Au Fouta, une grande ou une belle maison est synonyme de respect. C’est pourquoi, au premier constat, on a l’impression que les gens travaillent pour l’habitat, malgré la cherté du ciment et du fer, et les rigueurs climatiques. Ainsi, avoir une belle maison est la preuve d’une ascension sociale. Mais avec les conditions climatiques faisant régner la chaleur durant 8 à 9 mois sur 12, ces belles habitations, qui coûtent beaucoup de millions, n’accueillent presque pas leurs habitants la nuit pour le sommeil. En tout cas, les bâtiments en banco, plus conformes aux réalités climatiques de la région, ne font plus partie du décor des villages.

Au mois de mai dernier, lors d’un baptême à Thilogne, alors que les discussions allaient bon train dans la cour d’une grande maison bien construite, un homme âgé d’une cinquantaine d’années balance : «Regarde cette bâtisse, son propriétaire y a investi des millions, mais à l’arrivée, sa famille et lui passent la nuit dans cette cour.» Et les belles et grandes maisons font partie du décor du Fouta. Jusqu’aux années 2000, c’étaient les émigrés qui concurrençaient en construction de belles villas. Depuis quelques années, ils ont été rejoints dans la course par les politiciens, les fonctionnaires et d’autres travailleurs salariés. Ceux qui viennent de l’intérieur du pays (du Sud ou du Centre) s’émerveillent des belles habitations, mais ils sont aussi stupéfaits de constater qu’elles ne servent qu’à garder des bagages. Car avec la chaleur sur une durée de 8 à 9 mois, la journée, les populations sont dans les hangars, et la nuit, la règle est de dormir à la belle étoile. Comme des fours, les bâtiments sont insupportables. «Les gens mettent des climatisations, mais cela ne sert à rien parfois. Ils se trompent, parce que cet habitat n’est pas adapté à la zone. Et les gens doivent reboiser, sinon dans quelques années, ce sera invivable», regrette un fonctionnaire affecté dans la zone, il y a quelques mois. C’est le spectre du réfugié climatique qu’il agite, car les périodes de chaleur ne cessent de s’étirer : deux mois de fraîcheur, deux mois de saison des pluies.

Passer la nuit à la belle étoile : une obligation pour bien dormir
Les maisons à terrasse ou à étage, pour la plupart bien carrelées, voient leurs habitants les fuir dès le coucher du soleil, pour n’y retourner qu’au petit matin et pour quelques heures aussi. A part la période novembre à janvier où les chambres sont occupées jour et nuit le temps que dure la fraîcheur, les gens dorment à la belle étoile. Ainsi, de février à octobre, le rythme est le même : après la prière du crépuscule (timis), les constructions dans les cours des maisons, appelées communément «dindéré», sont arrosées pour chasser la chaleur de la journée et les «diwré» (lits en bâtons) sont aménagés pour recevoir ses abonnés de la nuit, mais d’autres préfèrent dormir sur les terrasses. Pour des maisons qui ont coûté entre 7 et 15 millions et des habitants qui en font usage que deux ou trois mois dans l’année, c’est un investissement surtout pour montrer son ascension sociale, car il est devenu une coutume que le convive est très regardant sur la qualité de l’habitat de son hôte. Depuis, les fonctionnaires et les politiciens du Fouta ont suivi les émigrés sur ce terrain pour éviter des quolibets du genre : «o maahani wouro maabé» (il n’a pas construit une maison dans sa localité en pulaar). Cette remarque fait peur aux Foutankés, obligés de s’engager sur cette voie. Alors que ces bâtiments ne sont pas adaptés au climat de la zone.

Disparition du banco, achat de clim en masse
Dans le Fouta, ils sont conjugués au passé alors qu’ils offrent un cadre plus agréable et aussi une certaine fraîcheur. Depuis quelques années, quelques ingénieurs essaient de les moderniser pour supporter la chaleur. Mais, ils ont laissé une place à des maisons à terrasse et étage qui voient leurs occupants y passer la nuit au maximum que trois mois sur douze. Des millions investis pour une contemplation ou pour l’orgueil personnel ?