandeurs d’asile». Notre guide de poursuivre que c’est un «espace ouvert, de rencontres, interculturel, d’accueil et d’éducation». En plus de l’accueil, la fondation propose une prise en charge psychosociale des réfugiés et demandeurs d’asile. «Elle dispose de huit assistants et de 14 agents communautaires qui sont des migrants, et offre une assistance juridique avec la disponibilité d’un avocat», renchérit M. Dadoune.

Reportage – Migrants subsahariens à Rabat : En attendant l’eldorado

Le centre dispose en outre de cinq logements de protection d’une capacité d’accueil de 8 personnes pour chaque logement. «La fondation promeut le dialogue et l’intégration à travers des activités ludiques et pédagogiques», a laissé entendre notre guide. Une visite guidée a permis de se rendre compte que la fondation dispose d’un espace d’éducation, de développement d’activités artistiques, d’une maison de couture du monde, d’une restauration et d’une crèche gratuite. Les populations étrangères accueillies par la fondation sont des travailleurs domestiques, des travailleurs du Btp ou encore des centres d’appel.
Ivoiriens, Guinéens, Soudanais, Ethiopiens, Congolais et Erythréens sont les communautés les plus présentes.

Trouvé sur place en train de faire de la peinture, K. B. est un peintre d’origine congolaise qui a fui son pays pour échapper à la mort. Il est réfugié au Maroc à Rabat. Bien qu’il bénéficie du statut de réfugié au Maroc, cela ne représente rien car, dit-il, «être réfugié au Maroc ne veut rien dire». Ce dernier de poursuivre : «En fait, votre statut de réfugié, au lieu de vous permettre de vous mouvoir et d’avoir certaines libertés, comme celle d’exercer un travail, est un véritable blocage. Vous ne pouvez rien faire et les policiers ne distinguent pas qui est réfugié et qui ne l’est pas. Ils mettent tout le monde dans le même sac.» «Je suis peintre, mais je ne peux pas exposer à Rabat, ni voyager au Sénégal par exemple pour participer à des vernissages. Je suis bloqué dans ce pays», s’offusque-t-il.

Par ailleurs, il faut rappeler que la Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants de 2016 a réaffirmé que la Convention relative au statut des réfugiés de 1951 et le Protocole de 1967 s’y rapportant constituent la pierre angulaire du régime international de protection des réfugiés. Tout en reconnaissant l’importance de l’application intégrale et rigoureuse de ces textes par les Etats parties, ainsi que les valeurs qui y sont consacrées.

Dans la Revue des droits de l’Homme 24/2023 intitulée «La fabrique d’un droit d’asile au Maroc. Circulation des normes, tâtonnements juridiques et atermoiements politiques», la chercheuse Delphine Perrin informe qu’en septembre 2013, le Maroc a lancé le chantier d’une «Nouvelle politique d’immigration et d’asile» (Npia), à l’initiative du Roi. Ce dernier venait d’approuver le rapport du Conseil national des droits de l’Homme (Cndh) qui recommandait «une politique d’asile et d’immigration radicalement nouvelle».
Tandis que la mise en œuvre d’une procédure d’asile débute rapidement avec la réouverture du Bureau des réfugiés et apatrides (Bra) et la mise en place d’une commission ad hoc de régularisation des réfugiés statutaires du Hcr, une commission juridique avait entamé le travail législatif en préparant un avant-projet de loi.

En 2014, une Stratégie nationale d’immigration et d’asile (Snia) est par ailleurs définie pour préparer l’accès aux droits pour les étrangers régularisés et pour les réfugiés. Le 9 décembre 2015, le projet de loi sur l’asile 26-14 est programmé par le Secrétariat général du gouvernement (Sgg) pour passer en Conseil de gouvernement, avant d’en être retiré le jour-même. Quelques mois plus tôt, le Roi avait affirmé que le Maroc «ne sera (it) jamais une terre d’asile». Par ailleurs, le Maroc est vu, en 2013-2014, comme un modèle, une source d’inspiration dans la région nord-africaine, et même dans l’ensemble des pays «Mena» dépourvus de cadre ou de politique d’asile. Peut-on lire dans la Revue des droits de l’homme 24/2023.