Le dossier du présumé financement libyen s’alourdit pour Claude Guéant : trois ans après une première mise en examen, les juges soupçonnent désormais l’ex-directeur de la campagne sarkozyste en 2007 d’être impliqué dans un possible «pacte de corruption» entre le régime libyen de Kadhafi et l’ancien Président.

Déjà poursuivi depuis 2015 pour «blanchiment de fraude fiscale en bande organisée», l’ancien bras droit de Nicolas Sarkozy est désormais visé par une liste de nouvelles charges qu’il conteste formellement : «corruption passive», «complicité et recel de ce délit», «recel de détournements de fonds publics», «complicité de financement illégal de campagne électorale» et «blanchiment de corruption passive en bande organisée».
Les juges d’instruction parisiens lui ont signifié ces nouvelles mises en examen le 11 septembre lors de la reprise de son audition qui avait été interrompue le 5 juin, selon des sources judiciaires et proches du dossier.
Mardi dernier, soumis à une «cinquantaine de questions», Claude Guéant a fait «valoir son droit au silence», invoquant un recours qui n’a pas encore été tranché par la Cour d’appel, a déclaré à l’Afp son avocat Philippe Bouchez El Ghozi. Déposé en juillet, il mettait en cause la procédure et la «faisabilité de ces nouvelles mises en examen, juridiquement contestables», a expliqué l’avocat qui va déposer un nouveau recours pour demander leur annulation.
Jusqu’ici, celui qui fut secrétaire général de l’Elysée et ministre de l’Intérieur sous la Présidence Sarkozy était mis en cause pour un virement suspect de 500 mille euros, arrivé en mars 2008 sur son compte, qu’il avait justifié par la vente de deux tableaux flamands, sans convaincre les enquêteurs.
Les juges soupçonnent désormais Claude Guéant d’avoir participé «à des discussions» avec des collaborateurs de Kadhafi «en vue d’organiser le financement par le régime libyen de la campagne» sarkozyste et d’avoir réceptionné «des fonds versés» par ces autorités «dans le cadre d’un pacte de corruption passé avec Nicolas Sarkozy», d’après la conclusion de l’interrogatoire dont a eu connaissance l’Afp. Il lui est également reproché d’avoir organisé «l’utilisation des fonds dans le cadre de ses activités de directeur de campagne».

«Interventions»
L’étau judiciaire contre ce fidèle de Nicolas Sarkozy s’est resserré après la mise en examen en mars de l’ancien chef de l’Etat pour «corruption passive», «recel de détournements de fonds publics libyens» et «financement illégal de campagne électorale», puis celle de Eric Woerth en mai pour «complicité» de ce financement en tant que trésorier de la campagne.
Dans ce volet, le trio de magistrats mené par Serge Tournaire soupçonne un lien entre un possible financement libyen de la campagne présidentielle et la circulation d’espèces au sein du camp Sarkozy, relevée dans un rapport de police.
Depuis 2013, les juges tentent de vérifier les accusations portées par d’anciens dignitaires du régime de Mouammar Kadhafi et par l’intermédiaire franco-libanais Ziad Takieddine, décrit comme un acteur clé du rapprochement franco-libyen.
En novembre 2016, M. Takieddine, lui-même poursuivi, avait affirmé avoir remis, entre fin 2006 et début 2007, cinq millions d’euros d’argent libyen en liquide à M. Sarkozy, à l’époque ministre de l’Intérieur, et à Claude Guéant, son directeur de Cabinet.
«Claude Guéant réitère les dénégations les plus fermes à ces accusations : il n’a jamais vu ni entendu parler du moindre centime d’argent libyen», a affirmé à l’Afp son avocat.
Les enquêteurs ont en revanche identifié des opérations suspectes qui auraient pu masquer d’éventuels détournements de fonds. Notamment ce virement de 500 mille euros découvert en 2013 sur un compte de Claude Guéant derrière lequel ils soupçonnent un montage complexe organisé par un intermédiaire proche de la droite, Alexandre Djouhri.
Or, les juges suspectent Claude Guéant d’avoir bénéficié de cette somme pour des «interventions en faveur de Alexandre Djouhri (…) auprès de la direction d’Eads» (devenu Airbus Group, Ndlr), dans le cadre de négociations sur la vente d’avions à la Libye, mais aussi «auprès du ministère du Budget» pour une dette fiscale d’une société de Djouhri. Arrêté à Londres en janvier, ce protagoniste-clé est en attente de son extradition vers la France.
Ces dernières années, les ennuis judiciaires se sont accumulés pour l’ex-premier flic de France : condamné en appel en 2017 dans le procès des primes en liquide au ministère de l’Intérieur, il est mis en examen dans l’affaire des sondages de l’Elysée. En mai, il a été placé en garde à vue dans l’affaire du «Kazakhgate».
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