Depuis 20 ans, ce festival campé dans un village français accueille les poids lourds de la musique traditionnelle africaine. Et s’affranchit des têtes d’affiche plébiscitées par les grands rendez-vous de l’été.
Ici, pas de stars de la musique afro-urbaine habituées aux gros festivals. Mais plutôt des institutions de la musique traditionnelle ouest-africaine. En vingt ans d’existence, la manifestation a vu défiler Salif Keïta, Femi Kuti, Alpha Blondy, Fatoumata Diawara, Youssou Ndour, Rokia Traoré, Angélique Kidjo ou encore Touré Kunda. «Les festivals mainstream ont tous tendance à faire venir les mêmes artistes au même moment. Je ne programme pas en fonction de l’actualité, mais selon des affinités musicales», lance Jacq-André Nguegan, chargé de la programmation d’Africajarc depuis trois ans. Le temps d’un long week-end de quatre jours – l’édition 2019 se tiendra du 18 au 21 juillet – entre 15 mille et 20 mille personnes font vivre le petit village de Cajarc, 1 000 habitants, situé sur les rives du Lot.
Le plus africain des villages français
L’occasion pour le public «fidèle et curieux» de découvrir le répertoire mandingue, la rumba congolaise, l’afrobeat ou encore les contes déversés dans les charmantes ruelles de la cité médiévale. Pour autant, l’événement ne fait pas l’impasse sur les découvertes contemporaines. «Nous voulons montrer que la musique africaine n’est pas figée, en mettant un coup de projecteur sur les sonorités d’hier, d’aujourd’hui et de demain», nuance le programmateur. Preuve, l’édition 2018 recevait de jeunes artistes montants comme les Soudanaises installées à Brooklyn, Alsarah & The Nubatones, et leur pop est-africaine mâtinée de notes de oud. Tandis que cette année, la manifestation accueillera les Zimbabwéens de Mokoomba et leur mélange explosif d’afrobeat et de rock percussif typique de leur région.
Une invitation aux cultures d’Afrique
A Africajarc, s’il y a bien un invité spécial, c’est l’instrument. «On souhaite montrer que les instruments sont toujours vivants, qu’ils ne sont pas limités à la musique traditionnelle et qu’ils peuvent totalement se greffer aux genres dits ‘’fusion’’», détaille celui qui fera se côtoyer la kora du Malien Mamadou Diabaté, le dikanza de l’Angolais Bonga, le n’goni de Abou Diarra, ou encore les instruments du terroir nord-africain du groupe Gnawa Diffusion. L’une des ambitions du festival est de représenter les musiques africaines dans toute leur diversité. Aussi, du Maghreb à l’Afrique subsaharienne, en passant par l’Afrique lusophone – avec notamment un hommage cette année à Cesaria Evora – une belle cartographie musicale du continent sera donnée à voir. «Sur les vingt concerts programmés, on essaie de proposer une formule équilibrée aussi bien en termes de genres que de zones géographiques», souligne le Camerounais d’origine.
Malgré un budget «ridicule, comparé aux festivals de world music hexagonaux», Africajarc affiche une étonnante longévité qui tient à l’énergie et au professionnalisme d’une équipe majoritairement bénévole. «En deux décennies, nous avons gagné la confiance et le respect des producteurs, confirme Jacq-André Nguegan. Les démarches sont parfois difficiles, mais nous tenons», complète le passionné qui aura mis une année à démarcher les musiciens de Gnawa Diffusion. «Les événements en Algérie nous ont rattrapés. Mais le groupe porte un message militant, de paix et de liberté. Il était donc important qu’on les entende.» Un moteur qui anime l’ensemble de cette manifestation pluridisciplinaire à travers la musique, mais aussi la littérature et le cinéma.
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