La voix claire et forte, un débit de mitraillette, la procureure Vanessa Perrée décoche les flèches et démolit la défense de Nicolas Sarkozy. L’ancien Président expliquait encore mardi qu’il n’était pas au courant de l’envolée des dépenses de sa campagne et que ce n’était pas à lui de s’en occuper.
«Le candidat est le seul responsable de son compte de campagne, réagit la procureure. Ce n’est pas moi qui le dis, mais la loi.» Puis elle déroule : prétendre que sa signature n’engageait rien alors qu’il signait chaque jour des décrets impliquant la République, «c’est abyssal».
Le ministère public met ensuite le doigt là où le bât blesse, sur les fameuses notes d’alerte que les experts-comptables assurent avoir transmises à Nicolas Sarkozy pour l’informer de l’envolée des dépenses. Lui a d’abord dit qu’il ne les avait pas lues, puis finalement qu’il en avait tenu compte, «tout cela est très changeant», souligne la procureure qui en arrive à sa conclusion : en dépassant le plafond autorisé pour une campagne présidentielle, «Nicolas Sarkozy s’est éloigné du chemin de l’Etat de droit». Elle demande à son encontre un an de prison, dont six mois ferme.
Entre 18 mois et 4 ans de prison avec sursis pour les 13 co-prévenus
Des peines allant de dix-huit mois à quatre ans de prison avec sursis ont par ailleurs été requis à l’encontre des 13 co-prévenus jugés aux côtés de l’ancien Président pour les dépenses excessives de sa campagne présidentielle. La peine la plus lourde a été requise à l’encontre de Eric Cesari, ex-directeur général de l’Ump, et de Guillaume Lambert, qui était le directeur de la campagne en 2012.
Les procureurs ont demandé trois ans de prison avec sursis et 50 mille euros d’amende pour l’ex-directeur adjoint de la campagne, Jérôme Lavrilleux, seul à avoir reconnu la fraude. Contre les trois ex-cadres de Bygmalion, la société en charge des meetings de Nicolas Sarkozy, qui ont admis avoir accepté la mise en place du système de fausses factures, dix-huit mois de prison avec sursis ont été requis.
Révélé deux ans après la défaite de Nicolas Sarkozy, le scandale avait entraîné des déflagrations en série à droite. L’enquête a révélé que le prix réel des 44 meetings organisés par l’agence événementielle Bygmalion avait été drastiquement réduit – 80% des factures ont disparu – et le reste réglé par l’Ump au nom de conventions fictives du parti.
L’enquête «n’a pas établi» que Nicolas Sarkozy l’aurait «ordonné», qu’il y aurait «participé», ni même qu’il en aurait été informé, selon l’accusation. Par contre, il en a «incontestablement» bénéficié, disposant ainsi de «moyens bien supérieurs à ceux que la loi autorisait». Le plafond légal a été dépassé de 22 millions d’euros. Une thèse vigoureusement contestée par le chef de l’Etat pendant ses quatre heures d’interrogatoire.
Début mars, Nicolas Sarkozy était devenu le premier ex-Président depuis 1958 à être condamné à de la prison ferme : il s’était vu infliger trois ans d’emprisonnement, dont deux avec sursis, pour corruption et trafic d’influence, et avait fait appel.
Rfi