11 filles et 19 garçons des lycées Jules Sagna, Amary Ndack Seck, soit une trentaine d’élèves en classe de Seconde, pour la plupart, après avoir été arrêtés, placés en garde à vue et auditionnés 48 heures durant au Commissariat du 1er arrondissement de Thiès, incriminés dans le dossier très sensible dit des fuites des épreuves de composition du troisième trimestre dans les matières d’histoire-géographie, de mathématiques et d’anglais, ont finalement été déférés au Parquet de Thiès, ce vendredi 20 juin 2025 vers 12h 30mn, avant d’être libérés dans l’après-midi d’hier. Par Cheikh CAMARA – 

Depuis quelques jours, l’Académie de Thiès est secouée par des fuites d’épreuves d’histoire-géographie, de maths et d’anglais des lycées Jules Sagna et Amary Ndack Seck. Les élèves mis en cause, appréhendés entre mardi et mercredi derniers, ont eu droit à un soutien considérable de leurs camarades et parents qui se sont fortement mobilisés durant ces dernières 48 heures pour exiger leur libération. Dans la ville, certaines rumeurs font état de bonnes pistes qui auraient été cernées après le bouclage des auditions. L’origine et la responsabilité des fuites étant toujours indéterminées, aucun membre du corps enseignant (professeurs ou personnel administratif) n’a encore été interpellé jusqu’ici. Jeudi, les cours ont été perturbés dans le moyen-secondaire par les élèves du Lycée Jules Sagna qui ont délogé leurs camarades d’autres établissements pour exiger la libération des mis en cause. Cette affaire de fuites d’épreuves de composition, qui défraie la chronique depuis un certain temps dans la ville aux-deux-gares, a été constatée et décriée par des professeurs du Lycée Jules Sagna.
L’administration de l’établissement avait saisi les autorités administratives et académiques.

Les professeurs du Lycée Malick Sy dénoncent la recrudescence vertigineuse des fuites
C’est le mardi 17 juin 2025 que les délégués des professeurs du Lycée Malick Sy sont montés au créneau, lors d’un point de presse, pour fustiger une recrudescence vertigineuse des fuites de sujets de composition à l’Académie de Thiès. Ils ont dénoncé un état de fait qui gangrène l’Académie de Thiès depuis plusieurs années. «Depuis sept ans, il n’y a pas une évaluation sérieuse organisée par l’Acadé-mie de Thiès, ni les compositions du premier semestre ni celles du second.» Aussi de poursuivre : «Nous sommes confrontés à des problèmes de fuites de nos épreuves, ce que l’on appelle des épreuves standardisées. Pour toute évaluation organisée auparavant, nous constatons que les élèves ont déjà les épreuves. Nous avons alerté les autorités académiques afin que des solutions soient trouvées à ce problème qui gangrène le système.»

Malheureusement, s’offusquent nos vaillants enseignants, «ce que nous constatons aujourd’hui, c’est un entêtement de l’autorité académique à vouloir continuer à administrer des épreuves qui, chaque jour, se retrouvent dans la rue avec les élèves». Dès lors, ces professeurs, face à la situation, se sont résolus à prendre leurs responsabilités, en tant qu’agents de l’administration, pour dire à l’autorité académique, à toute la communauté, de manière claire, que «désormais, au Lycée Malick Sy, nous n’allons plus administrer d’épreuves provenant de l’Ia tant que la question n’est pas réglée de manière définitive».

Arrestation d’une quinzaine d’élèves au Lycée Jules Sagna, fronde des élèves
Durant plusieurs heures, une vive tension a régné au Lycée Jules Sagna de Thiès. Les élèves, particulièrement ceux des classes de Seconde, ont boycotté la suite de leurs compositions. Un mouvement d’humeur déclenché par l’arrestation de leurs camarades du lycée, après la détection de fuites lors de l’épreuve d’histoire-géographie. Le lendemain, l’action des élèves ne s’est pas limitée à leur établissement. Ils ont également paralysé les cours dans d’autres lycées de la ville, en délogeant leurs camarades. Pour dire qu’en guise de protestation, leurs camarades ont massivement boycotté les compositions en cours, entraînant une paralysie quasi totale des enseignements, non seulement dans leur établissement, mais également dans plusieurs autres lycées de la ville.

Une série d’arrestations qui a donc provoqué une vague de colère au sein de l’établissement. Principalement issus des classes de seconde, les élèves qui ont refusé de poursuivre les compositions ont dénoncé une «stigmatisation collective» et une «injustice». Drapeaux rouges à la main et sifflets à la bouche, ils ont investi les cours de récréation et bloqué l’accès aux salles d’examen. La protestation s’est rapidement étendue à d’autres établissements de la ville. Des groupes d’élèves en colère se sont rendus dans différents lycées pour y interrompre les cours et appeler à la solidarité. Plusieurs établissements ont vu leurs activités pédagogiques suspendues, parfois de manière brutale. «On ne sait pas comment cela a pu se produire, mais les candidats soupçonnés d’avoir quelque chose à voir avec les épreuves fuitées de composition (épreuves de mathématiques, anglais, histoire-géographie du second semestre) risquent de ne pas terminer l’année», pense ce parent d’élève. Qui souhaiterait savoir comment les épreuves ont pu se retrouver avant l’heure entre les mains des candidats. Tout serait parti de la découverte présumée de fuites concernant l’épreuve d’histoire-géographie. Des soupçons jugés sérieux ont conduit à l’interpellation de 15 élèves du Lycée Jules Sagna, suspectés d’avoir eu accès au sujet avant sa tenue officielle.

Face à l’ampleur de la mobilisation des potaches, les Forces de l’ordre se sont vite mobilisées et sont intervenues pour disperser les manifestants et libérer les accès des établissements scolaires. Elles se sont fortement déployées pour contenir la situation. De nombreux attroupements ont été dispersés aux abords de certains lycées, mais aucune violence majeure n’a été signalée. Face à une telle crise qui suscite à la fois indignation et inquiétude dans la ville, l’inspecteur d’Académie de Thiès, Gana Sène, avait alors exprimé son inquiétude, tout en appelant à l’apaisement : «je l’ai dit : la place de l’enfant n’est pas en prison», a-t-il déclaré. Tout en reconnaissant la gravité des faits, il a souligné la nécessité de traiter ces jeunes avec discernement : «Si, pour des raisons de comportement, des enfants sont arrêtés, cela nous fait tous mal.»

M. Sène a également rassuré l’opinion sur les efforts entrepris par l’Inspection académique : «Nous avons tout fait pour envisager la meilleure issue pour ces enfants.» Toutefois, il a rappelé les limites de son champ d’intervention : «Je ne suis pas procureur de la République, encore moins commandant de brigade. Laissons les autorités compétentes faire leur travail.» Des mesures d’accompagnement ont toutefois été mises en place, notamment avec l’Aemo (Action éducative en milieu ouvert), pour assurer un suivi psychologique et juridique des élèves lors de leur garde à vue. L’inspecteur d’Académie a, durant tout ce temps, lancé un appel à la retenue à l’endroit des élèves.
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