Le discours inaugural du dirigeant nigérien hier au Forum de Dakar sur la paix et la sécurité, s’est nettement détaché de ceux de ses collègues par son caractère pédagogique pour les gens qui ne connaissent, ou ne comprennent pas les ressorts de l’irrédentisme jihadiste dans le Sahel.Par M. G –

Parmi les nombreux discours prononcés hier lors de l’ouverture du 7ème Forum de Dakar sur la Paix et la sécurité en Afrique, celui du Président nigérien, Mohamed Bazoum, a marqué fortement les esprits. Sortant totalement de l’ordinaire, le dirigeant nigérien a donné à ses pairs et aux participants, une leçon sur les raisons de l’extension de l’irrédentisme jihadiste dans les pays du Sahel. C’était aussi pour lui, l’occasion de rappeler qu’il n’a pas oublié grand-chose de la littérature révolutionnaire qui nourrissait ses nuits de jeune étudiant africain en France, à la sève militante du Che et autres Regis Debray.
Parlant de son «expérience personnelle», il a mis en parallèle le terrorisme aujourd’hui dans le Sahel, aux mouvements de guerilla en Amérique latine et dans certains pays d’Afrique noire, dans les années 1960-70. Pour déclarer : «Lorsque je lis les fiches des renseignements qui se rapportent au mode d’organisation de ces mouvements (jihadistes. Ndlr), j’y découvre une description de la réalité qui me rappelle mes lectures de Régis Debray et de Che Guevara.» Il s’interroge : «Les bases terroristes sont organisées sur le modèle des focos, tels que décrits par Régis Debray. Ce modèle, on s’en souvient, n’avait pas fait fortune dans les guerres des mouvements de libération nationale en Afrique, ni à l’occasion des guerres de guérilla tentées au Cameroun, en Rdc et au Niger au début des années 60. Il est pour le moins étonnant que ce modèle de guerre réapparaisse plus de 50 années plus tard et ait un succès technique sans commune mesure avec ce qui s’était passé à l’époque. Cela l’est d’autant plus que les organisations terroristes en question bénéficient d’un encadrement intellectuel de faible consistance, tout le contraire des expériences des années 60 où les mouvements révolutionnaires étaient animés par de vrais cadres politiques, d’un niveau appréciable. Comment comprendre un tel phénomène ? En quoi les deux contextes sont-ils si dissemblables pour donner lieu à un tel décalage ?»
La différence, explique M. Bazoum, tient entre autres, aux avancées de la technologie, qui ont fait que les groupes rebelles de cette partie du monde, ont accès à des armements et instruments de communication qui, pendant longtemps, étaient l’apanage des forces étatiques. Il y a également leurs déplacements, facilités par des motos bien adaptés à un paysage rugueux, qui facilite la mobilité des groupes légers face à des troupes militaires lourdement équipées de matériel encombrant.
Il y a également la facilité à acquérir des armements sophistiqués, du fait de la proximité avec la Libye en déliquescence, l’exploitation des richesses minières des zones occupées pour financer leur combat également.
Néanmoins, a relevé le dirigeant nigérien, le talon d’Achille de ces combattants est le manque de fondement idéologique pour leur combat. On ne peut voir de projet de société cohérent dans leur lutte. Ce qui assimile plus leur guérilla à du grand banditisme qu’à une lutte de libération.
mgueye@lequotidien.sn