Débarrassé des chaînes de Matignon et plus populaire que jamais, Edouard Philippe «s’organise» pour peser, entretenant une fébrilité politique et médiatique sur ses ambitions à un an de la Présidentielle et à l’heure où sort un livre-récit sur son expérience de Premier ministre.
Sans autre attache que sa ville du Havre, sans autre patron que lui-même, Edouard Philippe suit le chemin tracé devant la caméra de son «pote» documentariste Laurent Cibien il y a cinq ans : «Quel que soit le déterminisme qui s’impose à toi, familial, social, politique… il y a fondamentalement une sphère de liberté et c’est celle-là qu’il faut développer.»
Sa liberté donc lui a été rendue le 3 juillet 2020, en quittant après trois ans la rue de Varenne, et l’ancien Premier ministre entend en jouir comme bon lui semble, résume son entourage.
Après 9 mois d’un silence «qu’il s’est imposé pour garder une saine distance par rapport à Matignon», selon un ami, M. Philippe revient ainsi sur la scène nationale en publiant Impressions et lignes claires (ed. Lattes).
Cet «essai, en forme de récit qui tourne autour de l’expérience vécue à Matignon», reviendra sur les «principales crises traversées», et la complexité des décisions qu’elles engendrent, explique à l’Afp son co-auteur, l’euro-député et ancien conseiller politique Gilles Boyer.
Si l’ouvrage n’est «pas programmatique», il revient cependant sur les principes qui guident M. Philippe, comme «une grande attention portée à l’utilisation de l’argent public, le respect de l’autorité de l’Etat, la valorisation du travail», ajoute M. Boyer.
Des marqueurs qui ont permis à M. Macron de rallier une frange de l’électorat de droite, restée aussi fidèle à Edouard Philippe qui caracole en tête de tous les baromètres.
«Il a quitté Matignon avec un état de grâce, une popularité au zénith. Il est majoritaire quasiment dans tous les segments de l’opinion», constate auprès de l’Afp Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’Ifop, évoquant un «regret Edouard Philippe» chez les Français. «Après, la popularité ça ne sert à rien si on ne l’utilise pas», glisse-t-il encore.
Un capital «très intéressant», mais «aussi solide qu’une volute de fumée», balaye M. Philippe dans un entretien au Point. Ce qui ne l’empêche pas de s’activer en coulisse pour lui trouver un débouché. «Edou­ard est quelqu’un d’organisé. Et il y a une demande de Edouard Philippe auprès d’une catégorie d’élus. Faut-il la laisser s’évaporer ou la satisfaire», s’interroge M. Boyer.

«Pas une écurie
présidentielle»
Principal réseau pour M. Philippe, celui de «La Répu­blique des maires», structuré autour de l’édile d’Angers Chris­tophe Béchu et qui réunit environ 150 élus du centre et de droite modérée, parmi lesquels plusieurs proches historiques du maire du Havre. «Nous ne sommes pas une écurie présidentielle», prévient M. Béchu. «On est un club, un groupe d’élus qui essayent de réfléchir à des solutions au lieu d’être dans l’opposition stérile», précise-t-il.
M. Philippe soigne aussi toute une galaxie de contacts, à coups de sms enjôleurs à ses anciens ministres, rencontres avec des parlementaires de tous bords, y compris de son ancienne famille de droite (Larcher, Retailleau…), ou encore déplacements sur le terrain chez d’autres maires.
Cet activisme ne manque donc pas d’alimenter les soupçons du côté de la «macronie» historique, y compris les plus fantasmatiques : M. Philippe pourrait-il aller jusqu’à se présenter face à M. Macron en 2022 ? Serait-il en train de créer sa boutique pour marchander une coalition ?
Cette fébrilité trahit aussi la crispation entre les cercles de MM. Macron et Philippe, qui a grandi ces derniers mois, sur fond de rumeurs de déloyauté ou sentiment de manque de considération. A cela s’ajoute la chronique médiatique de certaines sorties de M. Philippe, im­médiatement disséquées à l’aune de ses ambitions supposées.
Le Point